[Aires marines protégées] Une vaste étude sur la taille des poissons pour mieux comprendre l’impact des activités humaines et la pertinence des AMP

Dans une publication parue jeudi dernier dans le journal Science, Tom B Letessier, chercheur à la Société zoologique de Londres (ZSL), et ses collègues livrent les résultats d’une étude impressionnante sur la taille corporelle des poissons. Des données collectées pendant 14 ans ont été analysées, représentant environ 20 000 heures de vidéos sous-marines filmant près d’un million d’individus de 1460 espèces différentes. Un travail d’analyse complexe et de longue haleine mené en France au de synthèse et d’analyse de données sur la biodiversité, le Cesab, de la Fondation pour la recherche sur la biodiversité (FRB). 

 

Recueillies grâce à des pièges caméras, ces données ont permis de comparer l’efficacité des zones protégées chez les populations de poissons pélagiques (vivant au-dessus du plancher marin comme les thons, sardines ou encore requins soyeux) et chez les populations de poissons benthiques (vivant sur le plancher marin tels que les raies, limandes ou labres). En effet, en mer, la taille des poissons donne de vraies indications sur leur place dans la chaîne alimentaire, et donc sur le fonctionnement de l’écosystème étudié.   

 

 

“Pour les populations pélagiques, l’effet des aires marines protégées (AMP) se conjugue avec leur distance de la côte : plus une AMP est éloignée de la côte, plus elle apparaît efficace pour protéger les poissons pélagiques. Ce résultat contraste avec les populations benthiques, pour lesquelles les AMP les plus efficaces se trouvent proches des côtes, et des activités humaines.” 

Tom B Letessier 

 

 

Cette étude rappelle la nécessité de répartir des aires marines protégées entre zones côtières et haute mer afin de permettre aux populations pélagiques, déjà surexploitées, de se restaurer, loin des activités humaines.  

 

 

Retrouvez l'article

 

 

Aller + loin : Aires marinées protégées et taille des poissons, un sujet scientifique d’actualité 

 

Pourquoi les poissons des zones benthiques et pélagiques ont-elles des réponses différentes aux activités humaines et à leur proximité ? Les raisons écologiques de ce phénomène sont encore mal connues. Une des hypothèses serait l’absence de « refuge » dans les zones pélagiques, alors que les zones benthiques, du fond de l’océan, offrent une protection aux individus les plus petits ou les plus jeunes, qui peuvent se cacher dans les algues.  

 

D’autres travaux soulignent la complexité des phénomènes écologiques impliqués. Une publication de Chen et al. parue dans PNAS en novembre 2023 montre qu’une augmentation de la survie des individus adultes en zone protégée peut avoir de nombreux effets en cascade et qui varient dans le temps : augmentation de leur taux de reproduction, de leurs densités et donc de leur compétition pour la nourriture, ce qui peut les inciter à sortir de ces zones plus tôt dans leur vie, selon la taille des aires protégées.

L’emplacement et la taille des aires marines protégées sont donc des facteurs fondamentaux à prendre en compte pour protéger au mieux la biodiversité marine.

 

#ScienceDurable – Énergie renouvelable et biodiversité : les implications pour parvenir à une économie verte

En raison de leur rôle crucial dans la lutte contre le changement climatique, les filières de production d’énergie à partir de sources dites « renouvelables » sont souvent implicitement considérées comme favorables à l’environnement alors qu’elles ont toute des impacts, plus ou moins importants sur la biodiversité et les écosystèmes, ainsi que le démontre cette revue de la littérature qui a analysé plus de 500 références scientifiques.

 

Les impacts sont variés, mais ils seront d’autant plus importants que ces solutions énergétiques seront déployées à grande échelle pour permettre une transition rapide vers une économie verte. Si ces pressions varient considérablement entre les différentes filières et les contextes environnementaux dans lesquels elles opèrent, l’impact majeur, commun à toutes les filières, est la perte ou la modification des habitats. Mais d’autres effets négatifs existent comme les traumatismes parfois mortels, la pollution, l’émission de gaz à effet de serre, la compétition pour les usages de l’eau ou encore l’induction de comportement d’évitement, les invasions biologiques ou la modification des micro-climats locaux qui perturbent les écosystèmes.

Consultez la synthèse complète dans les ressources ci-dessous.

 

 

Le résumé des effets négatifs et positifs par filière listés dans la revue est présenté ci-après :

 

 

Énergie solaire

 

Effets négatifs sur la biodiversité :

 

  • Perte ou fragmentation des habitats : c’est l’effet sur la biodiversité le mieux documenté ;
  • Collision des oiseaux avec les installations ;
  • Brûlures occasionnées aux oiseaux exposés aux flux solaires intenses. Ceci pourrait occasionner la mort de milliers d’oiseaux
  • Pollution des masses d’eau à partir de produits chimiques toxiques utilisés pour le traitement des panneaux solaires et des sols (herbicides) ;
  • Utilisation croissante de l’eau (en particulier dans les déserts) ;
  • Attraction et désorientation des insectes et des oiseaux causés par une lumière intense ou polarisée ;
  • Piège écologique en raison de mécanismes attracteurs cumulatifs ;
  • Perturbation du micro-climat local.

 

Effets positifs possibles pour la biodiversité :

 

  • Fourniture de zones de couverture ou d’habitat et d’alimentation (par exemple, pâturages) pour certains animaux.

 

 

Énergie éolienne terrestre

 

Effets négatifs sur la biodiversité :

 

  • Collision d’oiseaux et de chauves-souris avec des éoliennes.Comme pour les oiseaux les risques ne concernent pas seulement les espèces locales, mais aussi les espèces migratrices ;
  • Traumatismes internes (barotrauma) chez les chauves-souris associés à des réductions soudaines de pression de l’air à proximité des pales ;
  • Perturbation des voies migratoires pour certaines espèces d’oiseaux et de chauves-souris : c’est une des incidences les mieux documentées et le plus étudiées.

 

Effets positifs possibles pour la biodiversité :

 

  • Constitution de territoires favorables pour certaines espèces terrestres en raison de la réduction du trafic, de la disponibilité en ressources alimentaires et de la réduction de prédateurs.

 

 

Énergie hydraulique

 

Effets négatifs sur la biodiversité :

 

  • Disparition d’écosystèmes (lors de la mise en eau des barrages) y compris les réserves naturelles, fragmentation des habitats ;
  • Perturbation des flux hydriques en amont et en aval des installations hydroélectrique ;
  • Perturbation des voies migratoires de certaines espèces de poissons ;
  • Détérioration de la qualité de l’eau en raison des changements dans la charge en sédiments, la turbidité et l’eutrophisation ;
  • Émissions de GES par les réservoirs qui contribuent au changement climatique anthropique.

 

Effets positifs possibles pour la biodiversité :

 

  • Création de nouveaux habitats ou de nouveaux écosystèmes.

 

 

Bioénergie

 

Effets négatifs sur la biodiversité :

 

  • Perte, fragmentation, simplification et homogénéisation des habitats en raison de la mise en place de monocultures intensives et pertes de biodiversité associées ;
  • Pollution du sol et de l’eau associée à l’utilisation d’engrais et pesticides qui provoque toxicité et eutrophisation ;
  • Emissions de polluants dans l’air ambiant qui contribuent à l’acidification et à la formation d’ozone troposphérique, émission de GES pendant tout le cycle de vie de la production de bioénergie qui contribue au changement climatique anthropique ;
  • Modification des micro-climats locaux en raison des changements dans l’albédo et l’évapotranspiration ;
  • Concurrence avec la végétation indigène de certaines espèces utilisées comme matières premières (par exemple, Eucalyptus, Miscanthus).

 

Effets positifs possibles pour la biodiversité :

 

  • Fourniture d’habitat, alimentation et autres services écosystémiques de soutien par certaines surfaces recouvertes de plantes énergétiques (par exemple : Miscanthus, Panicum virgatum –switchgrass-).

 

 

Énergie des mers

 

Effets négatifs sur la biodiversité :

 

  • Perturbations des milieux liées à la construction des installations d’énergie océanique, (par exemple pollution sonore qui affecte certaines espèces aquatiques, en particulier les mammifères marins) ;
  • Perte ou changement d’habitats associés à la mise en place des fondations des installations ancrés dans le fond marin, la mise en eau permanente des portions des estuaires situés en amont des structures marémotrices, la modification des processus hydrodynamiques et de sédimentation ;
  • Augmentation de la turbidité dans la colonne d’eau due aux perturbations des fonds marins, changements dans la salinité, afflux d’eau plus oxygénée dans les structures marémotrices ;
  • Pollution électromagnétique associée aux câbles sous-marins et chimique provenant de lubrifiants et peintures toxiques ;
  • Changement de composition des communautés de poissons benthiques en raison de pertes d’habitats ;
  • Perturbation des déplacements et de l’alimentation des espèces locales et migratrices ;
  • Mortalités d’espèces dans les structures marémotrices, collision des oiseaux avec les éoliennes marines et des espèces aquatiques avec des dispositifs utilisant l’énergie des vagues ;
  • Mortalité des poissons tropicaux en raison des chocs thermiques générés par certaines installations.

 

Effets positifs possibles pour la biodiversité :

 

  • Protection de la biodiversité par la création de zones interdites d’accès aux activités de pêche et de transport (par exemple les champs d’éoliennes marines) ;
  • Abris pour certaines espèces notamment autour des parcs éoliens marins et les infrastructures basées sur l’exploitation des vagues et des marées.

 

 

Énergie géothermique

 

Effets négatifs sur la biodiversité :

 

  • Perte d’habitat pendant la conversion des zones naturelles en installations géothermiques ;
  • Changement d’habitat au cours du déboisement du site, de la construction de routes, du forage des puits et des sondages sismiques qui affecte les processus de reproduction, de recherche de nourriture et de migration de certaines espèces ;
  • Émissions de polluants toxiques tels que le H2S, l’arsenic et l’acide borique qui peuvent défolier les plantes ou être incorporés par les organismes ;
  • Pollution par le bruit et la chaleur des installations géothermiques.

 

 

La revue propose aussi pour chaque filière des mesures d’atténuation permettant d’éviter, minimiser, restaurer ou compenser les impacts, la plus emblématique d’entre elle étant la localisation des installations dans les zones à faible biodiversité, mais le choix de technologies moins impactantes, la planification en amont incluant des procédures de préservation de la biodiversité ou la mise en place systématique d’éléments favorables à la biodiversité au sein ou autour des infrastructures est aussi recommandé. Les auteurs préconisent également de profiter des emprises territoriales, parfois importantes, de ces infrastructures pour créer et maintenir des réserves naturelles dans lesquelles les activités humaines sont réduites.

 

Un important travail reste à conduire pour renforcer l’acquisition de connaissances sur les impacts réels de ces filières sur les différents compartiments de la biodiversité (des espèces aux écosystèmes) et développer des outils d’évaluation pertinents et efficients.

 

En effet, la transition énergétique ne pourra se passer de l’exploitation des ressources énergétiques renouvelables. Il est donc essentiel que son développement et les politiques publiques associées prenne en compte la biodiversité. Ceci est d’autant plus crucial que le développement à grande échelle de la transition vers une économie verte démultipliera, parfois de façon exponentielle les effets directs et indirects de ces filières sur l’environnement en général et la biodiversité en particulier.

Plaidoyer pour une COP 15 Biodiversité ambitieuse et pour un rapprochement des conventions issues de Rio

Fin 2020 se tiendra la quinzième Conférence des parties (COP) de la Convention des Nations unies sur la diversité biologique (CDB), en Chine. Les pays adhérents à cette convention sont invités à annoncer des engagements précis en faveur de la préservation de la biodiversité.

Il serait dramatique que les États réunis à cette occasion ne s’accordent que sur un plus petit dénominateur commun en matière d’engagements et d’actions et que les décisions de la COP ne soient pas à la hauteur des enjeux relatifs à l’effondrement de la biodiversité.

Il faut que les États s’engagent en faveur d’actions claires, précises, multiples et quantifiables, en privilégiant la réduction rapide et effective des grands facteurs de pressions, tout en développant des actions de protection de grande ampleur afin de sauvegarder rapidement ce qui reste de la biodiversité et lui redonner un large potentiel d’évolution.

Il faut également que les acteurs privés accompagnent cette démarche en travaillant à la réduction de leurs pressions sectorielles sur la biodiversité.

Il faut enfin que les citoyens soient le moteur d’un changement majeur de nos modes de consommations, de perception et d’usage de la biodiversité.

 

Les deux plateformes d’expertise scientifique planétaires, qui réfléchissent d’un côté au devenir de la biodiversité (IPBES) et de l’autre à celui du climat (GIEC), s’accordent globalement sur le constat d’urgence et la nécessité de revoir rapidement des processus productifs non durables qui aggravent à la fois l’érosion de la biodiversité et le changement climatique.

 

L’IPBES souligne ainsi dans son évaluation mondiale de l’état de la biodiversité présentée en mai 2019, que la biodiversité s’érode à un rythme croissant, ce qui conduit à la dégradation du fonctionnement des sols et des écosystèmes. En conséquence, les services que les humains retirent de la biodiversité diminuent eux aussi rapidement, mettant en péril le devenir de nos sociétés. Les facteurs directs à l’origine de cette dégradation de la biodiversité sont parfaitement connus et leur importance respective a été évaluée : changement d’usage des terres au détriment des écosystèmes et des biotopes peu anthropisés, exploitation, et souvent surexploitation, des ressources marines ou terrestres, pollutions chimiques et physiques croissantes, changement climatique, multiplications des espèces exotiques envahissantes. Tous ces facteurs s’aggravent mutuellement et sont également renforcés par des facteurs indirects : la croissance démographique humaine et l’ensemble des processus socio-économiques et politiques à l’origine d’une consommation non durable des ressources de la planète.

L’IPBES insiste sur les incidences négatives multiples sur la biodiversité des systèmes de production agricoles intensifs dont deux excès sont à présent bien documentés, d’une part l’usage immodéré des pesticides et engrais chimiques et d’autre part l’accroissement de la production de protéines végétales destinées à l’alimentation animale qui induit des échanges à longue distance et délocalise les impacts dans des régions à forte biodiversité, comme les forêts tropicales. Les projections d’ici 2050 montrent que sans changements majeurs de modes de vie, l’érosion de la biodiversité et la diminution des services que les humains retirent du monde vivant vont se poursuivre.

 

Depuis la publication de l’évaluation mondiale de l’IPBES, le GIEC a produit un rapport sur les liens entre changement climatique et usage des terres, notamment au travers des activités agricoles et forestières. Les messages clés de ce rapport rejoignent ceux de l’évaluation IPBES sur la dégradation et la restauration des terres publiée en 2018. Le rapport du GIEC souligne l’importance de la contribution de l’ensemble du système alimentaire mondial à la production de gaz à effet de serre et rappelle que les modifications de couverture, d’usage et d’état des sols influencent les climats régionaux et globaux. Il rappelle aussi que le changement climatique est une source de risques accrus pour le système alimentaire mondial et la biodiversité, risques qui seront d’autant plus forts à mesure que la consommation alimentaire, les besoins en eau et la consommation de ressources multiples continueront à s’accroître. Le GIEC appelle à des actions en faveur de l’adaptation au changement climatique et à la réduction de celui-ci en soulignant les co-bénéfices que pourra en attendre la biodiversité. Le GIEC appelle donc à une gestion durable des sols et des écosystèmes, seule manière d’en stopper la dégradation, d’en maintenir la productivité et de contribuer à l’adaptation au changement climatique et à sa réduction. Le GIEC insiste sur la nécessaire réduction du gaspillage alimentaire et des déchets tout en jouant aussi sur l’évolution des choix alimentaires. Enfin, le GIEC insiste sur le besoin d’agir vite, de privilégier le court terme et met en avant dans ses projections le besoin d’accroître les surfaces forestières.

 

Par ailleurs, en septembre s’est tenue en Inde la Conférence des parties de la convention sur la lutte contre la désertification (UNCCD), la troisième des conventions de Rio, qui appelle à un arrêt de la dégradation des sols et à leur restauration pour préserver le fonctionnement et les services des écosystèmes et renforcer la sécurité alimentaire. Dans la déclaration de New Delhi appelant à investir dans la sauvegarde de terres et à débloquer toutes les opportunités d’action, la COP Désertification souligne l’importance de la prise en compte des solutions basées sur la gestion des terres pour la lutte contre le réchauffement climatique et pour la conservation de la biodiversité.

 

Enfin, l’initiative New York Declaration on Forests, initiée en 2014 par d’importantes structures de recherche et de réflexion et des ONG, constatant la poursuite de la déforestation, en particulier des forêts humides tropicales, a solennellement appelé à la protection et à la restauration de forêts de la planète, pour préserver leur biodiversité et leur capacité à séquestrer du carbone, rejoignant ainsi les COP dans leur invitation à ce que les gouvernements s’engagent dans des changements systémiques.

 

Dans tous les cas, les constats de ces instances relayent les alertes faites par les scientifiques depuis longtemps, et leurs recommandations, ont été reconnues ou approuvées par une majorité des pays dans le monde. Les gouvernants ne peuvent donc dire que l’alerte n’a pas été donnée et que l’urgence des actions nécessaires en faveur de la biodiversité n’a pas été mise en avant. Certains pays ont rapidement pris des engagements, comme la France qui a annoncé un accroissement significatif des surfaces d’aires protégées nationales, une initiative majeure, mais qui ne couvre qu’en partie les besoins d’actions indispensables, notamment à court terme.

 

Cependant, des divergences significatives persistent dès que sont abordées les stratégies et les options à privilégier pour résoudre les problèmes de restauration de la biodiversité ou de réduction du changement climatique.

 

C’est le cas, par exemple, de la prise en compte d’un fort développement des surfaces dévolues aux cultures énergétiques dans les scénarios du GIEC, cultures qui, à grande échelle, auraient un impact négatif majeur sur la biodiversité et sur lequel l’IPBES a attiré l’attention des dirigeants. Il en va de même du développement des technologies énergétiques de type BECCS (Bioenergy with Carbon Capture and Storage) ou du déploiement de stratégies d’afforestation intensive. C’est sur ces sujets que les échanges entre les experts du climat et de la biodiversité d’une part et entre les différents mécanismes de coordination stratégique et politique internationaux (Conventions et agences onusiennes) d’autre part devraient prendre toute leur importance. Il est central de rappeler que la lutte contre le changement climatique n’est pas une fin en soi, mais un moyen, urgent et indispensable, pour permettre aux vivants, humains et non-humains de poursuivre leurs trajectoires de vie et d’évolution. La lutte contre le changement climatique ne peut donc se faire en aggravant la situation de la biodiversité. Plus que jamais, le slogan de la FRB, « biodiversité et climat, même combat », reste d’une évidente actualité.

 

Au-delà de la COP 15 Biodiversité, de la COP Désertification ou des prochaines COP Climat, les Conférences des parties des trois conventions de Rio qui doivent avancer de concert, se pose la question de la nécessaire coordination mondiale des actions qui sont de nature à mettre la planète sur une trajectoire d’avenir assurant à la fois le devenir des populations humaines et celui de l’ensemble du vivant sur les continents, les îles et les mers et cela sans manichéisme et en respectant libertés et différences culturelles.

Face aux défis planétaires qui se posent à nous, il n’est plus possible de continuer à raisonner en silos, climat d’un côté, biodiversité ou désertification de l’autre, et de laisser émerger des solutions qui seront de mauvais compromis ne permettant pas de répondre simultanément, et au même niveau de priorité, à l’ensemble des grands défis planétaires.

 

Plusieurs alternatives sont envisageables pour que les solutions préconisées par les instances internationales soient pertinentes pour l’ensemble des enjeux majeurs auxquels nous devons faire face :

 

  • Fusionner les trois conventions de Rio en une seule Convention Environnement qui traiterait de l’ensemble des enjeux environnementaux sous l’égide du Programme des Nations unies pour l’Environnement, le PNUE. Cela permettrait de considérer conjointement et en pleine synergie les enjeux du climat, de la désertification des terres et de la biodiversité, et de faire remonter en direction des décideurs des suggestions d’engagements et d’actions qui ne favoriseraient pas la solution d’un problème au détriment d’un ou plusieurs autres. Cela permettrait aussi d’établir un lien plus direct avec une version actualisée des Objectifs du Développement Durable de l’ONU qui pourraient alors s’appeler les Objectifs pour une Planète Durable. Une telle fusion s’accompagnerait de celle des organes subsidiaires scientifique et technologiques (SBSTA et SBSTTA) des conventions. Il faudrait parallèlement statuer sur la nécessité d’institutionnaliser ou non les relations entre les plateformes d’expertise scientifiques, GIEC et IPBES, et veiller à ce que la fusion des trois conventions, en donnant naissance à une structure de très grande ampleur, difficile à gérer dans la pratique, ne brise pas leurs dynamiques internes actuelles.
  • Conserver les trois COP actuelles et mettre en place, sous l’égide du PNUE, une structure chapeau de coordination destinée à harmoniser et fiabiliser les décisions des COP. Il s’agirait là d’une structure légère associant secrétariat des conventions et responsables des structures d’expertise scientifique associées. Comme dans l’option précédente, les plateformes internationales d’expertise scientifique seraient invitées à collaborer de manière beaucoup plus effective qu’actuellement. Une telle structure chapeau devra fonctionner avec un impératif fort de réactivité.
  • Établir un nouveau mode de fonctionnement entre les Conventions pour qu’elles s’appuient sur l’ensemble des organes d’appui scientifiques et technologiques dédiés (SBSTA et SBSTTA) et des plateformes d’expertise scientifique internationales, en particulier le GIEC et l’IPBES. Cette option nécessitera d’institutionnaliser une plateforme d’expertise scientifique indépendante en matière de désertification, par exemple le partenariat mondial sur les sols, actuellement sous égide de la FAO.
  • Instituer formellement et rapidement une collaboration opérationnelle entre tous les organes d’appui scientifiques et techniques et les plateformes d’expertise scientifique comme le GIEC et l’IPBES de manière à ce qu’aucun rapport de l’une des plateformes scientifiques ne soit publié sans avoir bénéficié de la validation des autres groupes d’experts. Cela peut passer par la publication de rapports communs ou par une évaluation a posteriori des recommandations à destination des États avec une exclusion systématique des solutions qui porteraient atteinte aux enjeux de lutte contre le changement climatique, de lutte contre l’érosion de la biodiversité ou de lutte contre la désertification. Cette dernière option serait la plus facile à mettre en œuvre et les conventions pourraient alors pouvoir travailler à partir d’un socle d’expertise non pas nécessairement commun, mais ayant fait l’objet, en matière de recommandations, d’une mise en cohérence aussi poussée que possible.

 

Dans tous les cas, il devient urgent de favoriser des consensus scientifiques forts, qui puissent constituer les fondements de décisions internationales ambitieuses dépassant les visions sectorielles et les clivages politiques touchant notre avenir et celui de toutes les formes de vie qui nous entourent.

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