Impacts des installations éoliennes en mer sur la biodiversité et recommandations pour l’évaluation des risques
Depuis le déploiement des premières installations éoliennes en mer, dites offshore, des controverses sont nées autour de leurs coûts et bénéfices économiques et environnementaux.
Face à l’urgence climatique, la réduction rapide des émissions de gaz à effet de serre est indispensable. La production électrique issue des énergies fossiles étant l’une des principales sources d’émissions de CO₂, la transition énergétique vers les énergies renouvelables joue un rôle clé pour atteindre la neutralité carbone en 2050.
L’éolien offshore, c’est-à-dire en mer, apparaît être une solution stratégique pour répondre à la demande croissante d’électricité décarbonée, diversifier le mix énergétique et renforcer l’autonomie des États. Néanmoins, malgré ses bénéfices climatiques, l’éolien marin nécessite des infrastructures conséquentes qui perturbent le milieu dans lequel elles sont implantées.
Zoom sur les impacts des installations éoliennes en mer sur la biodiversité
L’énergie éolienne offshore pose ainsi des défis environnementaux majeurs notamment en matière de biodiversité : perturbation dans la colonne d’eau sur les habitats benthiques, c’est-à-dire dans les fonds marins, émissions sonores susceptibles de nuire aux mammifères marins, mais également dans la colonne d’air avec des risques de collision pour les oiseaux et chauves-souris, etc.
De nombreux travaux de recherche se sont donc efforcés d’évaluer les impacts, positifs ou négatifs, de ces dispositifs sur la biodiversité et le fonctionnement des écosystèmes marins, générant une abondante littérature scientifique. Ces impacts sont très variables et différents selon le cycle de vie de l’installation, l’emplacement, le type de turbine employée, le type de fondations et d’ancrages, les structures annexes associées et les espèces présentes qui interagissent avec ces infrastructures. Ces installations sont principalement situées dans des parcs éoliens, plus ou moins étendus, à plus ou moins grande distance des côtes. Or, les territoires côtiers sont à la fois des zones de forte biodiversité, mais aussi des zones culturellement riches et où le partage des usages des terres, de la mer et des ressources est un réel enjeu.
Recommandations pour diminuer les risques sur la biodiversité
Conformément à la cible 15 du cadre mondial de la biodiversité de Kunming-Montréal, tous les acteurs économiques, doivent réduire les impacts négatifs sur la biodiversité, y compris les impacts des solutions pour atténuer le changement climatique. Ainsi, la production énergétique, comme les autres activités humaines, doit transiter vers des actions plus durables, tout en préservant la biodiversité. Pour favoriser cette transition et réduire les impacts de l’éolien offshore, des recommandations sont proposées à destination de la communauté scientifique, des développeurs et opérateurs d’éoliennes en mer et des États afin d’en réduire les impacts.
Parmi ces mesures, on retrouve :
- D’abord, l’acquisition et le partage de données robustes forment le socle pour alimenter des décisions de localisation fondées. Ils reposent sur des études ciblées, des protocoles de suivi standardisés et des plateformes collaboratives ouvertes.
- Ensuite, les outils d’évaluation d’impact, qu’ils soient cartographiques, statistiques ou modélisés, permettent de projeter les risques de manière prospective et d’identifier les zones de plus haute vulnérabilité pour la faune volante. La localisation stratégique des projets, incluant l’exclusion des zones sensibles, la création de zones tampons, et le respect des corridors migratoires, renforce cette logique de prévention.
- Enfin, à une échelle plus fine, le micro-siting permet d’ajuster la configuration interne des parcs afin d’améliorer leur perméabilité écologique tout en optimisant leur efficacité énergétique.
Les données disponibles montrent que des perturbations durant des périodes critiques peuvent engendrer des effets écologiques notables, comme une baisse du succès reproducteur ou une modification des comportements de recherche alimentaire. En réponse, une temporalisation raisonnée des interventions apparaît comme un levier de prévention prometteur. Elle suppose une connaissance fine des espèces locales et un suivi écologique rigoureux.
- Déployer des technologies de détection de dernière génération ;
- Généraliser les suivis comportementaux et environnementaux spécifiques aux sites d’installation ;
- Instaurer une gestion intégrée et collaborative à l’échelle régionale et internationale.
À terme, ces approches permettront non seulement une réduction significative des risques écologiques associés à l’éolien marin, mais également une meilleure acceptabilité sociale et économique de ces projets dans une perspective de durabilité à long terme.
Les actions identifiées incluent notamment la gestion de l’éclairage, l’introduction de contrastes visuels marqués, le choix de couleurs moins attractives, ou encore l’adaptation des dimensions physiques des turbines, telles que la garde au sol ou le diamètre du rotor.
Ces mesures, en grande partie issues de travaux interdisciplinaires croisant écologie sensorielle, ingénierie et biomécanique du vol, doivent encore faire l’objet de validations empiriques en contexte marin.
Pour les opérateurs, ces éléments offrent des pistes d’innovation technique compatibles avec les exigences de sécurité et les contraintes réglementaires. Pour les scientifiques, ils ouvrent un champ de recherche appliquée essentiel à l’évaluation des interactions espèces-infrastructures. Pour les décideurs, ils renforcent l’idée que la conception de parcs éoliens respectueux de la biodiversité passe par une intégration fine des connaissances écologiques dans les choix techniques.
Dans cette perspective, la visibilité des turbines s’impose comme un levier complémentaire de réduction des risques, à considérer en parallèle d’autres mesures plus structurelles comme le micrositing, le bridage ou la planification spatiale.
Dans ce contexte, les dispositifs de dissuasion doivent être considérés comme des compléments potentiels à d’autres mesures plus éprouvées (planification spatiale, micro-siting, bridage). Leur développement futur dépendra d’un investissement en recherche appliquée, en lien étroit avec les connaissances écologiques des espèces concernées et les contraintes d’exploitation offshore. Pour les développeurs et les décideurs, il s’agit d’un domaine à suivre activement, en soutenant des projets pilotes et des programmes de validation scientifique, afin de déterminer si certaines solutions peuvent être intégrées de manière opérationnelle dans les prochaines générations de parcs éoliens marins.
Cependant, pour que cette stratégie devienne un réel levier de réduction des impacts sur les oiseaux et les chauves-souris, elle suppose la mise en place de protocoles de suivi écologique robustes et continus, capables d’identifier les turbines les plus problématiques. Or, la disponibilité de données fines en mer reste aujourd’hui un défi majeur. La réussite du renouvellement comme outil d’atténuation dépendra donc d’un investissement accru dans le suivi environnemental offshore et d’un cadre de gouvernance encourageant l’exploitation active de ces données dans les phases de reconfiguration des projets.
Leur mise en œuvre repose sur une diversité d’approches complémentaires : restauration d’habitats, actions de conservation ciblées et planifications stratégiques.
Ces mesures doivent être soigneusement planifiées, adaptées aux espèces concernées et évaluées dans la durée pour garantir qu’elles compensent effectivement les pertes écologiques générées. Des initiatives comme la suppression de prédateurs invasifs, la création de colonies sécurisées, ou encore le financement de programmes alternatifs de conservation, offrent des pistes concrètes pour renforcer la résilience des populations affectées.
Cependant, leur succès s’accompagne d’une forte incertitude et repose sur des conditions strictes : un suivi rigoureux, une coordination interrégionale, et une intégration dans une stratégie environnementale globale. Il est donc essentiel que les mesures compensatoires ne soient pas perçues comme un substitut aux efforts d’évitement, mais bien comme un complément ciblé, mobilisé avec précaution, transparence et dans une logique de conservation à long terme.
Cette publication a été réalisée dans le cadre du programme « Impact des énergies renouvelables sur la biodiversité ». Ce programme de financement de projets de recherche porté par la Fondation pour la recherche sur la biodiversité (FRB) et le Mirova Research Center vise à mieux évaluer l’impact des énergies renouvelables sur la biodiversité et à produire des recommandations opérationnelles sur de meilleures pratiques à destination des acteurs de la filière. + d’infos