Les pratiques agricoles sont responsables du déclin des oiseaux en Europe
Référence de l’article : Rigal S., Dakos V., Alonso H., Auniņš A., Benkő Z., Brotons L., … & Devictor V. (2023). Farmland practices are driving bird population decline across Europe. Proceedings of the National Academy of Sciences, 120(21), e2216573120.
Synthèse par : Hélène Soubelet
Relectures par : Denis Couvet, Robin Goffaux, Thomas Perrot, Milena Cairo, Pauline Coulomb
Bien que le déclin des populations d’oiseaux en Europe soit aujourd’hui clairement démontré, les facteurs qui l’expliquent le sont moins. Pourtant, dans un article paru en 2023, une équipe de recherche a mis en évidence l’impact prédominant de l’intensification de l’agriculture, estimée par le biais des dépenses en intrants chimiques (fertilisants et pesticides), sur le déclin des oiseaux à l’échelle continentale. L’équipe pilotée par Stanislas Rigal, chercheur à l’ISEM (Institut des sciences de l’évolution de Montpellier), a pour cela compilé un vaste ensemble de données empiriques, collectées entre 1980 et 2016 en Europe. Leurs travaux démontrent que cet impact est globalement plus important que ceux du changement climatique, de l’urbanisation ou encore de l’évolution du couvert forestier. De la Méditerranée aux régions arctiques de l’Europe, l’étude couvre au total 28 pays. Elle est l’une des plus complètes menées à l’échelle de l’Europe continentale, suivant l’effet des pressions anthropiques sur la dynamique des populations d’oiseaux nicheurs communs.
Les messages-clés
L’étude présentée ici fournit des preuves scientifiques solides d’un effet direct et prédominant de l’intensification agricole à l’échelle continentale, par rapport aux effets du changement climatique, de l’urbanisation ou encore de l’évolution du couvert forestier.
Concernant spécifiquement l’intensification agricole :
- À l’échelle de l’Europe continentale, l’intensification agricole1 est le principal facteur de déclin des populations d’oiseaux.
- Ce constat ne concerne pas seulement les espèces des terres agricoles mais aussi les espèces forestières et urbaines.
- Alors que l’étude établit une relation entre déclin des oiseaux et intensification de l’agriculture, les mécanismes expliquant ce déclin restent en débat, entre des effets directs sur les oiseaux (intoxication par les pesticides par exemple) ou indirects à travers la suppression des ressources pour oiseaux (insectes, graines). Pour rappel, les insectes ont décliné par plus de 80 % en Europe (cf Halmman 2014).
Dans les pays où les exploitations agricoles sont plus petites, les populations d’oiseaux sont en meilleur état : l’augmentation de la taille des parcelles est en effet un autre aspect clé de l’intensification agricole et contribue au déclin des populations d’oiseaux, probablement par la réduction de l’hétérogénéité des habitats.
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Trouver un équilibre entre production agricole et la protection de l’environnement est un des défis politiques majeurs de notre siècle. Les débats actuels occasionnés par l’adoption de la loi Duplomb le démontrent à nouveau, et instrumentalisent trop souvent les résultats scientifiques et principes fondamentaux de la recherche – basés sur la prudence et le doute. Au cours des dernières années, la FRB a régulièrement partagé articles scientifiques, notes, réflexions à la fois sur les risques encourus et des pistes de mesures à mettre en place pour aider les agriculteurs à sortir de la dépendance aux pesticides.
À travers cet article, la FRB revient sur les résultats d’une étude majeure parue en 2023 dans la revue PNAS, qui démontre la responsabilité des pratiques agricoles intensives sur le déclin des oiseaux en Europe et souligne le besoin d’un changement transformateur. Elle appelle à revenir aux fondamentaux : quelle agriculture voulons-nous collectivement pour demain ?