Journée FRB 2025|Biodiversité, eau, alimentation, santé, climat : tout est lié ! – Les actes

Ces cinq éléments sont intrinsèquement liés et pourtant souvent pris en compte en silo. À travers son rapport « Nexus », sortie fin 2024, l’Ipbes – plateforme équivalente du Giec pour la biodiversité et les services écosystémiques – identifie des compromis entre ces cinq thèmes, démontre leur importance, les synergies possibles ainsi que les tensions à éviter ou minimiser. En compilant plusieurs milliers de connaissances académiques et vernaculaires et en explorant des scénarios favorisant l’un ou l’autre des éléments du Nexus, une conclusion se dessine : donner la priorité à la restauration de la Nature (biodiversité-eau-climat) est la solution la plus optimale pour protéger l’ensemble des enjeux étudiés (y compris alimentation et santé). De l’intensification durable à l’agroécologie, de l’énergie solaire aux régimes alimentaires sains, 75 « réponses-types » aux enjeux du nexus y sont comparées en termes d’ambition transformatrice, d’acceptabilité sociale ou d’implications économiques.

 

Passer d’une approche en silo à une approche systémique est un changement conséquent de nos organisations. En parallèle de son rapport Nexus, l’Ipbes a publié fin 2024 un second rapport relatif aux changements « transformateurs ». Il présente les initiatives permettant de s’engager vers les scénarios et réponses les plus prometteurs, de parvenir à des compromis satisfaisants tels qu’ils émergent du rapport Nexus. Ce rapport souligne l’importance des relations entre les visions, les structures sociales et les pratiques matérielles, susceptibles de modifier en profondeur notre économie et nos rapports au vivant.

 

Le 26 juin 2025, à travers une journée s’appuyant sur ces deux rapports de l’Ipbes la FRB et l’OFB proposent de décrypter les résultats de ces rapports, d’identifier ce qui y est innovant, les cadres de pensée, les actions concrètes et comment les intégrer ensemble dans tout processus de décision pour sortir des crises. Comment ces rapports scientifiques peuvent guider l’action sociétale ?

La science face à la désinformation : quelle place dans le débat public ?

Directeur de recherche au CNRS et directeur adjoint scientifique de l’Institut Écologie et Environnement, Philippe Grandcolas s’interroge depuis plusieurs années sur ces tensions entre savoir et pouvoir, expertise et action. À l’occasion de la publication prochaine de son ouvrage La biodiversité, urgence planète – Notre monde vivant en danger expliqué à tous (éditions Tallandier, septembre 2025), il revient pour nous sur les blocages culturels, politiques et cognitifs qui freinent encore la transition écologique. 

Dans cet entretien, le scientifique plaide pour un sursaut collectif : repenser nos représentations du vivant, renouveler les formes de médiation scientifique, et replacer la biodiversité au cœur de nos choix de société. 

[Journée FRB 2025] Biodiversité, eau, alimentation, santé, climat : tout est lié !

Ces cinq éléments sont intrinsèquement liés et pourtant souvent pris en compte en silo. À travers son rapport « Nexus » l’Ipbes – plateforme équivalente du Giec pour la biodiversité et les services écosystémiques – identifie des compromis entre ces cinq thèmes, démontre leur importance, les synergies possibles ainsi que les tensions à éviter ou minimiser. En compilant plusieurs milliers de connaissances académiques et vernaculaires et en explorant des scénarios favorisant l’un ou l’autre des éléments du Nexus, une conclusion se dessine : donner la priorité à la restauration de la Nature (biodiversité-eau-climat) est la solution la plus optimale pour protéger l’ensemble des enjeux étudiés (y compris alimentation et santé). De l’intensification durable à l’agroécologie, de l’énergie solaire aux régimes alimentaires sains, 75 « réponses-types » aux enjeux du nexus y sont comparées en termes d’ambition transformatrice, d’acceptabilité sociale ou d’implications économiques.
 

Passer d’une approche en silo à une approche systémique est un changement conséquent de nos organisations. En parallèle de son rapport Nexus, l’Ipbes a adopté un second rapport relatif aux changements « transformateurs ». Il présente les initiatives permettant de s’engager vers les scénarios et réponses les plus prometteurs, de parvenir à des compromis satisfaisants tels qu’ils émergent du rapport Nexus. Ce rapport souligne l’importance des relations entre les visions, les structures sociales et les pratiques matérielles, susceptibles de modifier en profondeur notre économie et nos rapports au vivant.

 

Le 26 juin prochain, à travers une journée s’appuyant sur ces deux rapports de l’Ipbes la FRB et l’OFB proposent de décrypter les résultats de ces rapports, d’identifier ce qui y est innovant, les cadres de pensée, les actions concrètes et comment les intégrer ensemble dans tout processus de décision pour sortir des crises. Comment ces rapports scientifiques peuvent guider l’action sociétale ?

 

Cette journée s’adresse aux acteurs de la recherche, aux acteurs privés et publics pour un dialogue transdisciplinaire nécessaire à la circulation des savoirs, leur mise en discussion et surtout en action !

 

(Re)découvrez l’événement sur Youtube

 

Piloter des projets participatifs

Bonjour Nils. Tu as souhaité parler de la “participation transformative “. Pourquoi est-ce important ?

 

La participation transformative est une approche qui vise à impliquer activement les citoyens et les parties prenantes dans les processus de changement social et écologique, en allant au-delà de la simple consultation, pour permettre une réelle co-construction des solutions, et aller vers leur mise en œuvre.

 

Aujourd’hui, l’enjeu fondamental est de voir comment la production scientifique peut engendrer des impacts concrets. Cela traverse les discussions menées au sein de l’Ipbes ou à la FRB et à travers le sujet de “changement transformateur” : comment les connaissances peuvent-elles contribuer à améliorer la qualité de vie et à la durabilité des écosystèmes ? Pour cela, en tant que scientifiques, il est crucial de réfléchir à la manière d’adapter nos pratiques et nos relations avec les autres acteurs pour mieux intégrer la science, la société et la politique. Cela signifie préserver la rigueur scientifique tout en augmentant le potentiel transformateur des connaissances, pour qu’elles puissent véritablement influencer et enrichir les décisions collectives ! Et il ne s’agit pas seulement de produire et transmettre “mieux” des connaissances – approche classique antérieure -, mais de s’engager dans un travail collaboratif différent avec les acteurs non scientifiques, et de construire et suivre ainsi ensemble des chemins de changement. Notre hypothèse de base est que la modélisation participative va amorcer des transformations en réponse aux besoins des acteurs.

 

 

 

 

Peux-tu nous définir ce qu’est la “participation transformative”, ses grands principes ?

 

La participation transformative repose sur plusieurs principes fondamentaux visant à engager efficacement les acteurs :

 

  • L’autonomie : l’objectif est de rendre les groupes d’acteurs capables de prendre des décisions en autonomie (se saisir des enjeux collectivement, les analyser, délibérer, planifier, s’engager et réguler), en réduisant les interventions externes ultérieures. Cela est essentiel pour gérer de manière adaptative les écosystèmes et les socio-écosystèmes dans lesquels ils sont impliqués, avec un coût réduit pour les politiques publiques.

 

  • L’inclusion sociale : une participation réussie nécessite l’inclusion de tous les acteurs concernés. Cela signifie s’assurer que chacun a la possibilité de contribuer et de faire entendre sa voix.

 

  • L’organisation collective : pour comprendre et gérer les systèmes complexes, une organisation structurée est indispensable. Cela inclut des processus de modélisation participative qui permettent aux acteurs de partager leurs visions, de définir ensemble leurs priorités et de délibérer sur des cadres normatifs partagés.

 

  • La construction de chemins partagés : les participants doivent pouvoir explorer des scénarios futurs de manière collaborative – par exemple par des jeux sérieux – puis coconstruire des plans d’action réalisables, engageants et efficients. Cette planification participative est rigoureuse et intégrative, pour engager un mouvement transformatif commun et adaptable.

 

Notre démarche s’appuie sur la création de dispositifs de participation, l’utilisation d’outils et méthodes accessibles, qui légitiment et mobilisent activement les acteurs. Au contraire de “l’acceptologie”, où les citoyens sont simplement invités à approuver des décisions déjà prises, nous défendons une approche où les acteurs s’impliquent, ensemble, dans la co-construction des solutions, la considération de futurs viables. L’élément clé n’est pas de produire un plan final, mais de créer un processus collectif qui aboutisse à une vision partagée et à des actions cohérentes.

 

 

 

 

Concrètement, comment se met en place la recherche transformative ? Comment réussissez vous, dans ton équipe, à faire travailler ensemble une grande diversité d’acteurs ?

 

Tout d’abord nous ne travaillons que dans et sur des projets de recherche intervention portés à la demande d’acteurs “de terrain” : élus, administrations, associations. L’existence d’un besoin, d’une demande est fondamentale, même si elle n’est pas initialement partagée par tous et toutes localement. Cela peut choquer certains collègues par cette dépendance assumée, mais elle est cruciale pour la mobilisation et la pertinence des travaux.

 

Nous sommes un groupe très interdisciplinaire, incluant des spécialistes de la modélisation — écologues, économistes, sociologues, et autres experts — pour élaborer des protocoles qui facilitent la coopération entre acteurs divers.

La méthode est très cadrée, elle repose sur quatre piliers : c’est pour mieux assurer un processus de collaboration et un espace de co-construction !

 

Les quatre piliers de l’approche
  • Ingénierie participative de la participation : Pour permettre aux acteurs de construire eux-mêmes leur chemin de participation décisionnelle, et le rendre légitime, nous utilisons la méthode PrePar (“Pré-Participation”). PrePar aide à définir précisément les rôles, les actions, et le pouvoir décisionnel des participants. Tout cela peut être formalisé dans un “contrat de participation” incluant un plan et une charte de participation.

 

  • Modélisation et simulation participative : La modélisation participative permet d’agréger les visions des acteurs, y compris les scientifiques, et de créer un cadre de référence commun sur leur système socio-écologique. Divers outils sont utilisés pour favoriser l’engagement, comme des jeux de rôle, désormais au sein des “jeux sérieux”. Depuis 2008, nous avons mis au point le kit Ini-Wag et sa méthodologie dérivée Créa-Wag qui permettent de créer rapidement des jeux de simulation pour discuter des enjeux territoriaux et des politiques publiques. Ces outils aident les participants à confronter leurs perspectives et à comprendre l’impact des actions et des politiques sur leur territoire.

 

  • Planification participative : l’objectif est de créer des plans d’action cohérents et efficaces qui intègrent les points de vue et intérêts des différents acteurs. Pour ce faire, les participants définissent d’abord un langage commun pour décrire les ressources nécessaires et les impacts. Ensuite, ils construisent un référentiel d’actions et génèrent un ensemble d’options stratégiques. Cela permet d’explorer les meilleures combinaisons d’actions tout en discutant des enjeux de faisabilité et d’efficience à différentes échelles.

 

  • Suivi et évaluation : pour évaluer les impacts multiples des actions et générer des connaissances scientifiques, nous avons conçu un cadre méthodologique nommé ENCORE. Mis en place depuis 2004, ENCORE permet de suivre le contexte, le processus, et ses impacts. Ce cadre incite les acteurs à réfléchir collectivement aux changements produits par le processus !

 

 

 

As-tu des cas pratiques à nous fournir où vous avez mis en place cette méthode ?

 

Notre méthodologie a été appliquée avec succès dans divers contextes à travers le monde. Voici deux exemples dans lesquels il est possible de retrouver les piliers précédents :

 

  • En Tunisie, dans le cadre d’un projet de gestion des ressources naturelles en milieu rural, nous avons conçu un système de comités de territoire garantissant une représentation équilibrée en termes de genre et d’âge, tout en distribuant le pouvoir pour une gouvernance inclusive. Soutenu par l’Agence Française de Développement, ce projet a mobilisé plus de 4 000 participants et environ 30 intervenants permanents, dans 6 gouvernorats, avec une généralisation en cours.

 

  • En 2019, nous avons travaillé sur la réforme des politiques de l’eau en Nouvelle-Calédonie. Cette initiative, menée en collaboration avec le Sénat coutumier et diverses communautés locales, a permis de redéfinir la répartition des pouvoirs dans la gestion de l’eau et de respecter les droits et besoins des populations autochtones en matière de gestion des ressources.

 

 

 

 

En somme, les approches de “participation transformative” ont démontré leur efficacité dans divers contextes ?

 

Oui, ancrée dans la modélisation participative et l’inclusion active des acteurs, les expérimentations de “participation transformative” ouvrent la voie à des transformations réelles et durables, adaptant la recherche scientifique aux besoins concrets des sociétés et des écosystèmes. En revanche, nous cherchons encore les chemins d’une généralisation et d’un impact à l’aune des défis actuels.

 

 

 

Vous souhaitez approfondir ces concepts et les exemples cités ? Vous pouvez consulter le livre Transformative Participation for Socio-Ecological Sustainability, accessible librement en ligne. 

 

Consulter le livre en ligne (ENG)

 

Hassenforder E., Ferrand N. (eds). Transformative Participation for Socio – Ecological Sustainability – Around the CoOPLAGE pathways. Editions Quae, 2024. 270 pages

 

[Appel à prestataire] Désignation d’un prestataire pour réaliser une revue de littérature sur les impacts des chaînes de production-consommation de produits de la mer européens sur la biodiversité et la société.

Au service de l’objectif “Connecting R&I programs, results and experts to policy” de Biodiversa+, la sous-tâche 4.1.2 “Desk studies and production of knowledge syntheses” de Biodiversa+, pilotée par la Fondation Française pour la Recherche sur la Biodiversité (FRB), publie un marché pour la réalisation d’une synthèse de connaissances afin de fournir un état de l’art sur les impacts des chaînes de production-consommation de produits de la mer européens sur la biodiversité et la société. La FRB nommera le bénéficiaire – après le processus d’évaluation – le 7 Février 2025.

 

POUR CANDIDATER

 

La date de clôture des candidatures pour ce marché est fixée au 27 janvier 2025 à minuit. 

 

Toutes les réponses à ce marché devront être en anglais et envoyées par email à :

 

Plus d’informations :

> Cahier des charges

> Formulaire de candidature

[Festival Pariscience] Coup de projecteur sur la biodiversité

Festival international de films scientifiques, le festival Pariscience se déroulait du 24 au 28 octobre dernier. Comme chaque année, une compétition de longs métrages consacrés à la biodiversité était organisée. Trois films étaient en lice pour décrocher le prix Buffon traitant du maintien de la biodiversité : 

  • Flyways : the untold journey of migratory shorebirds réalisé par Randall Wood et écrit par Randall Wood et Juliette Warlop 
  • Nocturnes écrit et réalisé par Anirban Dutta et Anupama Srinivasan 
  • Vive les microbes ! écrit et réalisé par Marie-Monique Robin 
  • Espèces en voie d’adaptation – les îles réalisé par Oliver Twinch 

 

Un jury composé de spécialistes de la biodiversité et de l’environnement s’est réuni pour les départager : Jane Lecomte, directrice scientifique du département « Homme et environnement » du Muséum national d’Histoire naturelle, et Sonia Saïd écologue, spécialiste des interactions entre la faune et la flore à l’Office français de la biodiversité, et Hélène Soubelet, directrice de la FRB. Lundi soir, le lauréat du prix Buffon a été annoncé : félicitations à Vive les microbes ! 

 

 

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Séparer les 4 longs métrages n’a pas été simple,

car ils étaient tous de très grande qualité.

La sélection s’est basée sur trois critères principaux :

la clarté et la pertinence des messages scientifiques, la qualité artistique et le côté innovant et nouveau du sujet traité.

Une chose est sûre, ils méritent tous d’être visionnés !

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Hélène Soubelet

L’émergence de la biodiversité à la télévision française de 1992 à 2009

Le mot biodiversité a été formulé pour la première fois en 1985 par le biologiste Walter G. Rosen lors du Forum national sur la biodiversité1. L’objectif de cet événement était de faire sortir le concept de diversité biologique de la communauté scientifique et de sensibiliser les économistes, les agronomes, les experts et les médias à la sauvegarde de la diversité biologique2. L’objet de cet article est de s’intéresser à son émergence à la télévision française jusqu’en 2009, soit deux ans après la tenue du Grenelle de l’environnement.

 

Justice sociale et gouvernance équitable : des clés pour une conservation réussie

Pour combler ces lacunes, un groupe de chercheurs et chercheuses internationaux, dont plusieurs membres font partie de la Commission des Politiques environnementales, économiques et sociales de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), ont travaillé ensemble pendant quelques années à travers le Centre de synthèse et d’analyse de la biodiversité, le Cesab de la FRB. En mai 2024, ils ont publié une importante étude dans One Earth, s’appuyant sur près de 650 articles scientifiques. Ils apportent ainsi une meilleure compréhension de ce qui fonctionne le mieux, pour les humains et pour la nature et appellent à un changement profond en faveur d’une justice sociale et d’une gouvernance équitable. En examinant 648 études, l’équipe a d’abord répertorié six manières dont les peuples autochtones et communautés locales sont impliqués dans la conservation et les a classés selon une échelle allant de leur exclusion à leur autonomie en passant par le partenariat. Elle s’est ensuite intéressée, aux 170 études mettant en avant les liens entre leurs rôles et la réussite ou non des projets (voir la figure ci-après). Les résultats sont sans équivoque :

 

Figure : Rôle des peuples autochtones et communautés locales dans les projets de conservation et résultats écologiques associés.

 

 

Lorsque les peuples autochtones et les communautés locales sont exclus ou impliqués uniquement comme participants ou parties prenantes, ils peuvent se retrouver dans l’incapacité d’influencer des décisions d’une grande importance pour leur vie quotidienne, voir leurs droits violés ou encore se voir refuser l’accès à des terres d’importance culturelle. Dans ces cadres, la grande majorité des résultats écologiques ne sont pas optimums voire contre-productifs.

 

Au contraire, à mesure que l’on gravit les échelons et que des partenariats sont établis à égalité avec les instances de conservation, avec un contrôle et une reconnaissance culturelle accrus pour les communautés, la réussite écologique va de pair avec cette reconnaissance. Les communautés peuvent faire l’expérience du respect de leurs valeurs, de leurs droits, de leur identité et de leur culture, de l’autonomisation, de la coopération et de la confiance, autant d’éléments qui leur permettent d’établir un lien avec la nature et le territoire et d’en être les gardiens, tout en améliorant leur qualité de vie, tant sur le plan individuel que collectif.

 

Pour les auteurs, donner aux peuples autochtones et communautés locales les moyens d’agir en tant que partenaires et chefs de file est aujourd’hui indispensable pour une conservation juste et efficace dans l’optique d’atteindre les objectifs du cadre mondial de la biodiversité. Bien que la transformation des approches stratégiques, de la conception, des capacités, des processus et des interactions, du financement et de la mise en œuvre des processus de conservation prenne du temps, ils soulignent différentes initiatives existantes et intéressantes, telles que l’inclusion croissante des aires et territoires du patrimoine autochtone et communautaire, aussi appelés territoires de vie.  

 

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Un effort de collaboration basé sur les droits et la justice est nécessaire pour parvenir à un changement radical et cela s’applique à toutes les initiatives de conservation des espèces et des habitats, y compris la nouvelle vague d’initiatives visant à atteindre l’objectif de conservation de 30 % d’ici à 2030 et à restaurer les paysages dégradés de la planète. 

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“Publier ou périr” ! Oui mais où ? Le nouveau dilemme éthique auquel font face les jeunes chercheuses et chercheurs

En raison de leurs contrats à durée déterminée (les fameux “postdocs”) et du recrutement tardif sur des postes permanents, ils sont soumis à une forte pression pour publier leurs travaux de recherche car cela contribue à la construction de leur réputation et facilite leur avancement académique et professionnel. Publier dans des revues à fort impact – c’est-à-dire avoir une publication académique acceptée dans un journal jouissant d’une grande visibilité et influence au sein de la communauté scientifique – est essentiel pour s’assurer une future carrière. 

Consciente des enjeux éthiques liés aux coûts exorbitants des publications et à l’utilisation de ces fonds, émanant principalement de fonds publics, cette génération se retrouve confrontée à un défi de taille : comment combiner évolution de carrière et posture éthique ?

 
Une problématique de plus en plus reconnue 

 

Dans une majorité de cas, une fois leur article accepté par la rédaction d’un journal scientifique, les chercheuses et chercheurs doivent payer pour en permettre la publication (cessation des droits d’auteurs au journal, frais de publication, etc.). Dans cet article d’opinion, les jeunes scientifiques du Cesab dénoncent le fait que certains journaux utilisent les marges financières pour rétribuer les actionnaires de ces journaux. Ils plaident pour que le système de publication soit à but non lucratif, c’est-à-dire que les frais de publication servent à payer les frais de publications sans en tirer de profit pour des actionnaires, et qu’ils retournent dans le système académique, par exemple en organisant des conférences.

 

Ces dernières années, les initiatives et alertes des scientifiques sur cette problématique se sont multipliées, prenant des formes diverses, avec des grèves au sein des rédactions, ou encore à travers une politique de choix restreint et engagés des revues où soumettre des articles scientifiques, etc. Au-delà des gestes individuels comme le boycott de ces journaux non-éthiques, ce qui est risqué pour de jeunes scientifiques, des actions sont possibles pour faire évoluer les pratiques et mentalités des chercheurs et chercheuses tout au long de leur carrière et dans les différents aspects de leur vie académique – au cours de l’écriture d’article, de l’évaluation et de l’édition, membres de comités d’évaluation et collègues.  

 

Des alternatives pour allier choix de carrière et posture éthique ?

 

Dans le domaine de l’écologie et de l’évolution, les autrices et auteurs proposent les alternatives suivantes : 

  • La liste Dafnee, une initiative de chercheurs de l’Isem (Institut des sciences de l’évolution de Montpellier), répertorie 475 revues qui ont un système de publication éthique, c’est à dire que les bénéfices faits sur la publication d’un article sont nuls ou en partie réinvestis dans le système académique. S’y référer permet de choisir, à facteur d’impact égal, une revue au modèle plus en adéquation avec l’éthique des auteurs.  
  • Des initiatives d’intelligence collective telle que la « Peer Community In » (PCI) émergent et prennent une place de plus en plus respectée par les paires, à mesure que la communauté scientifique l’adopte. Ce type d’initiative offre un examen par les paires et une publication gratuite et de haute qualité de manuscrits pré-imprimés provenant d’un large éventail de disciplines, sans que les autrices ou les lectrices n’aient à payer de frais d’abonnement ou de publication.  
  • Dès la rédaction de l’article, une attention peut être portée afin de citer principalement des articles scientifiques en fonction de leur qualité scientifique intrinsèque et non du prestige de la revue. 

 

Alors que la communauté académique semble de plus en plus consciente du problème éthique majeur lié au système actuel d’édition scientifique, il est désormais nécessaire de passer à l’action pour des changements systémiques majeurs. Déployés collectivement, ces efforts peuvent permettre à la communauté scientifique, et en particulier aux jeunes chercheuses et chercheurs, de sortir de ce conflit entre éthique et carrières.  

 

 

Accéder à l'article d'opinion (ENG)

 

 

Rapport IUCN : conflits et coexistence entre humains et faune sauvage avec Juliette Young

Qu’est-ce qu’un conflit et de quels conflits parle-t-on ?  

La définition vers laquelle nous avons convergé au sein du groupe UICN est qu’un conflit est souvent représenté par des frictions (« struggles ») qui apparaissent lorsque la présence ou le comportement de la faune sauvage constitue une menace réelle ou perçue, directe et récurrente, pour les intérêts ou les besoins de l’humain, entraînant des désaccords entre les groupes de personnes et des impacts négatifs sur les personnes et/ou la faune sauvage. Cette définition, d’apparence simple, a pris presque trois ans pour aboutir à sa version finale !  

 

Dans l’imaginaire collectif, le terme “conflit” est synonyme de dispute et donc a nécessairement un résultat négatif. Dans les cas présentés dans le guide, et dans mon expérience, les conflits peuvent être positif dans le sens où ils peuvent être des opportunités amenant à un dialogue, à des actions permettant de transformer une situation en situation moins négative ou d’autant plus positive.  

 

De même, les « objets » du conflit sont aussi souvent associés aux espèces charismatiques en premier lieu (lion, ours, loup, tigre…) alors qu’il s’agit très souvent d’autres espèces auxquelles on n’associe pas de « problèmes » mais qui peuvent aussi être à la base de conflits (corvidés, mustélidés, castors…).  

 

Pour aller plus loin | Quelques caractéristiques des conflits identifiées dans la définition

 

1/ Les interactions directes et récurrentes : les conflits résultent d’une forme de dommage ou menace, perçue ou réelle, causée par la faune sauvage. Toutefois, la mesure dans laquelle cette menace dépend réellement de la présence ou le comportement des animaux va varier considérablement.  

2/ Les conflits entre les humains et la faune sont presque toujours sous-tendus par des conflits sociaux entre les personnes au sujet de la gestion de la faune (exemple du loup en France). Les conflits sont utilisés comme un moyen d’exprimer autre chose n’ayant plus aucun rapport avec l’espèce en question, comme des notions de valeurs, de pouvoirs, de justice sociale, etc.  

3/ Les conflits ont tendance à concerner des espèces menacées et qui peuvent avoir un impact négatif (exemple en Ecosse, où le pygargue a été réintroduit après avoir disparu du territoire). Quand on a des conflits avec des espèces menacées : les enjeux vont être beaucoup plus importants et les solutions beaucoup plus complexes car il n’y a pas la possibilité d’éliminer légalement ces espèces, ce qui exacerbe les conflits sociaux.  

 

 
Le document que tu nous présentes prend la forme d’un guide avec des principes de gestion de conflits illustrés par des études de cas. Quels sont ces principes ?  

Ce document aborde en effet des grands principes auxquels on ne peut déroger dans la gestion de conflits entre humains et faune sauvage. En plus de ces principes, ce que j’affectionne particulièrement dans le guide, est la série de « guiding principles». Ces principes permettent à l’utilisateur de naviguer et de mettre en pratique ces principes. Je reviens sur chaque principe en insistant sur un point ou un exemple.  

 

1/ Ne pas nuire 

Une notion qui m’a particulièrement marquée est le concept de « positionalité », ou la manière dont l’identité d’un individu influence son interprétation du monde et la manière dont il est perçu par les autres. C’est essentiel d’en être conscient et d’être transparent avec cela ! 

 

2/ Comprendre les problèmes et le contexte 

Dans la plupart des conflits, on adopte une vision myope de la partie émergée de l’iceberg qui se restreint aux disputes et on néglige donc toute la partie immergée et sous-jacente aux conflits comme : les connaissances traditionnelles, les questions de valeurs et croyances, de culture ou d’histoire et d’expériences. En effet, si on n’a qu’une vue biaisée d’un acteur, on ne verra jamais le conflit dans son entièreté et cela risque d’avoir des impacts sur la façon dont on décide de gérer un conflit.  

  • Exemple : travail réalisé lors de la réintroduction des castors en Ecosse pour comprendre l’ensemble des attentes et idées des acteurs en lien avec cette réintroduction, en amont de la réintroduction. 
    Coz, Deborah M. and Juliette Claire Young. “Conflicts over wildlife conservation: Learning from the reintroduction of beavers in Scotland.” People and Nature (2020): n. pag. 

 

3/ Travailler ensemble  

Travailler avec les “parties prenantes”, c’est une base. C’est un challenge pratique et éthique à relever pour viser des résultats pour tous. C’est important pour comprendre la situation bien sûr, mais aussi pour que cette compréhension soit partagée, pour établir la confiance nécessaire, trouver des pistes innovantes de résolution – de surcroît pour et par les parties prenantes. 

  • Exemple en Italie dans le cadre d’un projet LIFE coordonné par Valeria Salvatori qui travaillait avec des acteurs du territoire : des éleveurs de brebis qui produisaient un fromage d’appellation protégée dont le cahier des charges voulait que les bêtes soient en liberté. Le retour du loup sur le territoire a entraîné des conflits avec la population locale qui n’était plus du tout habituée à la présence du loup.  
  • Pendant plus de 5 ans, des chercheurs on travaillé avec des acteurs du territoire pour identifier et mettre en place une douzaine d’actions très concrètes sur le territoire. Une grande partie du travail a porté sur l’instauration en amont d’une relation de confiance entre les différentes parties.  
  • Marino, et al., Broadening the toolset for stakeholder engagement to explore consensus over wolf management, Journal of Environmental Management, 2021  

 

Les espèces moins “charismatiques” sont aussi souvent à l’origine de conflits entre humains et faune sauvage.

 

4/ Intégrer la science et la politique  

L’intégration de différents types de connaissances peut contribuer à donner une meilleure image globale d’une situation de conflit et à mieux éclairer la prise de décision. 

  • Exemple en Ecosse : conflit entre deux espèces protégées : les phoques et les saumons. En 2003-2004, les gouvernement écossais a observé une chute importante du nombre de phoques et de saumons ce qui l’a amené à interdire toute chasse de phoque, face à quoi des pêcheurs ont mis en place une approche de gestion de conflit dans laquelle les connaissances des chercheurs et des acteurs locaux étaient intégrés, et où ils sont allés voir le gouvernement à la demande de paramètres au sein desquels ils pouvaient naviguer pour continuer leurs activités sans pour autant nuire aux populations de phoques.  

 

5/ Permettre des trajectoires durables  

Dans les situations de conflit, les différents acteurs ont souvent des points de vue différents sur ce qui constitue un conflit géré. Sans comprendre ces différentes perceptions, sans en discuter et sans parvenir à un accord, il est peu probable que les acteurs parviennent à un avenir souhaitable. 

  • Exemple en Bourgogne-Franche-Comté : identification d’une vision commune de l’agriculture durable au sein de la région. Des trajectoires durables ont été développées par des acteurs du territoire. Avec des solutions axées sur la communication entre agriculteurs et avec d’autres acteurs du territoire.  
    Young, Calla and Lecuyer. “Just and sustainable transformed agricultural landscapes: An analysis based on local food actors’ ideal visions of agriculture.” Agriculture, Ecosystems & Environment (2023): n. pag. 

Journée FRB 2023 sur les recommandations – Les actes

Omniprésents et en première ligne de l’interface science-société, les sujets biodiversité font face aux difficultés de répondre à la fois aux exigences de la recherche et aux besoins de la société. À l’occasion de la Journée FRB 2023, la FRB a invité chercheurs, décideurs et acteurs de la société à se réunir pour confronter leurs besoins, leurs attentes et leurs possibilités d’action autour des recommandations.

 

 

[actualité] Formation des agents de la fonction publique à la transition écologique – cahier des charges

Dans le cadre du programme de formation des fonctionnaires à la transition écologique, le Groupe d’appui et d’expertise scientifique a produit un cahier des charges pour structurer le contenu des formations autour des trois enjeux, changement climatique, érosion de la biodiversité, rareté des ressources naturelles.

 

Hélène Soubelet, directrice générale de la FRB, Luc Abbadie, membre du conseil scientifique de la FRB et Franck Courchamp, chercheur au CNRS, ont participé à son élaboration. Ce document vise à fournir un cadre de contenu à disposition des formateurs qui tiendront les conférences scientifiques. Pour chaque thématique sont présentés les enjeux, les concepts clés, les freins et les leviers pour l’action.

 

  • Les enjeux sont la description des dynamiques en cours, leurs ordres de grandeur, leurs origines anthropiques et leurs conséquences pour les sociétés humaines et les dynamiques planétaires.
  • Les concepts clés permettent de comprendre les mécanismes impliqués et d’identifier les actions de transition à mettre en oeuvre sur une base objective et rigoureuse.
  • Les freins et leviers sont les dispositifs socio-techniques existants ou envisageables pour réduire l’ampleur des crises planétaires et s’y adapter.

 

Les liens et interactions entre les 0trois enjeux sont majeurs, ainsi que leur territorialisation pour déclencher une action de nature à répondre aux trois crises imbriquées, sans aggraver l’une d’elles. L’objectif de changement transformateur est au cœur de cette mobilisation sans précédent des scientifiques pour alerter, former, éclairer les décideurs publics, afin de construire « un monde habitable pour tous, durable, et résilient au changement climatique qui va impliquer des changements fondamentaux dans le fonctionnement de la société, y compris des changements dans les valeurs sous-jacentes, les visions du monde, les idéologies, les structures sociales, les systèmes politiques et économiques, et les relations de pouvoir. ».

JustConservation | Vers une ‘conservation juste’ : lier théories et pratiques de la justice dans la conservation de la biodiversité

Au cours des trois dernières décennies, la conservation de la biodiversité s’est élargie, passant de la seule préservation de la nature à des approches plus « respectueuses des populations ». Cependant, ces approches intégrant à la fois des objectifs de conservation et de développement n’ont pas nécessairement bénéficié aux populations locales. Le projet FRB-Cesab JustConservation a analysé comment des enjeux de justice se concrétisent dans la conservation. Il pose les questions suivantes :

  • Comment différentes conceptualisations de la justice et de l’équité influencent-elles la gouvernance de la conservation ?
  • Dans quelle mesure et par quels mécanismes l’intégration des objectifs sociaux dans la gouvernance de la conservation influence-t-elle l’efficacité de la conservation ?

 

Ce document synthétise en quelques pages le contexte et les objectifs du groupe, les méthodes et approches utilisées, les principales conclusions ainsi que l’impact pour la science, la société, la décision publique et privée.

[Actualité] Les sociétés savantes d’écologies européennes appellent à un changement transformateur

Fin novembre dernier s’est tenu à Metz le Congrès porté par la Société française d’écologie et d’évolution (SFE2), la Société des écologues allemands, autrichiens et suisses (GfÖ) et la Fédération des sociétés d’écologie d’Europe (EEF).

La FRB salue la motion adoptée à l’issue de ce congrès, en faveur du changement transformateur prôné par l’Ipbes. En effet, la biodiversité, les ressources naturelles, le vivant constituent un patrimoine commun qui s’érode en raison d’un usage massif et non durable induit par les modes de vie d’un grand nombre d’humains sur la planète. Des données scientifiques sur l’érosion de la biodiversité et les causes directes et indirectes de son déclin, il ressort clairement que les « petits pas » ne seront pas suffisants et qu’il faut engager résolument un changement en profondeur de nos modes de consommation aux niveaux international, des États, des entreprises et des individus.

 

 

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La conservation plus efficace quand les peuples autochtones et les communautés locales sont inclus dans la gouvernance

Ces questions sont pourtant cruciales pour permettre une conservation efficace de la biodiversité. Cette étude présente une revue systématique de 169 publications examinant comment différentes formes de gouvernance influencent les résultats de la conservation, en accordant une attention particulière au rôle joué par les peuples autochtones et les communautés locales.

 

L’étude met en avant un contraste frappant entre les résultats d’une conservation contrôlée de l’extérieur et ceux produits par des efforts contrôlés localement. La plupart des cas présentant des résultats positifs à la fois pour le bien-être et la conservation proviennent de cas où les peuples indigènes et les communautés locales jouent un rôle central. C’est le cas, par exemple, lorsque ces communautés ont une influence substantielle sur la prise de décision. En revanche, lorsque les efforts de conservation sont contrôlés par des organisations externes et impliquent des stratégies visant à modifier les pratiques locales, elles tendent à aboutir à une conservation relativement inefficace, tout en produisant des résultats sociaux négatifs.

 

Une conservation équitable, qui renforce et soutient l’intendance (stewardship) environnementale des peuples autochtones et des communautés locales, représente la principale voie vers une conservation efficace à long terme de la biodiversité, en particulier lorsqu’elle est soutenue par des lois et des politiques plus larges. Cette étude explique en détail comment mettre en œuvre des transitions de gouvernance progressives par le biais de recommandations pour la politique de conservation, avec des implications immédiates pour la réalisation des objectifs de conservation dans le cadre de la Convention des Nations unies sur la diversité biologique.

La démographie, une des pressions indirectes identifiées par l’Ipbes

Dans son évaluation mondiale sur la biodiversité et les services écosystémiques, l’Ipbes distingue d’une part les « moteurs directs » de l’érosion de la biodiversité et d’autre part les « moteurs indirects ». Ces derniers sont pensés comme les causes profondes des atteintes à la biodiversité, tels que la démographie humaine, la consommation, l’économie, les échanges commerciaux, les progrès technologiques, les institutions, la gouvernance, etc. étayés par un système de valeurs et de choix de comportement. Ces moteurs indirects rétroagissent et aggravent les pressions directes exercées sur la biodiversité.

 

Les interactions entre la biodiversité et les moteurs directs ont été – et demeurent – l’objet de nombreuses recherches. En revanche, l’étude des relations entre la biodiversité et les moteurs indirects, notamment la démographie, semble moins fréquente.

 

S’il existe une incidence évidente de la croissance des populations humaines sur les pressions, notamment directes, qui pèsent sur la biodiversité, cette note met aussi en lumière le fait que la relation entre le nombre d’humains et la dégradation de l’environnement est loin d’être linéaire.

 

Elle permet donc d’envisager un découplage entre démographie et impact humain. Ce découplage impliquerait une réduction des pressions directes (par l’éducation, la réglementation ou les incitations de toute nature, etc.) mais aussi des actions menées sur des facteurs indirects de pression (par la réflexion sur certaines technologies, modes de gestion des espaces, de consommation, de modèles économiques, de gouvernance, de fiscalité, réglementation, etc.).

 

Ainsi, alors que la consommation des ressources naturelles et des biens de consommation par habitant s’accroît et se mondialise entre pays développés et pays émergents, la réduction des impacts anthropiques, dans un contexte de croissance de la population humaine, pourrait passer par une réduction et une rationalisation de l’utilisation globale des ressources naturelles. Cette réduction et cette rationalisation elles-mêmes, sous-entendent une révision des modes de production au niveau mondial et une meilleure répartition des ressources. Ce levier d’action semble le plus facile à envisager dans la mesure où agir sur les évolutions démographiques reste un sujet épineux et suppose, de plus, un effet d’inertie. Par ailleurs, il est aussi démontré que certaines modalités de gestion des espaces naturels ou anthropisés s’avèrent favorables à la biodiversité.

 

Un dernier élément de réflexion autour de cette nécessaire transition vers la durabilité souligne qu’elle ne pourra sans doute pas se faire sans un profond changement de notre rapport au vivant et de notre regard sur la biodiversité, souvent réduite à un ensemble de « ressources » pour l’espèce humaine.

 

 

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Messages-clés

 

  • L’effondrement de la biodiversité est concomitant de l’épuisement des ressources naturelles induit par une demande sans cesse croissante.

 

  • La démographie humaine aggrave de manière indirecte les pressions sur la biodiversité. Elle exerce une influence sur les facteurs directs de pression que sont le changement d’usage des terres et des mers, l’exploitation directe des ressources, le changement climatique, les pollutions, et les espèces envahissantes. Elle intervient également sur les pressions indirectes.

 

  • Même si le strict nombre d’êtres humains n’est pas nécessairement le facteur explicatif prépondérant (notamment dans les modèles d’extinction de la mégafaune) dans l’érosion de la biodiversité, c’est presque toujours la rupture démographique avec l’arrivée d’humains associée aux ruptures de consommation de biens et de services, à de nouveaux usages et aux ruptures technologiques qui peuvent être mises en cause.

 

  • Les impacts de la démographie sur la biodiversité ne sont pas linéaires. Même si l’accroissement considérable des populations humaines s’accompagne d’un déclin inégalé et brutal de la biodiversité, des populations humaines, même réduites, peuvent avoir des impacts catastrophiques et irréversibles sur la biodiversité.

 

  • La question des impacts de la démographie humaine sur la biodiversité ne peut pas être examinée indépendamment des autres facteurs de pressions indirectes comme les modes de production et de consommation.

 

  • Le nombre d’humains a triplé au cours du demi-siècle écoulé. Or pendant la plus grande partie de leur histoire, les populations d’Homo sapiens sont restées numériquement limitées. Elles se sont accrues au cours de la révolution néolithique, mais le nombre total d’humains n’a jamais atteint 500 millions avant l’an 1500. Le premier milliard a été dépassé vers 1804, le deuxième 125 ans plus tard, mais 12 ans seulement ont séparé le sixième (1998) du septième (2011). De fait, c’est au cours du dernier demi-millénaire que l’humanité a vécu de nombreuses révolutions de natures variées (démographique, sociale, économique, technologique, médicales, etc.). La prise de conscience de la « crise environnementale » s’amplifie depuis la seconde moitié du XXe siècle.

 

  • Selon l’Onu, le nombre d’humains pourrait atteindre 9,7 milliards en 2050, puis 11 milliards en 2100.

 

  • Il existe une corrélation spatiale positive entre les régions historiquement riches en biodiversité et l’accroissement récent ou actuel des peuplements humains qui s’y trouvent. Il s’agit souvent d’une croissance démographique récente qui pose la question de la survie de ces hot spots de biodiversité à moyen ou long terme.

 

  • Il existe très probablement deux tendances dans l’impact des populations humaines sur la biodiversité.

 

    • La première est strictement liée au nombre d’humains : l’impact augmente avec le nombre. La démographie, dans ce cas, aggrave les pressions sur la biodiversité par une relation positive due au nombre d’humains présents.
    • La seconde tendance est, elle, pour partie déconnectée de la dimension démographique et peut être liée à l’attrait particulier, et parfois temporaire, de populations humaines pour une ressource spécifique, animale (comme le castor ou la rhytine, un gros sirénien herbivore du détroit de Béring) ou végétale (comme le bois de rose ou d’autres essences rares) dont la valeur augmente à mesure qu’elle devient rare. Elle peut être aussi due au souhait de voir disparaître un compétiteur, comme le bison ou une espèce considérée comme nuisible (comme le moustique). Elle peut aussi être due à l’accès à une technologie plus efficace.

 

  • Des sociétés plus sobres et des modes de gestion des ressources naturelles plus durables a des conséquences favorables sur la biodiversité. Atteindre ce but requiert :

 

    • D’agir sur les pressions directes sur la biodiversité en les diminuant.
    • D’agir sur les facteurs indirects notamment par l’éducation, la communication ou les incitations collectives ou individuelles (réglementaires ou financières). 
    • D’agir sur les facteurs indirects par l’accroissement de la connaissance des relations (pratiques et connaissances) des populations à la biodiversité, dans leur diversité.
    • La sanctuarisation d’espaces sans intervention humaine pour contribuer à sauvegarder la biodiversité.
    • La transformation des regards sur la biodiversité par une approche « évocentrée » (c’est-à-dire qui promeut le maintien de la capacité d’évolution du vivant) de la conservation et mieux prendre en compte les relations entre les sociétés humaines et la biodiversité.

 

Reconnecter au vivant par les émotions : le nouveau défi de la presse naturaliste

Quel a été le point de départ à l’origine de la création de La Salamandre ?  

 

Tout a commencé par une enfance à la campagne, remplie de balades dans la nature, qui m’ont permis de satisfaire la curiosité que j’avais pour le monde du vivant. Quand j’étais enfant, j’ai très vite eu conscience que la nature déclinait, ce qui a suscité beaucoup de colère et de tristesse. Alors je me suis demandé ce que je pouvais faire, à ma modeste échelle. Et comme j’avais beaucoup de plaisir à partager cette passion pour la nature, je me suis dit que j’allais créer un petit journal avec le peu de moyens que j’avais. J’ai commencé à taper sur une vieille machine à écrire héritée de mon grand-père. J’ai d’abord écrit sur les crapauds, les pissenlits, les hirondelles, etc. Et La Salamandre est née. Depuis les choses ont bien changé ! Aujourd’hui, les jeunes feraient un podcast, une chaîne YouTube ou un compte Instagram, mais à l’époque tout ça n’existait pas encore.  

 

 

Quels sont les principaux objectifs que vous aviez en créant la revue ? 

 

Pour nous, l’objectif n’est pas que les gens connaissent la biodiversité dans ses moindres détails. On ne veut pas former de parfaits naturalistes. Notre but est de reconnecter les gens au monde du vivant en passant par les émotions. On essaie de raconter des histoires pour créer de l’empathie. En étant touché par ces histoires, le vivant reprend de la valeur.  

 

 

Comment faites-vous pour continuer à toucher le public ?  

 

Pour toucher le plus de monde, nous essayons de multiplier les formats. En plus des différentes revues que l’on propose, nous éditons entre dix et quinze livres chaque année. Nous produisons aussi des documentaires animaliers et nous organisons un grand festival annuel en Suisse. Aujourd’hui, nous essayons de mettre davantage l’accent sur le numérique pour toucher les jeunes. Une des spécificités de La Salamandre est de véhiculer un message très positif, même s’il est de plus en plus difficile. On a tous besoin de ça, de continuer à montrer le beau et le positif pour que les humains continuent à prendre soin d’eux en prenant soin de la nature.  

 

 

Pensez-vous que réapprendre au public à observer la vie sauvage peut permettre de retisser durablement les liens entre l’humain et la nature ?  Le prochain rapport de l’Ipbes consacré à l’utilisation durable des espèces sauvages traitera de l’observation de la nature comme d’une activité « non extractive ». Elle n’est donc pas sans impact… 

 

Comment peut-on se sentir concerné par quelque chose avec lequel on a complètement perdu contact ? Si je vis en ville et que je passe la moitié de mon temps les yeux collés à un écran, comment puis-je me sentir concerné par la protection de la forêt, des oiseaux et des insectes ? Il est indispensable de retisser le lien entre l’humain et la nature. Aujourd’hui, les écosystèmes naturels subissent des pressions sans précédent, la population humaine ne cesse de croitre et le simple fait d’aller dans la nature et de l’observer peut avoir un effet délétère. Pendant la pandémie de la Covid-19, les gens ont moins voyagé pendant environ 2 ans, ce qui a été une bonne chose pour la biosphère. Mais d’un autre côté, la pression sur les écosystèmes provoquée par les loisirs de plein air s’est intensifiée. Ce paradoxe-là n’est pas facile à gérer. Notre rôle est de recréer du lien en invitant les gens à sortir, certes, mais aussi à observer, à s’émerveiller et à remettre en question certains de leurs comportements et de leurs pratiques. 

 

 

Considérez-vous que l’éducation à l’environnement puisse être un réel changement transformateur ?  

 

Malheureusement, je crois que jusqu’ici, force est de constater qu’elle ne l’a pas été. Ça fait quarante ans que c’est mon métier et qu’avec mon équipe nous sensibilisons des centaines de milliers de gens, à côté de nombreuses autres organisations qui le font à plus grande échelle encore. Pourtant, le monde continue de courir à la catastrophe. Je pense qu’il faudrait changer d’échelle pour que cela devienne un changement transformateur. Dans nos sociétés occidentales, aujourd’hui, il y a un vrai problème culturel, notamment en France. La nature n’est pas considérée comme un sujet important ou même sérieux. Au premier plan, il y a la culture, toutes ces œuvres magnifiques que créent les humains. Aujourd’hui, on parle de sujets comme la protection de la ruralité ou de questions comme celles liées aux pratiques de chasses. Mais au fond, la biodiversité n’a pas l’air d’être culturellement quelque chose d’important. Ça évolue dans le bon sens, bien sûr, mais encore trop lentement. Je pense qu’il y a encore cet héritage des philosophes du siècle des Lumières qui est bien ancré dans les mentalités. Il faut comprendre qu’en détruisant la nature, on détruit l’être humain. 

 

 

Comment remédier à ce constat d’échec ?  

 

J’ai récemment rencontré le philosophe Baptiste Morizot dont je trouve la pensée très nourrissante et dont je partage le diagnostic. Le mot de « nature » accumule un peu les casseroles. Déjà la nature, c’est futile par rapport à cette magnifique culture créée par les humains. Et c’est aussi un peu infantilisant. A la rédaction, on s’en rend bien compte. Quand on présente notre travail à des personnes qui ne nous connaissent pas, ils nous répondent souvent : « Ah, c’est super ! Je vais montrer ça à mes enfants ». Or, la nature est un sujet sérieux qui concerne tout le monde. Le mot de nature est presque devenu infantilisant. Je pense que la première chose à faire est de changer le discours et de parler par exemple de « monde vivant », qui est bien plus puissant car il nous inclut directement. Ensuite, il faut être plus attentif à nos systèmes éducatifs. Il y a une véritable révolution à faire dans ce domaine.  

 

 

Participez-vous à cette révolution de l’éducation ?  

 

Complètement. Nous avons édité un livre qui s’appelle « L’école à ciel ouvert », un manuel pour les enseignants qui respecte les programmes des écoles suisses et françaises. Le propos de ce livre est de montrer aux enseignants que tout peut être appris dans la nature. On peut faire des mathématiques, de l’anglais, de la physique et de la géographie dans la forêt. Le but n’est pas juste de faire des sorties dans la nature une fois par mois pour apprendre le nom des arbres, mais de faire toute l’école en lien avec le monde vivant.  Les vertus pédagogiques sont nombreuses ! Les enfants peuvent établir un vrai lien à la nature, tout en bénéficiant d’un cadre sain et propice à l’expérience. C’est encourageant, car ce livre rencontre un grand succès, encore aujourd’hui. Ce genre d’initiative est importante, parce que là, on est sûr de toucher tout le monde. En visant les écoles, on touche aussi les adultes. On entend souvent le discours qui consiste à dire que « c’est important de sensibiliser les jeunes, car ce sont eux qui dans 20 ou 30 ans vont devoir corriger nos erreurs ». Mais on ne peut plus dire cela aujourd’hui. Les changements doivent venir maintenant. En sensibilisant les enfants, ils deviennent des alliés pour amener à des changements de comportements des adultes, peut-être de manière plus rapide qu’en sensibilisant directement les adultes. Les enfants sont un peu comme des catalyseurs de changements sociétaux. En les sensibilisant, notre cible est aussi les adultes qui sont les décideurs d’aujourd’hui.

Les systèmes alimentaires des peuples autochtones : un lien fort aux espèces sauvages comme réponse à la crise des régimes alimentaires

Comment définissez-vous les systèmes alimentaires des peuples autochtones ?   

 

D’abord, il est important de définir ce qu’est un peuple autochtone. Il s’agit d’un statut revendiqué par certaines communautés, juridiquement reconnu par les Nations Unies, sur la base d’un certain nombre de traits. Un de ces traits est un lien fort et ancien avec un territoire qui se traduit par une connaissance approfondie de ses ressources, de leur diversité et de leurs usages (alimentaires, médicaux, etc.). Un autre de ces traits est que ces peuples autochtones se définissent comme porteurs d’une relation et d’une sensibilité particulières au monde dans lequel ils vivent, relation qui s’inscrit dans un ensemble de valeurs respectueuses du vivant. 

 

 

Combien de personnes constituent l’ensemble de ces communautés ? 

 

On estime qu’ils sont un peu moins de 500 millions. Contrairement à une idée un peu ancienne et caricaturale, il n’existe que très peu de chasseurs-cueilleurs dans ces communautés. Cependant, ces communautés revendiquent des systèmes alimentaires reposant sur des ressources locales et sur une dimension collective très forte : à la fois dans l’accès aux ressources souvent gérées de façon collective, mais aussi dans le travail de production, de préparation et dans le partage des aliments. Ces communautés entretiennent des dispositifs de solidarité alimentaire. Mais ces systèmes alimentaires créent non seulement du lien social, mais aussi un lien au vivant. Ils sont la plupart du temps biocentriques et, à l’inverse de systèmes anthropocentriques, ne sont pas focalisés sur l’humain.  

 

 

Où sont généralement situées ces communautés ?  

 

Elles se situent souvent dans des zones protégées. Un tiers de la surface mondiale couverte par les zones protégées est occupé par ces communautés. Dans ces zones, ces communautés revendiquent une souveraineté alimentaire, c’est à dire le droit d’accéder aux ressources locales pour préserver leurs pratiques alimentaires et toutes les valeurs bio culturelles qui y sont rattachées.  

 

 

Quel est le lien des communautés autochtones aux espèces sauvages ?  

 

Pour vous répondre, je citerais le Livre Blanc/Whipala sur les systèmes alimentaires des peuples autochtones qui dit : “Depuis des millénaires, les peuples autochtones protègent leur environnement et sa biodiversité”. Ces savoirs et ces pratiques sont revendiqués comme durables. Les systèmes alimentaires autochtones contribuent à la construction de la biodiversité à travers l’agriculture et au maintien des ressources non domestiques par des pratiques d’exploitations durables. Mais attention, le sauvage, dans ces systèmes, ce n’est pas que du gros gibier. On se focalise parfois sur les grandes espèces emblématiques, mais les ressources alimentaires sauvages ce sont aussi des plantes, des insectes, des poissons, etc. La revendication des peuples autochtones d’être à la fois protecteurs et utilisateurs de la biodiversité est parfois mal comprise et l’équilibre est souvent fragile et difficile à maintenir.    

 

 

Pourriez-vous donner un exemple ? 

 

Prenons l’exemple des BaTonga, une population située au Zimbabwe, de part et d’autre du Zambèze. Des études montrent toute l’importance des ressources sauvages dans leur alimentation. Celle-ci se remarque à plusieurs niveaux. D’une part par la contribution à la diversité alimentaire et notamment par le nombre d’espèces consommées. En effet, les BaTonga exploitent 60 espèces animales dont 18 sauvages. Pour les plantes, c’est plus de la moitié des espèces consommées qui sont sauvages, 37 sur un total de 58. À titre de comparaison, on sait que l’alimentation mondiale basée sur le secteur agroalimentaire ne repose essentiellement que sur une dizaine d’espèces végétales et une dizaine d’espèces animales. D’autre part, les ressources sauvages sont importantes car l’alimentation des BaTonga est culturellement riche de ces espèces. Plus de la moitié des préparations culinaires répertoriées par l’étude inclut des ingrédients sauvages. Enfin, ces ressources permettent de réduire la vulnérabilité des BaTonga face aux crises. Pendant la pandémie mondiale de Covid-19, ils ont eu un recours accru aux ressources alimentaires sauvages, ils ont cueilli des fruits, chassé des oiseaux, etc. Ceci a permis de limiter l’impact des pénuries et des baisses de revenus liées à la pandémie.  

 

 

En quoi l’étude de ces systèmes peut-elle favoriser la durabilité du système alimentaire global ? 

 

Les peuples autochtones revendiquent des systèmes alimentaires durables. Ces systèmes sont sans doute porteurs de solutions à considérer pour répondre à la crise actuelle des systèmes alimentaires. Mais c’est peut-être moins leur rapport aux aliments, bases de leur alimentation, que leur rapport culturel qui doit nous inspirer. La principale cause de la crise que l’on traverse actuellement est la perte de sens de notre alimentation. Comme le signale le sociologue Claude Fischler, nous consommons des “objets comestibles non identifiés”. La distanciation entre les mangeurs et les aliments a des conséquences néfastes sur nos interactions avec le vivant, sur ce que l’on se croit “autorisé” à faire. Je suis particulièrement attachée à un certain nombre de concepts qui permettent de repenser nos systèmes alimentaires comme celui d’écologie de l’alimentation qui est un domaine très intéressant. Repenser notre alimentation comme un moyen de se relier les uns aux autres, de redonner une valeur aux relations sociales qui peuvent se tisser à travers l’alimentation, c’est revendiquer une qualité du lien avec les non humains et enfin redonner un sens au vivant. Je crois que, face à la domination de la rationalité technico-économique, ces préoccupations sont associées à de la sensiblerie et donc évacuées de nos réflexions. Mais il faut redonner sa place à l’intime et à l’affectif dans notre lien à la biodiversité. Ce que nous apportent les systèmes alimentaires des peuples autochtones, c’est la possibilité de renforcer ce lien à travers l’alimentation. Pour qu’ils soient durables, le “sensible” doit être intégré pleinement à nos systèmes alimentaires. 

 

 

Un parallèle existe-t-il entre ces systèmes autochtones et les pratiques d’exploitation ou de consommation en France ?  

 

Je pense qu’il y a énormément de mouvements sociaux en France qui visent à redonner un sens à l’alimentation. L’industrie a séparé les mangeurs des aliments, mais les consommateurs se mobilisent désormais pour essayer de recréer du lien. Il existe de nombreux exemples : les Amap qui visent à recréer le lien entre producteur et consommateur, le commerce équitable, les références au “local”, etc. De nombreux consommateurs du monde occidental se réapproprient de cette manière leur ancrage dans leur espace social et biophysique. Le parallèle entre les revendications des peuples autochtones et celles des nouveaux consommateurs du monde occidental est évident et va dans le même sens.   

 

 

Développer des systèmes plus proches du sauvage, comme les systèmes autochtones, est-il une stratégie levier pour la durabilité des régimes alimentaires ?  

 

Avec les maladies émergentes, le sauvage est perçu de façon accrue comme une menace. L’image du consommateur qui mange un animal sauvage et génère une pandémie mondiale est très présente dans les esprits. Au-delà de ce cliché, je pense que la consommation d’animaux sauvages dans les métropoles asiatiques par exemple, peut aussi être interprétée comme une forme de résistance à une réduction de la biodiversité. Garder une place au sauvage dans notre alimentation est une façon de garder un lien fort et direct avec le vivant. Bien sûr, ce n’est pas facile, surtout face aux enjeux de conservation. Je vis en France dans une zone envahie par les sangliers. Il y a eu des tentatives de créer des filières de viande sauvage, ce qui n’a pas été facile à cause des normes sanitaires strictes et des effets possibles d’une chasse commerciale. De plus, la chasse est de plus en plus difficile à accepter moralement, notamment parce qu’elle a perdu sa fonction alimentaire. Favoriser la diversité des aliments, les produits de la chasse et de la cueillette dans les systèmes alimentaires, présente certains intérêts. Même de façon très ponctuelle, cela peut être un moyen d’entretenir un lien sensible avec le vivant, qui peut aider à la conservation de la biodiversité.

[Sondage] Quelles sont les préférences des français entre les mots nature et biodiversité ?

Les termes de nature et de biodiversité arrivent à égalité de compréhension avec respectivement 49 et 51 %. La marge d’erreur pour un échantillon de 1 000 personnes est de 3 %.

Certains considèreront que le terme de biodiversité a bien progressé puisqu’il est récent (apparu dans les années 1980, soit il y a une trentaine d’année), et que selon une étude TNS Sofres de 2010, 21 % des français n’en avaient jamais entendu parler, et seuls 23 % pensaient savoir de quoi il s’agissait (ça ne veut pas dire que les 50 % aujourd’hui savent la définir).

Inversement, d’autres feront remarquer que depuis tout ce temps que le mot biodiversité est martelé dans les discours, celui de Nature reste encore à 50 % ce qui est très haut.

Il est à noter qu’il n’y a pas de préférence marquée que l’on soit un homme ou une femme.

 

L’analyse sociologique est très intéressante.

Plus on est jeune, et plus on privilégie le terme de biodiversité : 55 % des moins de 35 ans – dont 59 % chez les 18-24 ans – contre 50 % chez les plus de 35 ans, et seulement 42 % des plus de 65 ans.

Les catégories professionnelles supérieures et professions intermédiaires privilégient le terme de biodiversité (56 et 59 %) quand les catégories populaires préfèrent le mot nature (55 % et jusqu’à 59 % chez les ouvriers).

Le niveau de diplôme a également une incidence : les diplômés supérieurs choisissent la biodiversité à 64 %, le 1er cycle 57, le niveau bac 54, CAP/BEP 42. Et inversement pour la nature de 36 à 58 %.

Les urbains privilégient biodiversité à nature (60/40) et plus ils habitent la campagne et plus ils privilégient nature jusqu’à un rapport 46 % biodiversité / 54 % nature dans les communes de moins de 10 000 habitants ; en Île-de-France le rapport est de 55 % pour la biodiversité et 45 % pour la nature ; il est équilibré en province (51/49).

 

L’analyse politique ne manque pas d’intérêt

Il n’y a pas de différence entre les sensibilités de droite et de gauche. Environ 60 % biodiversité et 40 % nature.

L’électorat d’EELV privilégie le terme de biodiversité à 71 % contre 29 % pour le terme de nature. Pour la France Insoumise le rapport est de 67 contre 33.

La tendance s’inverse avec l’électorat de La droite radicale et du Rassemblement national dont 30 % seulement privilégient biodiversité, contre 70 % pour le terme de nature.

 

 

Pour Denis Couvet, président de la FRB :

“Les différences scientifiques entre nature et biodiversité sont importantes. Le terme nature est plus ancien et plus englobant : il comprend la biodiversité mais aussi son environnement physique (atmosphérique, minéral, hydrique, etc.). Cette enquête révèle la complémentarité entre ces deux notions ; complémentarité qui peut aider la recherche scientifique dans son exploration, ses pistes d’amélioration, des relations entre les humains et la biodiversité, la nature.”

Conserver la nature en Nouvelle-Calédonie : un enjeu complexe entre science et contexte socio-culturel

Quel est le lien spécifique qui existe entre les populations de Nouvelle-Calédonie et la nature ?

 

Pour répondre à cette question, il faut faire un petit détour par le langage. Il n’y a pas de terme pour dire « nature » dans les langues kanak. La dichotomie entre nature et culture n’existe pas. Il s’agit plutôt de liens qui unissent les éléments, humains et non humains. Il s’agit donc pour les hommes et les femmes d’entretenir tous ces liens, entre le requin et le lézard, l’homme et l’igname, la femme et le cocotier, et tout ce qui nous lie à la « terre-mer ». Quand on est kanak, la « terre » ou la « nature », s’étend de la montagne jusqu’au récif, voire au-delà. Cela inclut les vivants et les morts, le monde visible et invisible.

 

Le lien qui unit les populations de Nouvelle-Calédonie avec la nature est très fort, car tout est lien. Aussi, ce lien est entre autres entretenu par la connaissance commune des toponymes, c’est-à-dire des noms de lieux. Chaque toponyme renferme la mémoire du lien d’un clan à la terre et toute son histoire. Grâce à ces toponymes, le lien au territoire persiste à travers les générations.

 

 

N’y a-t-il qu’une seule perception de la nature ?

 

Sur l’archipel calédonien aujourd’hui très multiculturel et métissé, on ne peut pas dire qu’il n’y a qu’une seule perception de la nature. Ce que je peux observer, c’est que les premiers habitants d’ici, les Kanak qui constituent aujourd’hui un peu plus de 40 % de la population ont réussi à partager leur vision du monde, leurs liens forts à des éléments non-humains notamment. Même si cela n’est pas toujours évident pour tous, il y a une certaine reconnaissance de la diversité des savoirs et des représentations de la nature. Chaque communauté a apporté ces manières de voir et nombreuses sont les personnes qui se sont construites en intégrant un peu de cette diversité.

 

 

La gestion de l’environnement prend-elle en compte ces spécificités socio-culturelles de la Nouvelle-Calédonie ? 

 

Au début, dans de nombreux pays du monde, gérer l’environnement consistait à “mettre la nature sous cloche”. Aujourd’hui, on intègre de plus en plus à la fois les habitants, leurs valeurs et leurs pratiques. En Nouvelle-Calédonie, les trois provinces possèdent chacune leur propre code de l’environnement. Celui de la province des îles Loyauté, habitées par une grande majorité de Kanak, a été rédigé il y a seulement trois ans. En amont, des travaux de recherche en sciences de la nature et en sciences sociales ont été menés afin de prendre en compte les enjeux écologiques ainsi que les spécificités des populations et du territoire. Pour vous donner un exemple, avec des collègues écologues, ethnologues et géographes, j’ai mené un travail sur les roussettes, de grandes chauves-souris, qui sont considérées comme des ancêtres dans certains clans et sont globalement très importantes d’un point de vue culturel. Notre travail a été fait pour que puissent être rédigées des réglementations qui s’appuient sur la vision des habitants, sur les pratiques préexistantes et sur les enjeux écologiques. Les règles sont pensées non pas pour protéger une biodiversité seule mais bien la biodiversité et la société. Par ailleurs, dans les codes de la province Sud et de la province Nord rédigés depuis plus longtemps, il est prévu que des dérogations soient possibles pour le prélèvement d’espèces comme la tortue verte à des fins coutumières (pour des mariages, des deuils, des intronisations de chefferies, etc.).

 

 

Existe-t-il une volonté d’intégrer les décideurs locaux dans la gestion des sites naturels ? 

 

Il y a un certain effort d’intégration des décideurs et des acteurs locaux. Pour donner un exemple, six sites de Nouvelle-Calédonie sont inscrits au Patrimoine mondial de l’Unesco. Les comités de gestion de chaque site sont généralement composés de représentants locaux (associations locales, coutumiers, femmes et hommes de l‘endroit). On considère volontiers que les acteurs locaux ont un rôle à jouer, mais selon les lieux, ils sont plus ou moins impliqués et écoutés. Il reste du travail à mener pour réellement prendre en compte leur parole et leurs visions.

 

 

Comment concilier les enjeux liés au contexte socio-culturel et les enjeux écologiques ?

 

Je vais utiliser un exemple pour vous répondre. Depuis quelques années, nous menons un projet appelé Espam sur le milieu marin, financé par la Fondation de France et la province des Iles Loyauté. L’objectif a été de travailler sur la diversité des valeurs que les habitants accordent aux territoires marins, en particulier aux animaux marins. L’idée est que si on connaît mieux les valeurs que les gens accordent aux espèces, et donc au territoire, et que l’on parvient à les faire reconnaître par le plus grand nombre, il sera possible de créer des politiques environnementales qui intègrent tant les enjeux écologiques que les enjeux culturels et sociaux. Elles seront ainsi plus ajustées et mieux comprises par tous.

 

Dans le cadre de ce programme, en plus de mener des entretiens longs avec les Calédoniens (de plus de 4 heures parfois), nous avons déployé un questionnaire très court contenant deux questions : “Quels sont les animaux marins emblématiques pour vous ?” et “Pourquoi ?”. Plus de 130 espèces différentes ont été citées, ce qui illustre nombre conséquent d’espèces importantes pour les populations locales. Nous avons créé une base de données nourrie de ces réponses sur les espèces et les valeurs que leurs accordent les habitants. 201 raisons différentes ont été données que nous avons classées en 22 grands thèmes. En Nouvelle-Calédonie, la fonction nourricière accordée aux animaux marins a été très largement citée, puis leur importance coutumière et leur statut d’espèce menacée ou à protéger. Ces résultats ont montré que les valeurs socio-culturelles sont prégnantes. Nous devons donc en tirer des leçons, cesser de tout vouloir traduire en valeur monétaire et créer des indicateurs multiples agrégeant des indicateurs sociaux, économiques et culturels. Trouver les outils à ces fins reste encore un défi mais nous pensons que ce projet apporte sa petite pierre à la réflexion.

 

 

Un des prochains enjeux soulevés par l’Ipbes est d’atteindre un changement transformateur. L’évaluation des valeurs associées à la nature, qui devrait sortir cet été, peut-elle être une des voies pour cela ?

 

 

 QU’EST-CE QU’UN CHANGEMENT TRANSFORMATEUR ?

 

Il s’agit d’une proposition de l’Ipbes qui résulte d’une analyse des causes de déclin de la biodiversité et des échecs politiques de sa préservation ces dernières décennies. Un changement transformateur est défini comme une réorganisation fondamentale et systémique des facteurs économiques, sociaux, technologiques, y compris les paradigmes, les objectifs et les valeurs.

 

>> En 2021, la FRB a consacré sa Journée annuelle à débattre de cette notion. + d’infos

 

 

L’idée sous-jacente est qu’il est possible de faire évoluer les valeurs qu’on porte aux choses et notamment à la nature. Il ne s’agit pas de faire converger les différentes valeurs, mais bien de faire valoir leur diversité. Celles-ci ont toujours évolué et on se rend plus compte aujourd’hui de l’existence de différentes manières de penser les choses. Notre mobilité entre les continents, entre les îles, s‘est accélérée et étendue, ce qui conduit aujourd’hui à avoir des territoires habités par une grande diversité de populations ; et chacune établit un lien spécifique avec la terre qu’elle habite. Le système des valeurs caractérisant un territoire devient plus complexe et plus riche. Selon moi, on peut profiter de cette richesse et de cette complexité afin d’analyser la diversité des valeurs, et ce qui conduit chacun à faire évoluer son système de valeurs, notamment pour renforcer ces liens avec les éléments de la nature. J’aime penser que notre objectif n’est pas de protéger l’environnement ou la société, mais bien l’ensemble : les liens humains-natures, les liens entre les humains et les non-humains. Si on arrive à identifier ces changements transformateurs et les manières institutionnelles, collectives et individuelles de les favoriser, on pourra alors renouveler un lien sain entre la biodiversité et la société. Pour préserver cet ensemble, il faut les penser ensemble. La vision kanak du monde, marqués par les liens, peut nous aider. L’attention portée à maintenir ces liens dans le présent doit guider nos actions.

La conservation sur des espaces surdimensionnés et le déclin de la faune sauvage et du tourisme dans les savanes d’Afrique centrale

Lorsqu’en 2010, les gouvernements du monde se sont engagés à augmenter la couverture des aires protégées à 17% de la surface terrestre mondiale, plusieurs pays d’Afrique centrale avaient déjà instauré la protection de 25% de leurs savanes à des fins de conservation. Pour évaluer l’efficacité de ces outils, des chercheurs du projet Afrobiodrivers, financés par la FRB au sein de son centre de synthèse, ont analysé les résultats de 68 enquêtes menées dans les sept principaux parcs nationaux de savane d’Afrique centrale (1960-2017) ainsi que les informations sur les pressions potentielles impactant la population de grands herbivores (pluviométrie, nombre de gardes) et sur le nombre et les revenus des touristes. Dans six des sept parcs, les populations sauvages de grands herbivores ont considérablement diminué au fil du temps, parallèlement, le nombre de têtes de bétail a augmenté, et le tourisme, le pilier d’une industrie faunique locale autrefois florissante, s’est effondré. Le parc national Zakouma (Tchad) s’est démarqué parce que ses grandes populations d’herbivores ont augmenté, une augmentation qui est positivement corrélée avec les précipitations et le nombre de gardes, démontré ici comme un indicateur de conservation pertinent.

 

Avec la baisse des revenus et l’insécurité croissante, les gouvernements ont trop peu de ressources pour protéger les vastes zones que représentent les parcs et faire respecter les limites des zones protégées. “Les gouvernements de ces pays sont débordés et essaient de faire plus que ce qu’ils peuvent faire”, a déclaré Paul Scholte, auteur principal de l’étude et directeur du programme Gouvernance et gestion durable des ressources naturelles à Comoé et Taï, deux parcs nationaux de Côte d’Ivoire. “Et la réalité est que l’augmentation des zones sous conservation, en Afrique centrale, pousse les pays à assumer plus qu’ils ne peuvent assumer, alors que la communauté internationale ne leur a pas donné les ressources nécessaires pour s’aligner sur les réalités du terrain.

 

La prochaine convention sur la diversité biologique prévue en avril 2022 suggère d’augmenter les zones de conservation pour couvrir 30 % de la surface terrestre de la planète. « L’objectif est noble », a déclaré M. Scholte, « mais sans financement pour soutenir ces objectifs, la plupart des pays à faible revenu ne pourraient pas réussir ».  Pour faire face au dilemme que représente l’expansion des aires protégées et la baisse des moyens de gestion, les auteurs proposent d’augmenter les financements, d’améliorer la gestion et de concentrer les actions sur des zones plus petites pour sauver la faune dans les savanes d’Afrique centrale. « Il ne s’agit pas de doubler ou de tripler le financement pour qu’il soit efficace. Il faudrait 10, 15 ou même 20 fois plus de fonds par an pour les budgets de ces parcs. », d’après Paul Scholte. “C’est énorme, et nous savons tous que ce n’est pas réaliste. Donc, nous disons que nous devrions en prendre conscience, le reconnaître, et concentrer ces ressources limitées sur des zones qui sont viables et qui pourraient avoir un plus grand effet sur la conservation des populations de grands herbivores en Afrique centrale ».

 

 

Retrouver l’interview complet de Paul Scholte en anglais

[Communiqué] Mieux protéger la mégafaune marine grâce aux réseaux sociaux et à l’intelligence artificielle

Comment utiliser le deep learning pour les espèces rares des milieux marins telles que le dugong, ou furtives comme les requins, pour lesquelles peu d’images sont disponibles ? Des scientifiques de trois unités mixtes de recherche (MARBEC, ENTROPIE et LIRMM) viennent de publier une étude exploitant les dernières avancées technologiques, combinant vidéos sur les réseaux sociaux et suivis vidéos aériens, pour recenser des espèces charismatiques de la mégafaune marine de Nouvelle-Calédonie : dugongs, tortues et requins.

 

Ces travaux, intitulés « Exploiter les réseaux sociaux et l’apprentissage profond pour détecter la mégafaune rare à partir de suivis vidéo » et publiés dans la revue internationale Conservation Biology, sont en partie issus du projet de recherche Pelagic financé par la Fondation pour la recherche sur la biodiversité (FRB) au sein de son Centre de synthèse et d’analyse sur la biodiversité (Cesab), et s’appuient sur la collecte de vidéos aériennes financée par les Explorations de Monaco.

 

 

Consultez le communiqué complet

Quels choix en contexte de crise environnementale ?

Le fossé ne vient pas seulement d’un problème de conflits de valeurs ou de croyances contradictoires, il émane aussi d’un problème d’absence de solutions opérationnelles (ou d’absence de connaissance de ces solutions par les décideurs).

 

Appréhender la complexité des problèmes et la façon dont les décisions sont prises est essentiel pour avoir une chance de résoudre la crise environnementale. Pour ce faire, les auteurs de l’étude présentent une nouvelle approche qui permet de comprendre les positions irrationnelles dans le débat sur l’environnement, et d’analyser s’il s’agit d’un problème d’informations, de croyances, de valeurs ou de moyens pour ouvrir la porte à un dialogue plus constructif.

 

La synthèse est disponible dans les ressources téléchargeables.

[Enquête] Avec quelle nature souhaitez-vous vivre ?

Quelques minutes seulement vous seront nécessaires pour parcourir les quatre parties de cette enquête qui questionne différents aspects de nos perceptions dont notamment, les émotions induites via des photographies de paysages.

 

L’enquête s’intéresse à la fois à la nature dans laquelle nous vivons mais également celle à transmettre, à préserver.

 

 

 

 

Ses principaux objectifs sont de :

  • relever les perceptions et représentations des individus pour mieux les comprendre ;
  • comprendre comment les individus fonctionnent ;
  • trouver dans les réponses des individus des leviers pour changer nos comportements.

 

 

Participer à l'enquête

 

 

Cette enquête aura cours jusqu’au congrès UICN en septembre prochain. Une partie des résultats sera diffusée d’ici la fin de l’été 2021 et une restitution finale des résultats sera publiée en 2022. Merci pour vos réponses et n’hésitez pas à relayer au plus grand nombre.

 

 

Ce projet à été élaboré grâce à la mobilisation des membres du club 5, en particulier Manuelle Rovillé (Les petits débrouillards), Dupuis Louis (Apesa), Hélène Leriche (Orée)et Alix Cosquer (Cefe Cnrs).

[BiodivERsA] Une note d’orientation BiodivERsA basée sur les résultats du projet SPONFOREST

La note d’orientation sur “Comment l’expansion spontanée des forêts en Europe peut offrir des avantages rentables aux population” présente des informations sur la façon dont l’expansion spontanée des forêts peut offrir une solution fondée sur la nature économique et une mesure d’atténuation du climat. Elle présente des preuves des bénéfices de l’expansion spontanée des forêts (ESF), ainsi que sur la façon dont elle est perçue par les citoyens à travers l’Europe et comment son potentiel peut être pleinement exploité. Cette note d’orientation appelle également à une meilleure reconnaissance de l’expansion spontanée des forêts dans les contextes de politique et de gestion, afin de mieux saisir les opportunités qu’elle offre pour contribuer à de multiples objectifs politiques ou de gestion, en particulier dans le contexte de la future stratégie forestière de l’UE.

 

 

Principales recommandations :

 

  • Les politiques sectorielles concernées telles que celles sur la biodiversité, le climat, l’agriculture et l’aménagement rural, ou la foresterie pourraient considérer l’ESF comme une option politique à tous les niveaux de gouvernance, tout en tenant compte des synergies et des compromis nécessaires entre les différents types de contributions aux populations.
  • Les décideurs pourraient mieux considérer les opportunités offertes par l’ESF en tant que solution fondée sur la nature économique et permettant de soutenir des objectifs politiques multiples
  • Les décideurs, les aménageurs et les scientifiques pourraient reconnaître les jeunes forêts spontanées comme une catégorie distincte d’utilisation des terres afin de soutenir l’intégration des ESF dans les politiques, la planification et la recherche.
  • Il est conseillé aux gestionnaires de définir les options de gestion des ESF sur la base d’éléments factuels tenant compte de l’historique de l’utilisation des terres, et en impliquant les parties prenantes.

 

 

Consulter la note d’orientation

 

 

 Informations sur les compétences consultées et méthode de travail pour cette Note d’orientation.

[BiodivERsA] Découvrez la dernière publication du réseau sur les sciences participatives

Cette publication retrace les principaux atouts et forces des sciences participatives tout en détaillant les bonnes pratiques et ressources à mobiliser dans ce domaine.

 

Ce Citizen Science Toolkit (en anglais) a été développé par un groupe composé de scientifiques et d’experts des sciences participatives, suite à un atelier organisé par BiodivERsA à Bruxelles en avril 2019.

 

 

Télécharger la brochure

 

Biodiversité les acteurs français passent à l’action

La Fondation pour la recherche sur la biodiversité (FRB) a pour mission de favoriser les activités de recherche sur la biodiversité en lien avec les acteurs de la société. Susciter l’innovation, développer et soutenir des projets, diffuser les connaissances et mobiliser l’expertise sont au coeur de ses actions. Elle accueille par ailleurs le secrétariat scientifique du comité français pour l’Ipbes, la Plateforme intergouvernementale pour la biodiversité et les services écosystémiques. À ce titre, elle est chargée de relayer les travaux de la Plateforme au niveau national. La FRB travaille ainsi avec son Conseil d’orientation stratégique (Cos), regroupant plus de 240 structures (entreprises, syndicats, ONG, collectivités territoriales, etc.), afin que les acteurs nationaux s’approprient les messages de l’Ipbes et pour rapprocher les conclusions scientifiques de leurs préoccupations opérationnelles. La Fondation s’est ici associée à ORÉE, association multi-acteurs pour l’environnement membre de son Cos et comptant plus de 180 membres.

 

Ainsi est née la présente publication, fruit d’un long travail auprès d’acteurs français. Elle fournit un panorama des mesures pour la biodiversité mises en oeuvre au niveau non-étatique, alors que les acteurs sont de plus en plus sollicités pour rendre des comptes sur leurs engagements, notamment en 2020 dans le cadre de la préparation de la Cop 15 de la Convention sur la diversité biologique.

 

La publication est consultable dans les ressources téléchargeables. 

[Ipbes] Participez à la préparation des évaluations Ipbes “nexus” et “changements transformateurs”

Deux webinaires sont organisés (en anglais) visant à recueillir les points de vue des parties prenantes et des détenteurs de savoirs traditionnels et locaux :

 

  • 14 juillet 15h00-16h45 : webinaire pour les parties prenantes – Inscription
  • 16 juillet 14h00-16h00 : webinaire pour travailler avec les détenteurs de connaissances traditionnelles et locales – Inscription

 

 

Les participants à ces webinaires devront par ailleurs s’assurer d’être inscrits au processus de relecture des documents afin d’y avoir accès. Les dates indiquées correspondent à la période durant laquelle la relecture des documents est ouverte :

 

(Attention : Ces pages sont accessibles qu’une fois connecté à votre compte utilisateur du site de l’Ipbes.)

 

Les cadrages des deux évaluations seront présentés à la 8ème session plénière de l’Ipbes, prévue au premier semestre 2021. Si les cadrages sont adoptés, la plénière pourra décider de lancer ces évaluations dès l’année prochaine.

 

* la vision 2050 fait référence à celle de la Convention sur la diversité biologique : “Vivre en harmonie avec la nature”

Qu’est-ce que les « microbes » ont à voir avec l’équité sociale ?

La qualité de notre microbiote aurait-elle un lien avec l’équité sociale ? C’est ce qu’affirme une étude parue en novembre dernier dans la revue Plos One. L’accès aux soins périnatals, à la nourriture ou encore à nos lieux de vie sont autant de facteurs qui déterminent notre relation aux microbes. Il est ainsi prouvé que l’exposition microbienne environnementale provenant notamment du sol, de l’eau et des plantes façonne notre santé et réduit certaines de nos maladies comme l’asthme ou les allergies dont l’augmentation dans nos sociétés urbaines occidentales serait liée à notre déconnexion à la nature et au manque de stimulation du système immunitaire. Dans ce contexte, les liens entre “microbes et équité sociale” s’enracinent sur les nouvelles connaissances relatives aux services écosystémiques vitaux que nous retirons des microorganismes. Ainsi, l’inégalité sociale lorsqu’elle entrave l’accès à la biodiversité, entrave également l’accès à la microbiodiversité et à ses avantages pour la santé.

 

Les connaissances actuelles nous permettraient d’élaborer de meilleures politiques sociales ou de faire de meilleurs choix de santé.

 

La synthèse complète est téléchargeable dans les ressources ci-dessous.

Comment le vieux porc Souabe a rendu leur dignité aux éleveurs allemands de Hohenlohe

Au début des années 1980, Rudolph Bühler, un jeune ingénieur agronome allemand, rentre au pays reprendre la ferme familiale après quelques années passées en Asie à travailler dans l’humanitaire. Pleins d’idéaux et d’envies, le jeune Bühler se lance dans l’agriculture paysanne pour explorer des pistes alternatives à l’industrie agroalimentaire qui promet des profits élevés avec des races importées jugées plus productives. Ainsi sur le territoire de Hohenlohe, les producteurs de porcs élèvent depuis quelques temps un cochon venant de Hollande jugé plus productif que les races locales car produisant plus de viande mais néanmoins mal adapté à son environnement, car souvent malade et traité aux antibiotiques.

     Convaincu par ses années passées sur le terrain que les variétés locales supportent bien mieux la nourriture et le climat régional que les animaux importés, Rudolph Bühler s’allie à d’autres agriculteurs pour sauver de l’extinction une ancienne race porcine locale – issue d’un croisement entre le cochon chinois Meishan importé au 19e siècle – et une race allemande. Bien vite leur petite production se développe. Les journaux locaux titrent « Une viande de porc qui a du goût ! ».

     Fort de leur succès, les agriculteurs vont plus loin et établissent un système de tarification communautaire : les prix de la viande et les montants de production sont fixés en commun. Mais les coûts de production des porcs souabes sont environ 12 % plus élevés que pour les autres races dîtes « industrielles ». Au lieu de devenir un fardeau économique pour les éleveurs ceux-ci redistribuent une partie de leur bénéfice au réseau comme un soutien financier. Ces mesures garantissent ainsi un revenu stable et une juste part des bénéfices, tout en permettant une stabilité dans le processus de production.

 

Pour le chercheur en science politique Brendan Coolsaet, qui porte le projet JustConservation du Cesab de la FRB, ce cas est devenu un sujet d’étude.

     « Ce qui m’a intéressé chez les éleveurs allemands de Hohenlohe, c’est qu’il s’agissait d’un cas européen qui différait radicalement du système dominant, autant dans sa dimension agricole que dans sa dimension politique. » Pour le chercheur, prendre en compte ce type d’alternative permet d’apporter des solutions en matière de conservation de la biodiversité. « Je me suis inspiré des travaux sur la justice sociale et environnementale pour étudier le combat de ces éleveurs pour la conservation du porc Souabe. Je me suis particulièrement intéressé au concept de la « reconnaissance », qui je pense est clé pour tenter de comprendre les nouveaux mouvements sociaux pour l’environnement en général, et pour la conservation de la biodiversité en particulier. En effet, reconnaître et respecter la différence ce n’est pas seulement une question éthique ou morale, la recherche montre comment la reconnaissance des différences culturelles dans le contexte de la conservation permet d’apporter des solutions alternatives utiles, voir même vitales. » La conservation de la biodiversité agricole est à ce titre un bon exemple.

     Elle nécessite des connaissances agronomiques propres au milieu, que les agriculteurs ont progressivement perdues avec la modernisation. « L’agriculture industrielle a standardisé et centralisé les connaissances et les pratiques agricoles à travers le monde, et a conduit à un déclin massif de la biodiversité agricole, » poursuit Brendan Coolsaet. Reconnaître d’autres pratiques permet l’émergence d’alternatives, qui dans le cas du cochon Souabe sont à la fois respectueuses de l’environnement, du bien-être animal et des communautés rurales.

 

Afin de faire reconnaître leurs pratiques, les éleveurs allemands de Hohenlohe se sont employés à créer des espaces d’apprentissage collaboratifs autogérés et à s’associer à des universités allemandes pour lancer un projet commun dans le cadre du programme de recherche Horizon 2020 de l’Union européenne, en étudiant les liens entre les aliments traditionnels comme l’herbe et l’amélioration de la qualité de la viande par exemple. Rudolf Bühler ne s’est pas arrêté là.

     Cet été, invité par l’ONU au Forum politique de haut niveau pour le développement durable, l’éleveur a appelé à ce que les objectifs de développement durable (ODD) soient mis en œuvre au niveau local et d’ajouter que le passage à l’agriculture biologique et la gestion naturelle ne suffisait pas : « l’agriculture doit aller de pair avec une économie solidaire axée sur le bien-être animal et la justice sociale, en particulier sur la scène internationale. »

   En attendant, le porc Souabe fait des petits. Aujourd’hui, près de 1 500 fermes en Allemagne élèvent ce vieux cochon sauvé de l’extinction.

[Enquête] Relations entre recherche publique et société

Suite à l’annonce le 1er février par le Premier Ministre d’une loi de programmation pluriannuelle de la recherche, un collectif de 23 sociétés savantes a lancé une consultation en deux étapes sur les attentes majeures de la communauté académique vis-à-vis de cette loi. Les synthèses des réponses aux enquêtes successives sont consultables sur le site portail des sociétés savantes, rubrique Sondage.

 

Quatre enquêtes thématiques ont été successivement mises en ligne :

  • Financement institutionnel de la recherche publique (clos, synthèse disponible) ;
  • Emploi scientifique (Clos, synthèse en cours de réalisation) ;
  • Organisation administrative de la recherche (en cours) ;
  • Relations entre recherche publique et société (questionnaire accessible ci-dessous).

 

Cette dernière enquête s’adresse, en plus de la communauté académique, à un public large incluant le grand public, les acteurs de la R&D privée et de la recherche partenariale, les acteurs de la diffusion de la culture scientifique, les responsables politiques. Les questions de l’enquête sont adaptées à chaque catégorie de répondants.

 

Les résultats de cette enquête permettront de mieux cerner les attentes de la communauté académique et de la société. Ils seront présentés aux groupes de travail ministériels de préparation de la loi de programmation pour la recherche et aux parlementaires.

 

Remise de la bourse Barbault et Weber

Objectifs :

  • renforcer la démarche de recherche participative en renforçant les liens entre l’UMR, le CPIE et les bénévoles
  • effectuer une campagne de terrain complémentaire associant l’ensemble des collaborateurs pour avoir des inventaires plus complets et étendus sur l’ensemble de la région et de compenser certains biais méthodologiques affectant les données existantes.
  • tester des hypothèses plus fines quant à l’influence de la structure du paysage sur la répartition des communautés d’amphibiens en milieu bocager en prenant en compte des paramètres liés à la perméabilité paysagère et plus particulièrement l’importance des structures boisés et de l’hétérogénéité spatiale en milieu agricole.
  • mieux identifier les variables environnementales pertinentes pour modéliser la distribution des espèces d’amphibiens à différentes échelles afin de définir les continuités écologiques favorables à ce groupe biologique.

 

Cette bourse a été soutenue financièrement par la Société française d’écologie et d’évolution (SFE²), Humanité et biodiversité (H&B), l’Agence française pour la biodiversité (AFB) et la Fondation pour la recherche sur la biodiversité (FRB).

Action n°11 : Je limite ma consommation d’huile de palme

L’île de Bornéo a perdu un tiers de ses forêts primaires1 entre 1973 et 2015 (Gaveau et al. 2016). C’est bien en Indonésie, plus qu’en Amazonie, que la disparition des forêts primaires est la plus rapide, avec 840 000 hectares perdus par an en 2012 (Margono et al. 2014). La plantation industrielle de palmiers à huile (Elaeis guineensis) y constitue l’une des principales causes de déforestation, avec la production de pâte à papier et de bois (Abood et al. 2015). Dans ce pays, premier producteur d’huile de palme avant la Malaisie, la superficie totale plantée en palmiers a été multipliée par sept en une vingtaine d’années (Carlson et al. 2012).

 

L’huile de palme est l’huile la plus produite dans le monde avec 70 millions de tonnes (USDA 2018). Elle est destinée à l’industrie alimentaire2 et à la production de cosmétiques3, de produits d’entretien, d’agro-carburants et d’électricité. La déforestation associée touche non seulement l’Asie, mais aussi l’Amérique latine et l’Afrique (Varsha et al., 2016). Au niveau mondial, sa production représente 8% de la déforestation imputée aux cultures, après le soja (19%) et le maïs (11%) (Union Européenne, 2013). Si le problème affecte des contrées lointaines, l’Union Européenne est le deuxième importateur et le troisième consommateur d’huile de palme au niveau mondial (USDA, 2018). Et cette consommation intensive n’est pas sans conséquence sur les plantes et les animaux dans les pays producteurs.

 

“Le déclin le plus sévère des orangs-outans a eu lieu dans des environnements détériorés par la récolte de bois et par les plantations industrielles d’huile de palme.”

 

Parmi les 193 espèces menacées par la production d’huile de palme, il faut citer l’orang-outan (Pongo pygmaeus), en danger critique d’extinction selon l’Union internationale pour la conservation de la nature (Ancrenaz et al., 2016). Une étude internationale s’est tout récemment intéressée à l’influence de l’extraction de ressources naturelles, y compris l’huile de palme, sur ces primates (Voigt et al., 2018). Les auteurs sont allés sur le terrain compter les nids que ces grands singes construisent pour s’abriter la nuit. À l’aide de ces données et de modèles informatiques, ils ont estimé à 100 000 le nombre d’orangs-outans tués entre 1999 et 2015. Si la cause principale du déclin des primates est la chasse illégale, la moitié des orangs-outans de l’île de Bornéo se trouvait en 2015 dans des habitats dégradés par la récolte de bois, les plantations industrielles et la déforestation (Voigt et al., 2018). Le déclin le plus sévère a eu lieu dans ces environnements détériorés. Mais est-ce là la seule espèce victime de l’huile de palme ? Qu’en est-il de l’impact sur la biodiversité de façon plus générale ?

 

“Dans les plantations de palmiers à huile, l’abondance des chauves-souris insectivores diminue, faute de proies, et les oiseaux “spécialistes” disparaissent.”

 

Des chercheurs ont compilé et analysé 25 articles scientifiques consacrés aux conséquences de la production d’huile de palme sur la biodiversité. D’après leurs résultats, les plantations de palmiers à huile abritent, sans surprise, un nombre d’espèces (richesse spécifique) inférieur à celui de forêts primaires et secondaires (Savilaakso et al., 2014). Certaines espèces voient leur abondance diminuer, comme la plupart des chauves-souris insectivores, faute de proies. Les plantations défavorisent également les espèces d’oiseaux les moins répandues et les plus exigeantes en termes de conditions environnementales et de ressources (oiseaux dits spécialistes). Cette disparition des oiseaux spécialistes dans les plantations s’expliquerait par une végétation au sol réduite par rapport aux forêts. En outre, les conditions plus chaudes et sèches qui règnent dans ces plantations nuisent à certaines espèces de fourmis, de coléoptères et d’abeilles. D’où un impact très probable sur les services écosystémiques tels que la pollinisation, le contrôle des ravageurs de culture et le fonctionnement des sols (Savilaakso et al., 2014).

 

Un mode de gestion adapté pourrait réduire ces conséquences néfastes sur la biodiversité. En effet, des études ont démontré que le nombre d’espèces d’oiseaux était supérieur dans les plantations des petits producteurs, en comparaison avec celles des industriels (Azhar et al., 2011, dans Savilaakso et al., 2014). La recherche devrait aussi se pencher sur l’effet des standards de certification durable tels que RSPO (Roundtable on Sustainable Palm Oil).  En effet, ce dernier, qui rassemble depuis 2004 des entreprises et des ONG, fait l’objet de vives critiques, portant sur des principes et critères trop peu contraignants qui favoriseraient les industriels au détriment des petits producteurs, des sanctions trop peu dissuasives et pas assez appliquées en cas de non respect, ainsi que des problèmes de traçabilité (FIAN/CNCD, 2018). Cela explique en partie des initiatives de boycott, parmi les consommateurs, de tout produit contenant de l’huile de palme, labellisée ou non.

 

“Les huiles de coco et de coprah sont elles aussi produites dans les pays tropicaux et prennent potentiellement la place de forêts.”

 

Cependant, les alternatives les plus fréquentes à l’huile de palme ne sont pas non plus sans incidence sur la biodiversité. Dans les cosmétiques, les huiles de coco et de coprah (chair de la noix de coco) sont elles aussi produites dans les pays tropicaux et prennent potentiellement la place de forêts. Dans l’alimentation, les huiles de colza et de tournesol, certes cultivées en Europe, le sont souvent de façon intensive et nécessitent, comme le souligne un récent rapport de l’UICN, des surfaces plus vastes pour une production équivalente (Meijaard et al. 2018). Alors qu’il est parfois compliqué de modifier les processus industriels (en termes de quantités disponibles ou de caractéristiques physico-chimiques requises), les consommateurs peuvent choisir de diversifier les sources d’huiles dans les produits quotidiens et  privilégier certaines huiles, telles que l’olive, la noix, l’amande, l’argan, les pépins de raisins ou les noyaux d’abricot, parfois locales et plus durables. Le label Agriculture biologique de l’Union Européenne reste alors un outil précieux pour se repérer.

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1 Les forêts primaires sont relativement préservées des activités humaines et concentrent une biodiversité particulièrement riche. Les forêts secondaires, en revanche, ont généralement repoussé après la destruction d’une forêt primaire. Forêts primaires et secondaires sont détruites pour les plantations.

2 L’huile de palme alimentaire est parfois mentionnée dans la composition sous les termes imprécis de « graisse végétale » et « huile végétale ».

3 Dans la composition des cosmétiques, l’huile de palme est indiquée par la mention Elaeis guineensis Oil. Ses dérivés les plus courants : Sodium Palmate, Isostearyl Palmitate et Palmitate d’Isopropyl. Les dérivés suivants en sont souvent issus, sauf mention contraire du fabricant : Lauryl Glucoside, Sodium Lauryl Sulfate, Cetearyl Alcohol, Glyceryl Distearate, Isopropyl Myristate, Dodecanol(en gras, partie du nom indiquant le lien possible avec l’huile de palme).

Action n°10 : Je privilégie le papier et le bois durables

Meubles, papier, emballages cartonnés… Tous ces produits du quotidien proviennent des forêts et ont souvent parcouru des milliers de kilomètres jusqu’à nous. Ainsi, une table peut avoir été fabriquée en Chine à partir de bois français – chêne, hêtre, sapin, épicéa – ou bien de bois tropicaux d’Afrique centrale ou d’Amérique du sud – hévéa, teck, wenge. Le papier, que chaque employé de bureau consomme à hauteur de 70 à 85 kg par an (ADEME), subit une transformation si importante qu’on en oublierait presque qu’il provient pour une large part de fibres de bois. Si les certifications ne renseignent pas les acheteurs sur la provenance ni sur les traitements appliqués, elles ont au moins le mérite – et c’est là leur objectif – de favoriser des pratiques forestières qui nuisent le moins possible à l’environnement.

 

“Les certifications favorisent des pratiques forestières nuisant le moins possibles à l’environnement”

 

Les principaux labels, FSC (Forest Stewardship Council) et PEFC (Programme for the Endorsement of Forest Certification schemes) (voir encadré) garantissent que le bois utilisé pour un produit est issu d’une exploitation forestière qui respecte les lois locales, le bien-être des travailleurs et celui des communautés d’habitants, tout en préservant la biodiversité, les services et les valeurs associés aux écosystèmes. Leurs cahiers des charges prévoient de privilégier au maximum les essences locales, de conserver le bois mort au sol et les vieux arbres, ou encore de limiter le recours aux fertilisants. Reste à savoir ce que valent réellement ces certifications, quelle est leur réalité et comment sont réalisés les contrôles de conformité aux cahiers des charges.

 

Une équipe de recherche a comparé plusieurs standards de certification : celui du FSC, et deux autres reconnus par le PEFC en Amérique du nord, le Sustainable Forestry Management (SFM) et le Sustainable Forestry Initiative (SFI).

Leurs résultats montrent que le FSC propose des critères écologiques et sociaux plus performants, en particulier pour préserver les espèces rares et menacées, interdire ou limiter la conversion de forêts naturelles en plantations, et protéger les peuples autochtones. Le SFM et le SFI nord-américains reconnus par le PEFC s’avèrent quant à eux plus efficaces en termes de productivité et de longévité économique (Clark & Kozar 2011). Cependant, ces résultats sont à considérer avec prudence, puisqu’il ne s’agit que de critères prévus en théorie par chaque standard, et non de leurs effets réels, dont l’étude nécessiterait des données de terrain. De façon générale, les principes et critères du FSC seraient plus contraignants, alors que ceux du PEFC donneraient aux entreprises davantage de flexibilité (Auld, Gulbrandsen & McDermott 2008).

 

L’adoption de meilleures pratiques forestières est d’autant plus importante que plus de la moitié des espèces sur Terre vivent dans les forêts. Or chaque année, 3,3 millions d’hectares de forêts sont perdus (FAO 2015), et ce, y compris en Europe, notamment dans la taïga russe. Certaines forêts font place à des champs ou à des villes, tandis que d’autres persistent mais sont exploitées, ou bien converties en plantations d’arbres pour produire des meubles, du papier ou encore de l’énergie. Les  plantations représentent aujourd’hui 7 % des couverts boisés du monde.

 

“Il y a en moyenne 29% d’espèces en moins dans les forêts gérées en comparaison à celles non gérées”

 

Des chercheurs ont étudié l’impact de la gestion des forêts, d’origine ou de plantation, sur leur biodiversité. Ils ont montré que les forêts gérées ont en moyenne une richesse spécifique – nombre d’espèces – de 29 % moins grande que celle des forêts non gérées (Chaudhary et al. 2016). Ainsi, les plantations établies pour la production de bois sont les moins diversifiées avec  un nombre d’espèces réduit de 40 % par rapport aux forêts non gérées. Ce qui n’est guère surprenant lorsque l’on sait que la quasi-totalité des plantations sont des monocultures.

Les modes de gestion sont également très importants en terme d’impact sur la biodiversité. Une coupe claire, qui consiste à raser intégralement une zone, diminue le nombre d’espèces présentes en forêt de 22 %.  La sélection conventionnelle en forêt tropicale, qui implique de ne couper que les arbres les plus grands et de meilleure qualité, le réduit de 13 %. Au contraire, la gestion par rétention – qui consiste à laisser sur-place quelques groupes d’arbres – ou encore, la sélection en forêt tempérée ou boréale – qui ne coupe que les arbres matures, créant des différences d’âge entre les individus  et l’exploitation à faible impact – qui revient à sélectionner chaque arbre à abattre et guider sa chute pour en limiter les dégâts, dans le cadre d’un plan précis –  altèrent beaucoup moins la biodiversité (Chaudhary et al. 2016).

 

“Gérer la forêt, c’est en modifier la structure d’âge des arbres, favoriser certaines essences, changer sa température, sa luminosité, son humidité, … des perturbations qui se répercutent sur tout l’écosystème”

 

Gérer la forêt, c’est en effet modifier la structure d’âge des arbres, favoriser certaines essences, mais aussi changer sa température, sa luminosité ou encore son humidité. Tous ces paramètres influent sur les êtres vivants qui la peuplent. Les perturbations se répercutent alors sur tout l’écosystème. Ainsi, des coléoptères, champignons, lichens et mousses participent à la décomposition du bois mort et dépendent de sa présence. Les souches et les branches coupées ou cassées forment pour eux des abris importants, mais également des moyens de déplacement ou des sites de nidification et d’alimentation pour d’innombrables oiseaux et mammifères. Dans les forêts boréales de Scandinavie, le retrait des résidus de bois sur le sol a réduit le nombre d’espèces de coléoptères (Gunnarsson et al. 2004) et affecté les espèces « spécialistes », dépendantes de ressources particulières (Nittérus et al. 2007). En effet, ces éléments, de moindre qualité pour l’industrie, sont de plus en plus souvent récoltés afin de produire de l’énergie ou bien des matériaux transformés comme le papier et les panneaux de particules. Pourtant, mieux vaudrait les laisser dans la forêt afin qu’ils jouent leur rôle pour la biodiversité (Bouget et al. 2012).

 

En attendant de pouvoir déterminer l’impact réel des labels FSC et PEFC sur la biodiversité, ceux-ci permettent tout de même à chacun d’encourager des pratiques plus durables dans ses achats de meubles en bois ou de papier (van Kuijk, Putz & Zagt 2009).

 

Le Forest Stewardship Council (FSC), association à but non lucratif créée en 1993 par des associations de protection de l’environnement, des commerçants et producteurs de bois et d’autres parties prenantes, offre un cahier des charges international. Initialement conçu pour les forêts tropicales, le label FSC s’applique désormais également aux forêts boréales et tempérées, et il se décline en trois catégories selon les produits : « 100 % issu de forêts bien gérées », « Mixte – papier issu de sources responsables » (mélange de bois issu de forêts FSC et de matériaux recyclés) et « Recyclé – fabriqué à partir de matériaux recyclés ».

 

Le Programme for the Endorsement of Forest Certification schemes (PEFC), fondé par des propriétaires forestiers européens en 1999, reconnaît quant à lui un ensemble de standards dont chacun est défini à l’échelle d’un pays.

 

En 2014, les forêts certifiées PEFC et FSC représentaient respectivement 6,3 % et 4,5 % des forêts du monde. Les forêts ne sont pas contrôlées directement par le FSC ni par le PEFC, mais par des organismes certificateurs indépendants. Les audits sont réalisés, pour chaque exploitation, tous les ans (FSC) ou bien de façon aléatoire (PEFC).

 

[Nouvelle synthèse] Les données de la biodiversité : biais taxonomiques en lien avec les préférences sociétales

La FRB poursuit sa série de synthèses sur le paradoxe de la connaissance avec cette deuxième synthèse.

 

À l’heure où l’on estime que plus de 99% des espèces vivant sur terre sont encore inconnues, peu étudiées ou ignorées, une équipe de recherche menée par Julien Troudet a récemment publié dans la revue Scientific Reports une étude cherchant à comprendre pourquoi certaines espèces étaient plus étudiées que d’autres.

 

Alors que l’on estime à 11 millions le nombre total d’espèces peuplant notre planète, seules 1,4 millions d’entre elles sont décrites. La majorité – plus de 99% – reste toujours inconnue, peu étudiée ou ignorée. C’est ce qu’on appelle un biais taxonomique, autrement dit le fait que certaines espèces, animales ou végétales, soient particulièrement bien connues des scientifiques (et du grand public) alors que d’autres organismes nous sont totalement inconnus.

Bien, qu’omniprésent dans la recherche sur la biodiversité, ce biais est peu étudié, peu compris et donc peu ou pas pris en compte dans les conclusions de la recherche alors même qu’il a été scientifiquement démontré que les espèces rares, petites ou non charismatiques, jouent parfois un rôle essentiel dans les écosystèmes.

Ne pas les considérer, par manque de connaissances, représente une entrave à la compréhension globale de la biodiversité à l’échelle mondiale, nuit à la mise en place de plans de conservation efficaces et ralentit la découverte de nouveaux produits ou propriétés chez les espèces sauvages.

Action n°9 : Je préfère le poisson durable

Les Français consomment en moyenne plus de 30 kg par an de « poisson » (au sens commercial ou alimentaire, c’est-à-dire englobant poissons, mollusques et crustacés aquatiques). Dans l’Union Européenne, les ¾ de la consommation sont pêchés tandis qu’¼ est élevé, et à l’échelle mondiale, l’aquaculture assure un peu plus de la moitié de l’approvisionnement, le reste provenant de la pêche en eaux marines et continentales. L’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation (FAO)1 estime qu’1/3 des stocks2 halieutiques sont surexploités, c’est-à-dire soumis à une intensité de capture qui excède leur capacité à se renouveler. Si certaines espèces – telles que le thon rouge – se portent mieux grâce à des mesures de régulation de la pêche, d’autres sont au bord de l’effondrement et se retrouvent pourtant dans nos assiettes. Les travaux de recherche et rapports d’expertise scientifique peuvent cependant guider nos choix.

 

“Selon l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation, 1/3 des stocks halieutiques sont surexploités.”

 

Préférer les poissons d’élevage à leurs équivalents sauvages n’est pas toujours une solution, car les seconds sont nécessaires pour nourrir les premiers. Plus précisément, plusieurs espèces de « petits pélagiques » sauvages (anchois, harengs, sardines, etc., aussi appelés « poissons fourrage ») entrent dans la composition de l’aliment des espèces carnassières d’élevage comme le saumon, ou encore les crevettes tropicales. Il faut un à plusieurs kg de poissons fourrage pour produire un kg d’une espèce d’élevage (dans le cas du saumon norvégien, environ 1 kg pour 1 kg). Les petits pélagiques « pèsent » près de 40 % des captures marines mondiales. Outre leur utilisation partagée, voire concurrente, entre fabrication d’aliments pour animaux d’élevage et consommation humaine (Majluf et al. 2017), ils sont aussi des proies indispensables aux prédateurs dans les écosystèmes marins.

 

Ainsi, la surpêche des petits pélagiques peut entraîner des conséquences dramatiques pour de nombreuses espèces de poissons, de mammifères et d’oiseaux marins comme le thon rouge de l’Atlantique, le manchot de Humboldt, le pétrel géant et la baleine à bosse (Pikitch et al. 2012, 2014). Or, les poissons fourrage, dont la vulnérabilité a été confirmée par des travaux scientifiques dans le cadre du projet Emibios, sont particulièrement affectés par les impacts combinés de la pêche et des changements climatiques (Travers-Trolet et al. 2014, Fu et al. 2018). Il ne faut cependant pas oublier que 30 % de la production aquacole mondiale de poissons d’élevage ne nécessite aucun apport d’aliment incluant du poisson fourrage : il s’agit en majorité de la carpe argentée et de la carpe à grosse tête. Il en est de même pour la culture des mollusques bivalves, principalement les moules, huîtres et palourdes.

 

Le maquereau et le hareng, ayant autrefois connu la surexploitation, auraient à présent des stocks suffisamment reconstitués pour que l’on puisse en recommander l’achat, d’autant plus que les qualités nutritionnelles des petits pélagiques sont avérées. Chez le poissonnier, plutôt que la dorade rose, classée comme quasi-menacée par l’Union internationale pour la conservation de la nature, il semblerait préférable de choisir la dorade grise ou la dorade royale3. Et plutôt que pour le thon rouge, dont l’état s’est certes amélioré mais reste fragile, mieux vaudrait opter pour la bonite à ventre rayé, également appelée « thon listao ». Les situations de ces espèces peuvent néanmoins basculer si les consommateurs ou les industriels se tournent trop massivement vers elles ! Pour acheter durable, le site www.ethic-ocean.org propose des guides pratiques et documentés, des fiches et une application mobile.

 

“Le label MSC est décerné aux pêcheries qui s’engagent à assurer une gestion durable des stocks afin d’éviter la surpêche.”

 

L’aquaculture étant assimilée à une activité agricole — ce qui n’est pas le cas de la pêche, les produits qui en sont issus peuvent être certifiés « Agriculture biologique », ce label ne tenant toutefois pas pleinement compte de leur incidence sur les écosystèmes marins. Concernant les poissons, mollusques et crustacés sauvages, le label MSC4 est décerné aux pêcheries qui s’engagent à assurer une gestion durable des stocks afin d’éviter la surpêche, et à ne pas détériorer les milieux aquatiques, par ailleurs très variés.

 

Car l’impact sur la ressource en elle-même n’est pas le seul qu’il faut considérer. Les fonds marins abritent les poissons dits « benthiques », à l’image des diverses espèces de raies, de soles et de plies (ou carrelets), ou encore de la baudroie commune, dont la queue est appelée « lotte ». D’autres poissons, dits « démersaux », vivent à proximité du fond, à l’instar du merlu commun5 et des différentes espèces de « gadidés », une famille de poissons dont le plus connu est la morue, ou cabillaud, et qui comprend également le merlan, le haddock et le colin d’Alaska (ce dernier atteignant le plus gros volume de capture parmi les poissons destinés à la consommation humaine).

 

La capture des poissons et de coquillages benthiques et démersaux nécessite des techniques qui raclent les sédiments marins (dragues et chaluts). La faune, constituée de coraux, d’éponges, de vers et de crustacés, est d’autant plus affectée que les engins pénètrent profondément dans le fond marin (Hiddink et al. 2017). Le temps mis par les écosystèmes pour se remettre des effets du chalutage varie entre près de deux ans et plus de six ans (Hiddink et al. 2017).

 

“La biodiversité de la petite faune est réduite de moitié dans les sédiments chalutés des grands fonds méditerranéens.”

 

Dans les sédiments régulièrement chalutés des grands fonds (-200 m et au-delà) du nord-ouest de la mer Méditerranée, la petite faune voit son abondance réduite de 80 % et sa biodiversité réduite de moitié (Pusceddu et al. 2014). Le renouvellement de la matière organique, processus crucial dans les écosystèmes benthiques, y est de 37 % plus lent. Or, le chalutage concerne des habitats toujours plus profonds, où l’impact est encore plus sévère et persistant (Clark et al. 2016). En Manche et au sud de la Mer du Nord, cette pratique affecte en particulier les espèces à durée de vie longue, du fait de leur croissance plus lente et de leur maturité plus tardive (Rijnsdorp et al. 2018). Cependant, pour certains poissons, plusieurs modes de pêche sont possibles. Mieux vaut alors choisir, par exemple, un bar de ligne plutôt qu’un bar de chalut.

 

Parmi les poissons dont les stocks sont largement surexploités figurent les espèces d’esturgeons (et leurs œufs, le caviar), l’espadon reconnaissable à son long rostre en forme d’épée, et surtout de nombreuses espèces de requins. D’après l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), un quart des raies et des requins sont fortement menacés d’extinction (Davidson et al. 2016, Dulvy et al. 2017). Il semble alors paradoxal que, selon la FAO, les débarquements (quantités rapportées au port) de requins et de raies aient décliné de près de 20 % en une décennie, après un pic en 20036.

 

“D’après l’UICN, un quart des raies et des requins sont fortement menacés d’extinction.”

 

En fait, si les pêcheurs capturent moins de requins et de raies, c’est bien parce que ces animaux se font plus rares dans les océans, et non parce que des mesures de régulation les y incitent ou obligent. En étudiant la situation dans 126 pays, des chercheurs ont en effet conclu que les débarquements de raies et de requins étaient étroitement liés à la demande des consommateurs, entraînant la pression de pêche sur les ressources, plutôt qu’à une meilleure gestion de leurs stocks. Ainsi, les pays présentant les plus forts déclins, Pakistan, Sri Lanka et Thaïlande, ont des côtes densément peuplées et exportent davantage de viande de raie et de requin (Davidson et al. 2016).

 

À l’heure où le commerce des produits issus de la mer est mondialisé et où 68 % des denrées alimentaires animales d’origine aquatique de l’Union Européenne sont importées (EUMOFA 2017), favoriser les produits locaux permet de diminuer le coût écologique du transport de l’océan à l’assiette. Et, à l’image des fruits et légumes, ils se consomment aussi de saison, selon leur période de reproduction (au cours de laquelle il faut éviter de les pêcher).

 

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1 Voir la récente édition du rapport biennal de la FAO (SOFIA 2018 : « La situation mondiale des pêches et de l’aquaculture), publié dans les 6 langues de l’ONU et téléchargeable à l’adresse :
http://www.fao.org/documents/card/en/c/I9540FR.

2 Le stock correspond à l’ensemble des individus d’une espèce susceptibles d’être pêchés, dans une zone géographique donnée.

3 Espèce carnivore sauvage, la daurade royale est aussi, avec le loup (ou bar), un produit « phare » de l’aquaculture en Méditerranée.

4 Le Marine stewardship council (https://www.msc.org/fr) est une ONG fondée par une entreprise, Unilever, et par le Fonds mondial pour la nature (WWF), mais indépendante de ces derniers depuis 1999. Aujourd’hui, 315 pêcheries sont certifiées MSC dans le monde, dont une dizaine en France.

5 Les merlus sont aussi appelés « colins », même s’ils sont assez différents du « colin d’Alaska » (gadidé).

6 Les captures de requins et de raies sont souvent déclarées par groupes d’espèces et non par espèce. On connaît des exemples où l’effondrement de l’une ou de plusieurs d’entre elles a été masqué par un report d’effort sur d’autres (Iglésias et al. 2010)

Action n°8 : Je repense ma consommation de viande

Sur Terre, si l’on considère la masse totale des êtres vivants, sept oiseaux sur dix sont des volailles, et six mammifères sur dix appartiennent à la catégorie du bétail – principalement bovin et porcin (Bar-On Philips & Milo, 2018). Un constat saisissant et révélateur du poids de l’élevage au niveau mondial, en particulier pour la viande1. Tous les ans, plus de 65 milliards d’animaux domestiques sont abattus dans le monde, dont 1 milliard en France. Dès la fin de la seconde guerre mondiale, l’artificialisation, l’industrialisation et l’intensification ont touché l’ensemble des modes de production des aliments. Ainsi, la production globale de viande a quintuplé dans la deuxième moitié du XXe siècle, atteignant près de 330 millions de tonnes en 2016 (FAO, 2018). Et si la consommation a néanmoins baissé depuis quelques années en France, avec 84 kg par personne et par an (FranceAgriMer, 2018), ce n’est pas le cas dans les pays en transition, qui tendent à rattraper les tonnages consommés dans les pays du nord.

 

Parmi les alternatives à des régimes riches en produits carnés, outre les régimes de type végétarien (sans viande) et végétalien (sans aliments d’origine animale, y compris lait, œufs et leurs dérivés), le « flexitarisme » consiste à manger moins de viande mais à en privilégier la qualité. En effet, les cycles de production, plus lents dans les pâturages extensifs, ne sont pas suffisants pour que chacun puisse en consommer plus de deux à trois fois par semaine. Du point de vue de la santé, ce rythme correspond aux recommandations nutritionnelles de ne pas dépasser 500 grammes de viande rouge par semaine (ANSES2, 2017). Qu’il s’agisse de viande ou d’alternatives végétales, il est également possible de choisir de consommer des produits labellisés (agriculture biologique) ou issus de la vente directe à la ferme.

 

“L’élevage occupe 70 % de toutes les terres agricoles et 30 % de la surface terrestre globale, et motive une grande partie de la déforestation en Amazonie.”

 

Ces perspectives de changement du comportement alimentaire sont d’autant plus cruciales que la production de viande à grande échelle accapare les terres. À l’heure où la biodiversité subit la perte et la dégradation des habitats naturels, les animaux domestiques pâturent sur plus d’un quart de la surface des continents (hors glaciers), et un tiers des terres arables sont consacrées à cultiver leur alimentation. Au total, l’élevage occupe 70 % de toutes les terres agricoles et 30 % de la surface terrestre globale, et motive une grande partie de la déforestation dans des régions comme l’Amazonie (Steinfeld et al., 2006). Toutefois, cette activité constitue un moyen de subsistance important dans des territoires impropres à la culture de plantes comestibles pour l’Homme. En l’absence de grands herbivores, il s’agit aussi d’un mode de gestion de l’espace qui entretient des milieux ouverts, notamment en montagne.

 

“En moyenne, produire 1 kg de viande de bœuf revient à émettre plus de 46 kg d’équivalents CO2 dans l’environnement.”

 

Le pâturage trop intensif contribue néanmoins à la compaction et à l’érosion du sol, la dégradation des terres menaçant aujourd’hui directement la vie de plus de 3,2 milliards d’êtres humains (IPBES, 2018). En outre, l’élevage représente plus de 14 % des émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial (Gerber et al., 2014) et 12 % en France (Peyraud, 2011). Ce secteur d’activité émet notamment du méthane, issu de la fermentation dans l’estomac des animaux lors de leur digestion, et du protoxyde d’azote, issu de la fertilisation des champs de blé, de maïs et de soja destinés à nourrir les animaux. En moyenne, dans le monde, produire 1 kg de viande de bœuf revient à émettre plus de 46 kg d’équivalents CO2 dans l’environnement (Gerber et al., 2014). Un chiffre deux à quatre fois plus bas en France et qui dépend fortement du mode d’élevage (Peyraud, 2011), mais toujours plus élevé pour la viande que pour les céréales, les légumes ou les œufs.

 

En plus de son rôle dans le changement climatique, l’élevage contribue à la disparition des  espèces sauvages par l’accaparement des ressources en eau. D’après l’Institut de l’UNESCO pour l’éducation relative à l’eau, en comptant l’eau bue par les animaux ainsi que le volume utilisé pour cultiver leurs aliments, il faut plus de 15 400 litres pour obtenir un kg de viande bovine, la plus gourmande en eau (Mekonnen & Hoekstra, 2010) [soit cinq à dix fois plus que pour les céréales, les légumes et les œufs], ou encore 550 litres d’eau, hors eau de pluie [soit 2,5 fois plus que pour les céréales] (Peyraud, 2011). Un chiffre plus faible lorsque l’animal se nourrit exclusivement d’herbe sur un terrain non irrigué. La production intensive de viande est également susceptible de générer des pollutions (voir encadré ci-contre).

 

“Il faut plus de 15 400 litres d’eau pour obtenir un kg de viande bovine, ou 550 litres hors eau de pluie.”

 

En compilant et en analysant 63 études scientifiques, des chercheurs britanniques ont identifié 14 régimes alimentaires qui réduiraient potentiellement l’occupation des sols et les émissions de gaz à effet de serre de 70 à 80 %, et diminueraient l’usage d’eau de moitié (Aleksandrowicz et al., 2016). Une alimentation végétarienne ou végétalienne serait ainsi bénéfique, de même que la substitution partielle de la viande et du lait par des produits d’origine végétale tels que les légumineuses (haricots, par exemple). Ces dernières ont l’avantage de contenir les acides aminés essentiels complémentaires de ceux renfermés par les céréales et nécessaires à un bon équilibre alimentaire. Or, leur empreinte écologique sur les ressources en eau est six fois plus faible que celle des protéines bovines (Mekonnen & Hoekstra, 2010).

 

“14 régimes alimentaires, végétarisme, végétalisme et flexitarisme, réduiraient l’occupation des sols et les émissions de gaz à effet de serre de 70 à 80 % et diminueraient l’usage d’eau de moitié.”

 

Cependant, d’autres chercheurs rappellent qu’évaluer la performance environnementale des régimes est complexe, puisqu’il faut prendre en compte les changements d’usage des terres, le stockage de carbone par le sol, et surtout, la variété des aliments consommés et la diversité des systèmes agricoles (Ridoutt, Hendrie & Noakes, 2017).

 

Une étude allemande a également démontré que le comportement alimentaire est influencé par les émotions, par les normes sociales et par la dissonance cognitive, c’est-à-dire lorsque les savoirs et les valeurs d’une personne sont en contradiction avec ses actes (Stoll-Kleeman & Schmidt, 2017). L’élevage et la consommation de viande font aussi partie des traditions culturelles dans de nombreux territoires. Les régimes diminuant ou excluant les produits carnés seraient donc plus faciles à adopter dans une société les ayant déjà intégrés dans ses pratiques ou son histoire, ou lorsque l’offre commerciale en alternatives attractives et équilibrées est suffisante.

 

Les pollutions de l’eau générées par l’élevage

La production intensive de viande est susceptible de générer des pollutions. Avec les effluents domestiques, les effluents agricoles constituent l’une des causes majeures des proliférations d’algues vertes (ou ulves) sur nos côtes. Les nutriments ingérés par les animaux se retrouvent dans leurs déjections, épandues dans les champs sous forme de fumier ou de lisier. Lorsqu’ils sont en excès, ces nutriments, notamment l’azote et le phosphore, ne sont pas absorbés par les plantes et se retrouvent soit dans les nappes phréatiques, soit dans les rivières, entraînés par les pluies ou par l’érosion des sols. Les rivières enrichissent alors l’océan, favorisant le développement excessif des algues vertes qui viennent ensuite s’échouer sur les plages (Pinay et al., 2017).

Par leur présence excessive, ces algues impactent la biodiversité en causant la disparition de certaines espèces de mollusques, de vers marins et de poissons. En émettant des gaz toxiques, méthane et hydrogène sulfuré, elles nuisent aussi aux activités telles que la conchyliculture et, potentiellement, à la santé humaine. Les écosystèmes ainsi affectés peuvent basculer brutalement dans un état difficilement réversible. La forte densité des cheptels, notamment de porcs et de volailles en Bretagne, accentue le processus (Pinay et al., 2017).

 

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1 L’action ici présentée est focalisée sur la viande d’animaux terrestres et exclut donc les poissons et autres organismes aquatiques, qui font l’objet d’une action distincte.

2 Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail

Action n°7 : Je jardine sans pesticides

Près des ¾ des Français possédant un terrain jardinent régulièrement (Ifop / MEEDDM, 2010). Or, depuis janvier 20171, les collectivités locales et les établissements publics n’ont plus le droit d’utiliser de pesticides de synthèse pour entretenir les espaces verts dont ils ont la responsabilité2. Ainsi, en attendant l’interdiction de l’usage de ces substances par les jardiniers amateurs en 2019, ces derniers constituent la principale source de pesticides en milieu urbain. Une étude basée sur des données de sciences participatives s’est intéressée aux insectes qui visitent les fleurs des jardins privés. Selon celle-ci, les insecticides et les herbicides ont un impact négatif sur l’abondance des papillons et bourdons : les premiers atteignent directement les pollinisateurs, tandis que les seconds agiraient de façon indirecte en diminuant la disponibilité en ressources – nectar et pollen (Muratet & Fontaine, 2015).

 

« Les pesticides bio nuisent moins à la biodiversité, mais tout dépend des doses utilisées »

 

Pour préserver la biodiversité, serait-il alors préférable d’utiliser des pesticides autorisés en agriculture biologique ? Si ces produits nuisent moins à la biodiversité par rapport à leurs équivalents conventionnels, cela dépend toutefois étroitement des doses utilisées. Le cuivre de la bouillie bordelaise, par exemple, s’accumule dans les sols. Si l’on manque encore d’études sur son utilisation dans les jardins des particuliers, des travaux existent dans le cas des territoires agricoles. D’après l’expertise scientifique collective (ESCo) menée par l’Inra et par l’Institut technique de l’agriculture biologique (Inra / Itab, 2018), les sols viticoles européens contiennent jusqu’à 500 mg/kg de cuivre, contre 3 à 100 mg/kg dans les sols naturels. Les plantes cultivées peuvent alors en pâtir, de même que la biodiversité des sols : le cuivre fortement concentré nuit aux communautés de microbes et aux collemboles, des hexapodes proches des insectes.

 

Alors comment vaincre les ravageurs des cultures sans pesticides ? Le contrôle biologique peut faire partie des solutions, en utilisant des substances naturelles, comme le pyrèthre, insecticide extrait des chrysanthèmes, ou en favorisant des espèces « auxiliaires » qui parasitent ou consomment les ravageurs. Coccinelles, chrysopes, syrphes (mouches à bandes jaunes et noires), micro-guêpes, hérissons, vers nématodes sont d’utiles auxiliaires de culture. Il est possible d’en élever certains, comme les coccinelles, puis de les relâcher, mais sans certitude qu’ils resteront dans un lieu donné. En revanche, adapter le jardin et sa gestion pour qu’il leur soit favorable permet d’inciter les auxiliaires à venir chez soi et à y rester. Reste alors à diversifier les plantes de nos espaces extérieurs, et à former des réseaux de balcons et de jardins entre lesquels les organismes circulent librement.

 

« Des espèces « auxiliaires », coccinelles, chrysopes, syrphes ou hérissons, parasitent ou consomment les ravageurs »

 

D’autres solutions fondées sur l’observation des milieux s’avèrent aussi prometteuses. Des chercheurs suédois (Ninkovic et al., 2013) ont illustré la façon dont le comportement des ravageurs varie en présence de leurs prédateurs. Ainsi, les pucerons se laissent tomber au sol pour échapper aux coccinelles. En effet, ces dernières laissent derrière elles une trace chimique, telle une odeur, que détectent leurs proies. Les scientifiques ont donc placé des pucerons du merisier à grappes (Rhopalosiphum padi, un ravageur de céréales) au centre de boîtes de pétri dont seul un côté avait été mis en contact avec une ou plusieurs coccinelles à sept points (Coccinella septempunctata, l’espèce la plus commune en Europe). Il y avait alors significativement moins de pucerons du côté fréquenté par les coccinelles, un comportement d’évitement plus ou moins fort selon le nombre et le sexe des coccinelles ayant laissé leur odeur dans la boîte. La perspective de ce résultat permettrait d’envisager un jour de traiter les jardins et les cultures avec des odeurs de prédateurs.

 

Des techniques agricoles innovantes comme la permaculture visent également à cultiver autrement, sans produits de synthèse et sans utilisation de carburants fossiles (Guégan & Leger, 2015). Le concept de permaculture, développé dans les années 1970 par les australiens Mollisson et Holmgren, est issu de l’écologie scientifique et s’applique de façon concrète sur le terrain. Ses méthodes consistent à aménager et à piloter les écosystèmes dans une vision globale du site, de son fonctionnement et de sa dynamique, et ce en accord avec des aspirations sociales, écologiques et économiques. Des outils tels que ceux de la permaculture pourraient être adaptés aux jardins ou espaces verts urbains, afin d’élargir encore le champ des possibles pour jardiner sans pesticides.

 

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1 Plan français Ecophyto II, loi Labbé du 06 février 2014 et article 68 de la loi de transition énergétique.

2 Avec une exception pour certains espaces à contraintes particulières comme les installations électriques.

Action n°6 : Je reste sur les « sentiers battus »

Que se passe-t-il pour une plante lorsqu’elle se fait marcher dessus ? La question peut sembler triviale, et pourtant elle fait l’objet de recherches scientifiques. Car dans les milieux les plus fragiles, notamment en montagne, toute activité humaine influence les écosystèmes. D’après une analyse qualitative de la littérature scientifique consacrée à l’impact du piétinement sur la végétation montagnarde (Martin & Butler 2017), les plantes les moins résistantes sont les arbustes qui, par leur taille, se retrouvent facilement sous les semelles des promeneurs mais dont la croissance est moins rapide que celle des herbes graminées (Yorks et al. 1997; Hill & Pickering 2009 dans Martin & Butler 2017). En marchant sur les plantes, les randonneurs les cassent, les écrasent et parfois les déracinent. Si certaines repoussent, d’autres meurent. Les plantes piétinées sont, en moyenne, moins hautes, et possèdent des feuilles moins grandes. Leur activité de photosynthèse est fragilisée et, par voie de conséquence, leur production de réserves nutritives également (Pickering & Growcock 2009 dans Martin & Butler 2017). En outre, elles produisent moins de graines, ce qui nuit à leur reproduction et donc, potentiellement, à la survie de leur espèce (Rossi et al. 2006, 2009 dans Martin & Butler 2017).

 

“La compaction du sol conduit au ruissellement des eaux à la surface, participant à l’érosion”

 

Si un piétinement modéré peut favoriser certaines plantes en éliminant celles avec lesquelles elles étaient en compétition, en revanche, le nombre total d’espèces observées – appelé richesse spécifique – diminue (Cole 2004). Le piétinement compacte également le sol dont la porosité se trouve réduite. En effet, le sol est à la fois composé de matière, mais aussi de vides appelés « pores », par lesquels l’eau de pluie s’infiltre. La compaction du sol conduit donc au ruissellement des eaux à la surface du sol qui emportent avec elles des particules de sol, participant ainsi à l’érosion. Ce phénomène est accéléré, en milieu montagnard, par la pente (Martin & Butler 2017). Des sols plus compacts sont aussi moins favorables à la germination et à la croissance de certaines plantes, puisque leurs racines peinent à circuler pour trouver des nutriments (Alessa & Earnhart 2000 dans Cole 2004). Par contre, ils en favorisent d’autres comme le rumex, la renoncule rampante, le pissenlit ou le chardon des champs (Ducerf 2013).

 

“La prévalence des maladies atteignant les coraux de Koh Tao est trois fois plus élevée dans les récifs régulièrement explorés par les touristes”

 

Dans l’eau aussi, les voyageurs causent des dégâts en s’éloignant des sentiers sous-marins ou en fréquentant des écosystèmes fragiles sans contrôle. La plongée sous-marine ainsi que le snorkeling ou randonnée palmée peuvent nuire aux récifs coralliens. Si les effets directement destructeurs de ces activités sont largement documentés par les scientifiques au moins depuis les années 1980, des travaux plus récents s’intéressent à des impacts indirects et moins évidents. Ainsi, des chercheurs australiens (Lamb et al. 2014) ont montré que la prévalence des maladies atteignant les coraux de l’île thaïlandaise de Koh Tao était trois fois plus élevée dans les récifs régulièrement explorés par les touristes que dans les récifs moins exposés. Et ce, en particulier pour une affection appelée SEB (skeletal eroding band), à laquelle les coraux abîmés sont plus vulnérables lorsqu’ils se trouvent dans des zones où la fréquentation est forte. Pour les auteurs, cela indique l’existence de facteurs de stress additionnels, causés par la randonnée palmée et la plongée, qui facilitent la progression de cette maladie. Limiter le nombre de visiteurs autorisés dans les espaces les plus sensibles s’avère donc parfois nécessaire. Pour préserver la biodiversité, tout particulièrement dans les aires protégées, mieux vaut rester sur les « sentiers battus », qu’ils soient terrestres ou marins.

Action n°5 : Je participe à un suivi de la biodiversité

« Je compte les papillons. C’est un peu comme une chasse au trophée, alors moins j’utilise d’insecticides, plus j’ai de chances d’en voir ». Ce témoignage provient d’une enseignante francilienne impliquée dans l’Opération papillons, un programme de sciences participatives lancé en 2006 par le Muséum national d’Histoire naturelle et l’association Noé dans le cadre de Vigie-Nature et qui a déjà rassemblé plus de 10 000 bénévoles. De tels programmes servent aux chercheurs en écologie à analyser un grand nombre de données recueillies selon des protocoles standards, et donnent lieu à des travaux scientifiques. Par exemple, l’Opération papillons a permis d’étudier les effets de l’urbanisation, de l’utilisation de pesticides dans les jardins privés et de l’aménagement du paysage sur les populations de lépidoptères (Muratet & Fontaine 2015). Mais leur point fort réside ailleurs : mieux connaître la biodiversité pourrait conduire à la protéger davantage.

 

“Un cercle vertueux : Plus les observateurs identifient les papillons, plus ils y font attention, et mieux ils les reconnaissent”

 

Selon une étude du Muséum national d’Histoire naturelle (Cosquer et al. 2012), 85 % des observateurs de papillons interrogés disent avoir appliqué des pratiques de jardinage bénéfiques aux lépidoptères, comme la plantation d’espèces de fleurs nourricières, la réduction du recours aux pesticides et de la fréquence de la tonte, ou encore la création de friches. Si les citoyens impliqués dans les suivis préservent les organismes qu’ils répertorient, cela a pour effet collatéral de biaiser les données. Cependant, ce biais peut-être pris en compte afin de garantir la rigueur scientifique. Si la plupart des contributeurs n’avaient aucune connaissance des papillons avant de commencer à les compter, leur participation à l’Opération leur a permis d’en acquérir et de devenir plus attentifs à leur environnement. Ils ont également pris conscience de l’appartenance de ces insectes à tout un écosystème, riche et dynamique. En outre, plus les observateurs sont capables d’identifier les papillons, plus ils y font attention, et plus ils parviennent à les reconnaître : un véritable cercle vertueux.

 

Comment tester si la contribution aux sciences participatives améliore les capacités d’observation ? Cette question a fait l’objet d’un article dans la revue Plos One (Kelling et al. 2015). eBird est un programme de suivi des oiseaux à l’échelle mondiale créé par le Cornell lab of ornithology aux États-Unis, dans lequel les observateurs remplissent et soumettent à une base de données en ligne la liste des oiseaux qu’ils ont repérés et identifiés en un temps et un lieu donnés. Or, à mesure du temps passé à observer les oiseaux sur un lieu, le nombre d’espèces listées par chaque participant augmente, jusqu’à un maximum qui correspond à la totalité des espèces présentes autour de lui. Mais la vitesse de cette accumulation varie, indiquant les compétences de chacun. Conformément à l’hypothèse des chercheurs, les différences entre les participants sont plus fortes dans le cas des oiseaux les plus discrets. Ils ont ainsi mis en évidence qu’une participation accrue à eBird augmentait cette vitesse, et donc les capacités d’observation.

 

Opération papillons, Observatoire des bourdons, Sauvages de ma rue… autant d’outils pour aider les scientifiques à suivre la biodiversité au cours du temps”

 

Opération papillons, mais aussi Opération escargots, Observatoire des bourdons, SPIPOLL (suivi photographique des insectes pollinisateurs), Sauvages de ma rue (plantes), Oiseaux des jardins et BioLitt (observatoire du littoral) constituent autant d’outils pour aider les scientifiques à comprendre et surtout à suivre la biodiversité au cours du temps, tout en transformant notre regard sur celle-ci. De nouveaux programmes de sciences participatives utilisent même des applications sur smartphone, à l’instar de BirdLab du MNHN et de NaturaList de la LPO. S’impliquer dans l’un d’entre eux est un excellent point d’entrée pour mieux comprendre et mieux aimer la biodiversité.

Action n°3 : Je cultive des plantes favorables à la biodiversité

En près de trois décennies, les populations d’insectes volants ont chuté d’environ 80 % en Allemagne. Cette situation probablement très similaire à celle de notre pays a été dévoilée par une étude internationale en 2017 (Hallmann et al. 2017). Si l’agriculture est principalement mise en cause à travers l’usage de pesticides et d’engrais de synthèse, la destruction et la dégradation des habitats de façon plus large figurent en bonne place parmi les facteurs impliqués dans les pertes de biodiversité tant au niveau mondial qu’européen (IPBES 2018). Selon une étude fondée sur des données de sciences participatives (observatoire des papillons des jardins du Muséum national d’Histoire naturelle), l’urbanisation diminue fortement le nombre d’espèces et l’abondance des papillons (Fontaine et al. 2016). Mais à l’échelle locale, nos jardins et balcons pourraient changer la donne.

 

En effet, les plantes nectarifères et pollinifères produisent respectivement du nectar et du pollen. Aussi dites “mellifères” – car les abeilles domestiques peuvent transformer leur nectar en miel – elles favorisent également d’autres pollinisateurs comme les papillons. Les auteurs de cette étude (Fontaine et al. 2016) ont montré que les espèces de papillons les plus affectées par l’urbanisation étaient aussi les plus sensibles aux pratiques de jardinage. Planter des végétaux riches en nectar peut donc aider ces espèces vulnérables en contrebalançant en partie les effets délétères de l’urbanisation. Centaurées, lavande, ronces, framboisier, valériane, trèfles, lierre et plantes aromatiques forment alors des oasis pour les papillons dans un paysage globalement défavorable. D’autres plantes peuvent même être absolument indispensables lorsque l’espèce de papillons leur est inféodée, comme l’ortie, essentielle à des papillons tels que la petite tortue (Aglais urticae), le vulcain (Vanessa atalanta) ou, dans une moindre mesure, le Robert-le-Diable (Polygonia c-album). En revanche, le buddleia, une espèce exotique envahissante, attire les papillons mais ne leur offre pas autant de ressources alimentaires que les plantes citées précédemment.

 

“Les fleurs discrètes du lierre regorgent de nectar et de pollen avant l’hiver.”

 

Si de nombreuses plantes nectarifères et pollinifères exhibent des fleurs colorées ou parfumées telles que les chèvrefeuilles, la lavande, les bleuets et les digitales, d’autres essences parfois décriées recèlent de surprenants bienfaits. Ainsi, le lierre, une plante à la mauvaise réputation, fleurit en automne. Ses fleurs discrètes regorgent de nectar et de pollen avant l’hiver. Deux chercheurs britanniques se sont penchés sur le sujet en 2013 (Garbuzov & Ratnieks 2013). Outre les abeilles domestiques, dont près de 90 % du pollen collecté provenait du lierre, cette plante nourrit aussi une grande diversité de pollinisateurs sauvages. Parmi eux figurent des bourdons, des guêpes, des papillons et surtout des syrphes, ces mouches parfois confondues avec les guêpes dont elles imitent la forme et les bandes noires et brunes. En outre, les oiseaux affectionnent particulièrement les baies du lierre.

 

D’autres chercheurs britanniques ont mis en évidence la préférence des bourdons pour des espèces végétales méconnues du public, à l’instar de la ballote, ou peu appréciées par les jardiniers, à l’image du lamier blanc – souvent pris à tort pour une ortie et pourtant non urticant (Carvell et al. 2006). D’après leur inventaire, trois quarts des plantes fréquentées par ces insectes sont en déclin au niveau local, notamment les espèces les plus importantes comme le trèfle des prés (Carvell et al. 2006). Si les prairies non semées – qui se régénèrent naturellement – offrent parfois aux bourdons des ressources plus abondantes, celles qui sont entretenues selon un standard environnemental contiennent des plantes qui fleurissent plus tôt dans l’année, essentielles aux reines qui partent fonder leur nid (Lye et al. 2009). Chacun pourrait donc, dans son jardin, agir pour les pollinisateurs en favorisant deux types d’espaces complémentaires : des zones où l’on sème des plantes qui leur sont utiles, et d’autres laissées libres d’évoluer (friches).

 

“Jardins et balcons forment un corridor écologique pour les graines, oiseaux, arthropodes et petits mammifères.”

 

En plus des ressources alimentaires qu’elles offrent aux pollinisateurs, les plantes peuvent entrer dans un fonctionnement écologique à l’échelle des paysages. Les parcs urbains constituent par exemple des ensembles d’habitats dans lesquels des espèces animales et végétales vivent. Les jardins et balcons, adjacents ou proches les uns des autres, peuvent aussi former un «  corridor » permettant aux graines, oiseaux, arthropodes et petits mammifères de passer d’un ensemble d’habitats à un autre. Le tout forme un réseau connecté, parfois indispensable au bon équilibre écologique de ces milieux fragmentés par les activités humaines. En étudiant les araignées et les coléoptères dans quatre villes franciliennes (Vergnes et al. 2012), des chercheurs du Muséum national d’Histoire naturelle ont montré, en particulier pour l’une des familles de coléoptères étudiées, que le nombre d’espèces et l’abondance étaient moins élevés dans les jardins isolés que dans ceux connectés à un corridor. Ils ont ainsi mis en évidence le rôle des corridors écologiques pour maintenir la biodiversité « ordinaire » dans des paysages très fragmentés.

 

À l’heure où plus de la moitié de la population mondiale vit dans les villes, où les campagnes s’uniformisent du fait de l’intensification agricole et où la biodiversité s’effondre, nos espaces verts, jardins, balcons ou terrains privés pourraient devenir des « oasis » de biodiversité (dont l’association Humanité et Biodiversité s’est fait le porte-parole avec les Oasis Nature, rejoignant ainsi l’initiative des Refuges LPO initiée en 1921) qui permettraient à celle-ci de s’adapter, au moins pour partie, aux pressions anthropiques croissantes.

 

Valérianes (en haut à gauche), centaurées comme le bleuet (en haut au centre), lavandes (en bas à gauche), fleurs de lierre (en bas au centre) et ballote (à droite) attirent les papillons, les abeilles, les bourdons, les syrphes, etc. Avec une diversité de plantes sur les balcons et dans les jardins, chaque pollinisateur y trouve son compte.

Action n°2 : J’évite les crèmes solaires néfastes pour la vie marine

Depuis près d’une quinzaine d’années, l’impact des crèmes solaires sur les coraux est dans le viseur des chercheurs. La première étude d’envergure remonte à 2008 (Danovaro et al. 2008). Les scientifiques se sont notamment penchés sur les zooxanthelles, qui vivent en symbiose avec les coraux. Ces petites algues ont pour particularité de tirer leur énergie des rayons du soleil par photosynthèse, et d’apporter aux coraux des nutriments essentiels. Si les algues meurent ou quittent la colonie de corail, cette dernière blanchit et succombe. L’étude, réalisée en laboratoire et in-situ dans différentes mers du monde, conclut que quels que soient le lieu et la concentration testée de crème solaire, cette dernière a systématiquement abouti à un rejet par les coraux de mucus contenant des zooxanthelles, rejet suivi d’un blanchissement complet dans les 96 heures (Danovaro et al. 2008). Un phénomène d’autant plus rapide que la température du milieu était élevée.

 

“Les larves de coraux exposées à l’oxybenzone s’ossifient de façon anormale et s’enferment dans leur propre squelette.”

 

En testant séparément différents composants présents dans les crèmes solaires, les auteurs ont montré que certains d’entre eux, des filtres organiques à UV comme le butylparaben et l’oxybenzone, se révélaient particulièrement néfastes, sans toutefois en expliquer le mécanisme précis. Or, selon une étude de Downs et al. (2016), à la lumière, l’oxybenzone détruit directement les zooxanthelles tandis qu’à l’obscurité, les coraux se mettent à les digérer. En outre, lorsque les larves de coraux sont exposées à cette substance, elles s’ossifient de façon anormale et s’enferment alors dans leur propre squelette. De plus, l’oxybenzone induit des lésions dans leur ADN. Les filtres minéraux (oxydes de zinc ou de titane) sous forme de nanoparticules seraient eux aussi toxiques pour la vie aquatique, car ils produisent des molécules appelées ROS (reactive oxygen species) qui détruisent les cellules (Lewicka et al. 2013 dans Wood 2018). Des études sont en cours pour évaluer leur effet sur les récifs coralliens (Tagliati et al. non publié, dans Wood 2018).

 

Il reste à savoir si les concentrations de crème solaire dans l’eau autour des récifs, probablement plus faibles que celles testées par les chercheurs en 2008, sont suffisantes pour entraîner de tels effets. Des études sont en cours. Cependant, certains blanchissements dans le monde semblent déjà ne pouvoir être expliqués que par la fréquentation des récifs par des touristes (Wood 2018). De prochaines études devraient aussi s’intéresser aux effets de ces produits à l’échelle de récifs coralliens entiers, voire d’écosystèmes, et non seulement aux effets distincts de chaque molécule, mais plutôt à leur « effet cocktail » lorsqu’elles agissent en mélange, comme c’est le cas en milieu naturel. Ces recherches seront cruciales : elles devront permettre de caractériser le risque de diminution de la résilience des coraux spécifiquement dû à ce stress écotoxicologique, sachant que les récifs sont déjà affaiblis par le réchauffement, l’acidification, ou encore par les ravages causés par l’étoile de mer Acanthaster, un redoutable « brouteur » de corail.

 

“Les récifs sont déjà affaiblis par le réchauffement, l’acidification, ou encore par les ravages causés par l’étoile de mer Acanthaster.”

 

Les filtres minéraux, lorsqu’ils ne sont pas formulés en nanoparticules, pourraient constituer une option plus favorable aux récifs – ce qui reste à confirmer par la science. Aujourd’hui, des crèmes solaires sont ainsi déclarées spécifiquement sans composants nuisibles aux coraux. Si aucun label n’existe encore pour certifier ces allégations, celles-ci marquent une volonté de certains industriels de prendre en compte l’impact de leurs produits sur la biodiversité. Cette démarche est à saluer.

 

© Lauric Thiault

Les récifs coralliens n’occupent que 0,1 % de la surface des océans, et représentent pourtant 30 % de la biodiversité marine mondiale. Les filtres contenus dans les crèmes solaires peuvent causer le blanchissement des coraux. Cependant, ce sont bien les changements globaux, avec la hausse des températures des océans, qui menacent le plus les récifs sur notre planète.

Action n°1 : Je mange bio

En France, près des ¾ de la population consomment des aliments bio au moins une fois par mois (Agence Bio / CSA 2018). Si la motivation principale des acheteurs de produits bio est de “préserver leur santé” (69 % des répondants), la seconde est de “préserver l’environnement” (61 %). Mais l’agriculture biologique répond-elle à ces objectifs ? En 2014, une équipe de recherche (Tuck et al. 2014) a analysé près d’une centaine d’études publiées au cours des trois dernières décennies en comparant des systèmes d’agriculture biologique avec des systèmes agricoles conventionnels. En moyenne, le nombre d’espèces présentes dans le milieu, appelé richesse spécifique, est d’un tiers supérieur en bio par rapport à l’agriculture conventionnelle (Tuck et al. 2014). Il faut toutefois considérer ce résultat avec précaution, du fait de données hétérogènes. En effet, si le nombre d’espèces est toujours plus élevé en bio qu’en agriculture conventionnelle, il varie en fonction du type de cultures. Ainsi, la différence entre bio et conventionnel est plus élevée dans un champ de céréales – où les pesticides sont très fréquents – que dans un verger (Tuck et al. 2014).

 

Selon cette étude, les plantes présentes dans l’environnement  bénéficient davantage de l’agriculture biologique que les oiseaux, les arthropodes et les micro-organismes (Tuck et al. 2014), peut-être  en raison d’un usage plus massif d’herbicides dans les cultures conventionnelles. Cependant, d’autres éléments de biodiversité seraient probablement favorisés par l’agriculture biologique, en particulier les oiseaux, dont les pesticides diminuent les ressources alimentaires. De façon plus globale, sur les 38 études consacrées à l’impact de la réduction des engrais, herbicides et autres pesticides dans plusieurs pays européens répertoriées par des chercheurs, 34 ont montré un effet positif sur certains invertébrés, plantes et oiseaux (Dicks et al. 2018).

 

Si les pratiques de l’agriculture bio s’illustrent par l’interdiction ou la limitation stricte de l’usage d’engrais synthétiques et de pesticides, elles présentent aussi d’autres avantages pour la biodiversité. Les rotations de cultures permettent par exemple de contrôler les ravageurs, tandis que l’usage de compost, d’engrais animal ou végétal enrichit les sols.

 

“Il serait possible de nourrir plus de 9 milliards d’êtres humains en 2050 avec 100 % d’agriculture biologique, à condition de réduire le gaspillage alimentaire et de limiter la consommation de produits d’origine animale.”

 

Consommer bio permet donc bien d’agir en faveur de la biodiversité. Mais ce type de consommation pourrait-il se généraliser ? En effet, d’après ses détracteurs, l’agriculture biologique présenterait des rendements insuffisants pour subvenir aux besoins d’une planète à la démographie galopante (Connor 2008). Une idée répandue que réfute une étude publiée en novembre dernier par la revue Nature Communications (Muller et al. 2017). D’après les chercheurs, il serait possible de nourrir plus de 9 milliards d’êtres humains en 2050 avec 100 % d’agriculture biologique, à condition de réduire le gaspillage alimentaire et de limiter la consommation de produits d’origine animale. Par ailleurs, les travaux de Vincent Bretagnolle et son équipe sur la zone atelier « Plaine et Val de Sèvre » depuis 1994 démontrent que réduire les apports d’herbicides et d’engrais azotés de 30 à 50 % peut être effectué sans réduction des rendements (Gaba et al. 2016). De même, d’autres chercheurs ont estimé qu’il était possible, dans près de deux tiers des 946 fermes françaises étudiées, de réduire la quantité de pesticides de 42 % sans aucun effet négatif sur la productivité ni sur la rentabilité économique (Lechenet et al. 2017).

 

Il serait donc possible, en termes de rendement, de se tourner vers le bio. Outre le bénéfice pour la biodiversité, c’est aussi notre santé, voire même nos capacités mentales, que nous protégerions. Le quotient intellectuel (QI) de certaines populations humaines aurait baissé de deux points par décennie, d’après des études danoises et norvégiennes, dont une toute récente (Bratsberg & Rogeberg 2018). Or, une cause plausible d’une telle diminution réside dans l’interférence de certains polluants environnementaux – notamment des pesticides contenus dans les aliments – avec l’action des hormones thyroïdiennes (Bellanger et al. 2015). Ces dernières jouent un rôle crucial dans la myélinisation des nerfs, processus qui accélère la transmission entre les neurones. C’est pourquoi l’exposition à ces substances allonge probablement notre temps de réaction face aux situations. Selon Barbara Demeneix, professeure au Muséum national d’Histoire naturelle, interrogée par France Culture, manger bio constituerait une bonne solution en attendant d’adopter des mesures législatives contre ces polluants. En outre, manger bio préserverait notre système cardio-vasculaire. La proportion de personnes souffrant d’un syndrome métabolique – un ensemble de troubles, dont l’hypertension artérielle, qui augmentent les risques cardio-vasculaires et de diabète de type II – est d’environ 12 % chez ceux qui se nourrissent le plus fréquemment d’aliments bio, contre plus de 20 % chez ceux qui n’en consomment que très peu (Baudry et al. 2017).

 

En France, à la suite des États généraux de l’alimentation, le gouvernement a annoncé l’attribution d’une enveloppe de 1,1 milliard d’euros sur cinq ans pour financer le programme Ambition bio 2022. Objectif : atteindre 15 % de surface agricole utile cultivée en bio et 20 % de produits labellisés bio en restauration collective publique (ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation 2018). Des mesures nécessaires pour préserver notre environnement et notre santé.

 

 Les labels Bio


Derrière chaque label se cache un cahier des charges. AB France et Agriculture biologique européenne ont les mêmes exigences, interdisant l’utilisation des pesticides de synthèse. Ils fixent aussi un pourcentage maximum de 0,9 % d’OGM, et les produits transformés doivent contenir au moins 95 % d’ingrédients certifiés bio. D’autres labels, bio ou écologiques (“écolabels”), vont plus loin, en imposant par exemple une provenance nationale, des pratiques spécifiques favorisant la biodiversité, la fertilité des sols et le bien-être animal ou encore des revenus équitables pour les producteurs. Entre deux produits bio, préférons les denrées locales et de saison.

La maison est en feu

L’équipe a examiné attentivement la littérature scientifique, le financement de la recherche et les articles de presse des États-Unis, du Canada et du Royaume-Uni sur les changements climatiques et la biodiversité entre 1991 et 2016. Elle a constaté que la couverture médiatique du changement climatique est jusqu’à huit fois plus élevée que celle consacrée à la biodiversité, un écart que les différences entre les publications scientifiques sur l’un ou l’autre thème ne peuvent expliquer. Les chercheurs ont noté que la couverture médiatique sur le changement climatique est souvent liée à des événements spécifiques, du type plénière du Giec ou événement climatique exceptionnel, lien que l’on ne retrouve pas pour la couverture médiatique sur la biodiversité.

 

Les auteurs ont quantifié avec précision leurs observations et en ont dégagé des pistes d’action pour que les chercheurs et leurs services en charge de la communication puissent mieux communiquer les points saillants de leurs travaux au grand public et aux politiques.

 

Les acteurs français se mobilisent pour les pollinisateurs

Dans le cadre de l’évaluation thématique sur les pollinisateurs, la pollinisation et la production alimentaire adoptée en mars 2016 par les États membres de l’Ipbes, la FRB a souhaité mettre en regard des conclusions de cette évaluation et des mesures appliquées par des acteurs français. Elle a interrogé à cette fin les membres de son Conseil d’orientation stratégique et a recensé plus de 250 initiatives pouvant favoriser les pollinisateurs et réduire les pressions qu’ils subissent.

 

Consultez dans les ressources ci-dessous l’Expertise et synthèse regroupant ces initiatives. 

Netseed | Agrobiodiversité et réseaux sociaux : comment les systèmes d’échange de semences agissent sur la diversité des plantes domestiquées

L’agrobiodiversité contribue à la performance des agroécosystèmes. La circulation de semences (CS) par les agriculteurs est un processus clé pour le maintien de l’agrobiodiversité. Comprendre comment la CS impacte la sécurité alimentaire nécessite l’intégration des aspects biologiques et sociaux. Les semences des plantes cultivées sont à la fois des objets biologiques (porteurs d’informations génétiques) et des objets sociaux et économiques (marqueurs d’identité et de statut). La circulation des semences (CS) n’est pas uniquement motivée par des préoccupations agronomiques ; elle reflète aussi la structure sociale.

L’objectif du projet FRB-Cesab NetSeed était de développer un cadre conceptuel et une méthodologie pour intégrer les aspects biologiques et sociaux de la CS afin de comprendre comment elle façonne l’agrobiodiversité et contribue ainsi à assurer la sécurité alimentaire. Pour relever ce défi, NetSeed a constitué une équipe interdisciplinaire : 17 chercheurs issus de domaines aussi divers que la géographie, l’anthropologie, la génétique des populations et la modélisation.

 

Ce document synthétise en quelques pages le contexte et les objectifs du groupe, les méthodes et approches utilisées, les principales conclusions ainsi que l’impact pour la science, la société, la décision publique et privée.

Les valeurs de la biodiversité #2 – un regard sur les approches et le positionnement des acteurs

Comment les acteurs de la société, au-delà des communautés scientifiques, se sont-ils emparés du thème des valeurs de la biodiversité ? 

 

Par le recueil et l’analyse des discours de porteurs d’enjeux de la biodiversité, l’étude présentée dans ce rapport tente de répondre à cette question, en apportant un regard sur trois points principaux :

  • les types de valeurs attribués à la biodiversité par les porteurs d’enjeux ;
  • l’influence du cadre politique et juridique sur la prise en compte des valeurs de la biodiversité ;
  • la manière dont les valeurs de la biodiversité peuvent être mobilisées dans les stratégies de positionnement des porteurs d’enjeux. 

 

Cette étude, téléchargeable dans les ressources ci-dessous, présente ainsi des éléments clés pour la compréhension des motivations des acteurs autour de la biodiversité, de ce qui fait sens et ce qui a de l’importance pour eux. En venant compléter l’état des lieux de la recherche française sur les valeurs de la biodiversité, elle contribuera à alimenter le dialogue entre l’ensemble des acteurs, pour identifier des voies de progrès et des questions de recherche. 

Paroles d’acteurs

Biodiversité : paroles d’acteurs, rencontres avec le Conseil d’orientation stratégique (Cos) de la FRB.

 

Qui sont les membres du Conseil d’orientation stratégique de la FRB ? Quels sont leurs valeurs, leurs représentations, leurs ambitions ou encore leur mode d’action en matière de biodiversité ?

 

Téléchargeable dans les ressources ci-dessous, ce recueil de 45 rencontres pour permettre aux acteurs de la société civile de se découvrir et de créer du lien est aussi un éclairage unique sur la diversité des visions autour de la biodiversité. Un point de départ pour élaborer collectivement un vocabulaire commun, préalable indispensable à la structuration de réflexions et d’actions partagées.

 

 

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