Les pratiques agricoles sont responsables du déclin des oiseaux en Europe

Les messages-clés 

L’étude présentée ici fournit des preuves scientifiques solides d’un effet direct et prédominant de l’intensification agricole à l’échelle continentale, par rapport aux effets du changement climatique, de l’urbanisation ou encore de l’évolution du couvert forestier.  

 

Concernant spécifiquement l’intensification agricole :  

  • À l’échelle de l’Europe continentale, l’intensification agricole1 est le principal facteur de déclin des populations d’oiseaux.
  • Ce constat ne concerne pas seulement les espèces des terres agricoles mais aussi les espèces forestières et urbaines.  
  • Alors que l’étude établit une relation entre déclin des oiseaux et intensification de l’agriculture, les mécanismes expliquant ce déclin restent en débat, entre des effets directs sur les oiseaux (intoxication par les pesticides par exemple) ou indirects à travers la suppression des ressources pour oiseaux (insectes, graines). Pour rappel, les insectes ont décliné par plus de 80 % en Europe (cf Halmman 2014).   

 

Dans les pays où les exploitations agricoles sont plus petites, les populations d’oiseaux sont en meilleur état : l’augmentation de la taille des parcelles est en effet un autre aspect clé de l’intensification agricole et contribue au déclin des populations d’oiseaux, probablement par la réduction de l’hétérogénéité des habitats.  

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1 Cette intensification agricole est spacialisée en qualifiant les fermes d’intensives ou non en fonction de la valeur monétaire dépensée dans les intrants chimiques par hectare

 

Trouver un équilibre entre production agricole et la protection de l’environnement est un des défis politiques majeurs de notre siècle. Les débats actuels occasionnés par l’adoption de la loi Duplomb le démontrent à nouveau, et instrumentalisent trop souvent les résultats scientifiques et principes fondamentaux de la recherche – basés sur la prudence et le doute. Au cours des dernières années, la FRB a régulièrement partagé articles scientifiques, notes, réflexions à la fois sur les risques encourus et des pistes de mesures à mettre en place pour aider les agriculteurs à sortir de la dépendance aux pesticides.  
À travers cet article, la FRB revient sur les résultats d’une étude majeure parue en 2023 dans la revue PNAS, qui démontre la responsabilité des pratiques agricoles intensives sur le déclin des oiseaux en Europe et souligne le besoin d’un changement transformateur. Elle appelle à revenir aux fondamentaux : quelle agriculture voulons-nous collectivement pour demain ?  

 

Pour « vivre en harmonie avec la nature », intégrons au moins 20 % d’habitats natifs dans les paysages gérés

À travers les 23 cibles à atteindre, le cadre propose de s’appuyer sur un indicateur de l’état des écosystèmes : l’intégrité écologique qui a besoin d’élargir sa pertinence et de devenir opérationnel pour une meilleure appropriation par les États et parties prenantes. Un des enjeux autour de cette notion est de dépasser le postulat initial selon lequel cet indicateur ne s’appliquerait qu’aux écosystèmes naturels protégés en l’étendant aux écosystèmes gérés.

 

  • Dans une étude publiée en 2020, Garibaldi et al. préconisent que, pour aller vers de meilleures synergies entre utilisation et conservation de la nature, les habitats natifs doivent constituer au moins 20 % de la superficie des écosystèmes gérés, notamment agricoles. Cet objectif peut s’inscrire dans des objectifs nationaux comme la restauration des connectivités et l’augmentation de l’efficacité des réseaux d’aires protégées, notamment là où elles sont peu nombreuses. À travers le décryptage de cet article, présenté ici avec un focus sur la situation en France, la FRB propose une première approche invitant à questionner la notion d’intégrité pour les écosystèmes gérés. Un préambule à la parution d’un travail plus vaste mené sur la notion d’intégrité par la FRB et son Conseil scientifique, à découvrir à la rentrée !

 

Les messages-clés de la publication

 

  • Outre des avantages pour la sécurité alimentaire, atteindre un objectif minimal de 20 % d’habitats natifs dans les paysages gérés présente des avantages pour les services de régulations, les diverses contributions de la nature aux humains, la connectivité et l’efficacité des réseaux d’aires protégées.

 

  • La conservation et la restauration d’habitats natifs sont techniquement possibles sans perte de production, agricole notamment. Elles sont également complémentaires aux efforts visant à étendre et établir des zones protégées.

 

  • En France, plusieurs éléments peuvent contribuer très concrètement à atteindre l’objectif proposé des 20 % d’habitats natifs, parmi lesquels la plantation de haies.

 

  • La mise en place d’une stratégie de restauration et de conservation d’habitats natifs est tout à fait possible et fortement souhaitable. Elle nécessite néanmoins une coordination entre les gouvernements, les propriétaires, les gestionnaires fonciers, les entreprises et les organisations issues de la société civile. Le rôle des pouvoirs publics, par l’adoption de politiques et de législations pertinentes, est essentiel.

 

La prédation par les loups (Canis Lupus) réduit-elle le nombre de collisions entre les ongulés sauvages et les véhicules ?

En France aussi, la prédation par les loups permet de réduire le nombre de collisions entre les ongulés sauvages et les véhicules. 

 

Une deuxième étude menée cette fois ci en France, estime les bénéfices indirects de la recolonisation des loups en France à travers la réduction des collisions avec les ongulés sauvages. Les auteurs ont ainsi montré que la prédation de 530 loups sur des chevreuils et des sangliers en 2018 pourrait bien avoir permis d’éviter 16 blessés et un tué lors de collisions routières. D’après le scénario principal de l’étude (un taux d’indemnisation de 50 %), cela correspond à plus de 4 millions d’euros de dommages humains et matériels. En fonction d’autres scénarios, cette valeur monétaire pourrait dépasser plus de 10,5 millions d’euros.

 

Cette étude représente la première tentative d’évaluation de la valeur économique des services rendus par les loups à la société française. Les bénéfices attendus devraient théoriquement augmenter si la population de loups augmente et diminuer si cette population se réduit. Aujourd’hui, l’estimation de la population de loup fait état de 1003 individus répartis sur 50 départements (comptage 2023). Un argument supplémentaire pour considérer cette augmentation du nombre de loup comme une réussite de conservation et une opportunité de bénéficier de services rendus par ce prédateur.

 

Découvrez l'étude réalisée dans le Wisconsin

Cultiver la biodiversité pour récolter des denrées alimentaires, la sécurité alimentaire et la durabilité

Dans un contexte agricole et alimentaire tendu, la transition du système alimentaire vers des processus et pratiques plus soutenables est souvent remise en question. Une série de découvertes en écologie et en agriculture suggère que la biodiversité, tant spécifique que génétique, peut aider à résoudre les problèmes de durabilité auxquels est confrontée l’agriculture intensive moderne. De la parcelle au pays, cette étude démontre les avantages apportés par une diversification des cultures (variétale, spécifique, paysagère) par rapport à l’agriculture intensive conventionnelle

 

La modernisation de l’agriculture a entraîné une réduction de la diversité génétique des espèces utilisées. Celle-ci est pourtant la clé pour une agriculture plus adaptée au changement climatique, à une nutrition plus équilibrée, à des pratiques plus durables pour l’environnement et la santé humaine. Cette diversification permet des rendements plus élevés et plus stables, un moindre recours aux engrais et aux pesticides, un besoin moins important en terres cultivables et des apports nutritionnels plus équilibrés.

 

 

Les messages-clés de la publication

 

La sélection moderne  favorisé l’uniformité pour une productivité maximale en monoculture, elle a ainsi délaissé les caractères permettant à des espèces ou variétés de coexister. La production alimentaire mondiale est dominée par quelques espèces dont l’effondrement serait catastrophique pour la sécurité alimentaire, en plus des impacts environnementaux et sanitaires que leur culture entraîne.  Face à cette uniformisation, que retenir de la diversification des cultures

 

  • La diversification des cultures dans l’espace et dans le temps (rotations, cultures de couvertures, intercalaires, pièges ou répulsives, paysages) a le potentiel d’augmenter considérablement la stabilité, la sécurité et la fiabilité de la production alimentaire, tout en réduisant les risques de pollutions (moindre utilisation d’engrais et de pesticides) et les risques pour la santé humaine (pollutions, régimes alimentaires). 

 

  • Comparé aux autres solutions la diversité des espèces cultivées présente l’effet le plus important pour stabiliser la production. Vient ensuite l’irrigation. La fertilisation, quant à elle, n’a pas démontré d’effet significatif sur la stabilité des rendements. 

 

  • De très nombreux travaux démontrent les avantages de cette diversification des cultures : stabilité de la production, meilleure nutrition, réduction du besoin de nouvelles terres cultivables, amélioration de la fertilité des sols, renforcement du biocontrôle sur ravageurs, moindre recours aux pesticides et engrais, meilleurs rendements, gain de productivité beaucoup plus rapides que la sélection génétique conventionnelle, etc. et meilleure compétitivité par rapport aux monocultures.  

 

  • Toutefois cette diversification est limitée à cause d’un manque d’investissements. Il semble donc important de faciliter la formation des agriculteurs, poursuivre la recherche sur les meilleures combinaisons spécifiques et variétales et les meilleures échelles spatio-temporelles et proposer de nouvelles machines agricoles adaptées à cette diversité. 

 

 

Trajectoires d’utilisation des terres pour des transformations durables des territoires : Identifier les points de levier dans un hotspot mondial de biodiversité

Pour évaluer l’impact des différents usages des sols sur la biodiversité, les services écosystémiques et l’agriculture, les scientifiques comparent généralement divers types d’utilisation des sols. Cependant, ces comparaisons négligent souvent les conversions réalistes, nécessaires pour les politiques à long terme.

 

Dans cette étude, des chercheurs ont utilisé diverses méthodes pour analyser les trajectoires d’utilisation des terres à Madagascar, visant des équilibres entre biodiversité et activités humaines, comme l’agriculture. L’île de Madagascar a perdu 44 % de ses forêts entre 1953 et 2014, sans répondre aux besoins des populations rurales. L’urgence de transitions vers des systèmes fonciers durables est donc bien réelle.

 

L’agriculture de subsistance, notamment la culture itinérante, c’est à dire un système d’agriculture où de petites parcelles sont défrichées, brûlées et utilisées pendant une seule année, puis laissées en jachère pendant plusieurs années, reste la principale cause de déforestation dans le nord-est de l’île. Madagascar est également la plus importante zone de culture de la vanille au niveau mondial, constituant le moyen de subsistance d’environ 70 000 à 80 000 agriculteurs. L’agriculture du pays se traduit donc par une trajectoire d’utilisation des terres qui prend son origine dans les forêts anciennes et s’étend des fragments de forêt à la riziculture itinérante en colline et aux agroforêts de vanille. 

 

Dans ces paysages, les leviers potentiels pour transformer les systèmes fonciers se situent aux lisières de la déforestation, préservant d’anciennes forêts, et au sein de mosaïques paysagères. Ces dernières offrent une sécurité alimentaire accrue, des revenus plus élevés et une meilleure résistance aux chocs économiques et environnementaux.

 

 

Les messages-clés de la publication

 

Le compromis inévitable identifié dans cette publication est qu’aucune décision d’utilisation des terres ne peut maximiser simultanément tous les indicateurs, notamment les espèces, les services écosystémiques et la productivité.

 

Plusieurs points de levier sont identifiés pour orienter les décisions d’utilisation des terres :

  • Compenser les compromis entre la conservation des forêts anciennes et les rizicultures de subsistance, en reconnaissant l’importance de préserver les forêts anciennes pour la biodiversité ;
  • Conserver les fragments de forêt et privilégier l’agroforesterie dérivée de la forêt par rapport à la culture itinérante, en mettant en avant les avantages pour la biodiversité et les services écosystémiques ;
  • Exploiter les co-bénéfices de la conversion des jachères en agroforêts de vanille, en soulignant les avantages pour la biodiversité, les services écosystémiques et la productivité agricole.
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Recommandations politiques primordiales :

  • Protection des forêts anciennes : Il est essentiel de protéger strictement les forêts anciennes pour préserver la biodiversité et les services écosystémiques, tout en tenant compte des petits exploitants.
  • Favoriser l’agroforesterie de vanille dérivée de jachère : Encourager l’agroforesterie de vanille issue de jachères pour ses avantages en termes de services écosystémiques, de biodiversité et de productivité agricole.
  • Restrictions sur l’agroforesterie dérivée de la forêt : Limiter l’agroforesterie dérivée de la forêt à une alternative à la déforestation complète, sans contribuer à la dégradation des forêts anciennes.
  • Soutenir une agriculture de subsistance durable : Favoriser des pratiques agricoles durables pour les petits exploitants, y compris la culture itinérante avec de longues périodes de jachère, tout en fournissant un soutien aux ménages défavorisés pour établir des agroforêts de vanille et des rizières productives.

La biodiversité : concepts, tendances, menaces et perspectives

À travers un article de vulgarisation et de synthèse, les auteurs, Sandra Diaz et Yadvinder Malhi, travaillant respectivement en Argentine et au Royaume Unis, proposent d’interroger le concept de biodiversité : comment la définir ? Comment l’évaluer, combien y a-t-il d’espèces vivantes : plusieurs millions ou plusieurs milliards ?

 

>> Le saviez-vous ?  Près de 90 % des espèces connues sont terrestres.

 

 

Les auteurs discutent également l’ampleur des impacts humains sur la biodiversité, en particulier les vitesses d’extinction, qui peuvent être 100, 1000, 10 000 voire 100 000 fois plus rapides, en fonction des groupes d’espèces vivantes que lors des 5 grandes extinctions de masse connues. Ou encore les périodes pendant lesquelles les impacts massifs ont commencé.

 

>> Le saviez-vous ? Plus de 98 % de la biomasse des mammifères a déjà disparu il y a 10 000 ans en raison de la chasse, de l’occupation de l’espace et de la transformation des paysages.

 

 

Enfin, les auteurs examinent les causes profondes de l’extinction moderne en lien avec les facteurs directs et indirects de pression.

 

>> Le saviez-vous ?  23 % du déclin de la biodiversité est dû à l’exploitation directe des espèces, comme la chasse, la pêche, la foresterie, l’agriculture, et non pas seulement à la surexploitation comme on entend souvent ?

Dix principes pour améliorer l’équité et la justice dans la gouvernance et l’usage des terres

Atteindre la durabilité à travers les systèmes fonciers est un défi pour de multiples raisons. Précisément parce que de multiples significations et valeurs sont associées à la terre. Également parce que les systèmes terrestres sont complexes, que les dommages peuvent être irréversibles et interconnectés avec des trajectoires de développement, qu’il peut exister des impacts importants liés aux petites empreintes foncières, que les retombées négatives des usages des terres peuvent être lointaines. Mais aussi parce que nous vivons sur une planète où les compromis sont fréquents, parce que les revendications se chevauchent et sont contestées, parce que les avantages et les bénéfices de la terre sont inégalement répartis. Enfin, parce que les acteurs ont des visions multiples, parfois contradictoires, de la justice.

 

Éviter les impacts négatifs irréversibles est toujours préférable, mais au-delà de ça, progresser vers la durabilité par l’utilisation des terres consiste souvent à négocier des compromis et des compensations justes et acceptables, plutôt que d’obtenir des résultats optimaux ou une paix stable entre les acteurs. À travers une approche multidisciplinaire, les auteurs exposent ici 10 principes clé, sous-tendus par un ensemble de preuves scientifiques solides, qui représentent l’état actuel des connaissances des sciences du système Terre et qui mériteraient d’être acceptées et comprises des scientifiques, des décideurs et des praticiens travaillant sur l’usage des sols. Ces principes n’apportent toutefois pas de réponses simples aux débats actuels sur la gestion des compromis et des synergies, sur comment organiser la multifonctionnalité des systèmes fonciers à travers les lieux et les échelles, ni sur comment mettre en place des procédures et une distribution équitable des bénéfices fonciers. Cependant, ils peuvent aider à adapter la gouvernance des systèmes fonciers pour réaliser un développement juste et durable, fournir un terrain commun pour la science et la politique et donner des pistes pour un agenda de recherche. Six propositions (encadrés) sont détaillées au fil du texte pour permettre aux décideurs et aux praticiens de collaborer pour relever les défis urgents liés aux changements d’usage des terres.

 

 

Les dix principes

 

1. La terre est le foyer de significations et de valeurs multiples.

2. La dynamique du système terrestre est complexe, avec des rétroactions et des interactions qui conduisent à la fois à des changements brusques et à la stabilité.

3. Certains changements d’utilisation des terres ont des impacts sociaux et environnementaux irréversibles à l’échelle de décennies ou de siècles.

4. Certaines utilisations du sol ont une faible étendue spatiale, mais des répercussions importantes.

5. Les systèmes terrestres sont interconnectés à l’échelle mondiale.

6. Les humains utilisent ou gèrent plus des trois-quarts de la surface non glacée de la Terre, mais c’est l’ensemble des terres, même celles qui sont apparemment inutilisées qui sont bénéfiques aux sociétés humaines.

7. L’utilisation des terres implique plus souvent des compromis que des gains ; maximiser un usage de la terre, comme l’atténuation du changement climatique, réduit presque toujours d’autres avantages pour d’autres utilisateurs.

8. Une grande partie des terres dans le monde fait l’objet de multiples chevauchements et revendications foncières.

9. Les avantages et les risques liés à l’utilisation des terres sont inégalement répartis et le contrôle des ressources foncières est de plus en plus concentré par un nombre réduit d’acteurs.

10. La justice sociale et environnementale liée à l’utilisation des sols comprend des formes multiples de reconnaissance et de justice procédurale, distributive et intergénérationnelle.

L’échec du dissensus est essentiel pour que l’écologie scientifique influence les politiques de développement

La falsification des hypothèses et le changement de paradigmes sont deux des nombreux modèles qui expliquent la manière dont les théories, les expériences et les observations façonnent la compréhension. Cependant, l’écologie a également une histoire de débats verrouillés, dans lesquels les positions se figent et la progression vers un consensus consolidé est entravé, voire empêché, par l’absence de discours efficace et synthétique.

 

Les conséquences néfastes du verrouillage des débats en écologie et, plus largement, des sciences de l’environnement dépassent le cadre universitaire car les dissensus ont un impact sur la prise en compte de la connaissance scientifique dans l’élaboration des politiques environnementales qui font intervenir de multiples disciplines et parties prenantes. Pourtant, l’essor récent des plateformes scientifiques et politique d’évaluations et de synthèse, telles que le Giec et l’Ipbes, devraient améliorer le transfert des résultats scientifiques vers les décideurs, l’élaboration d’avis et faciliter leur transformation en réglementations, en objectifs et actions de gestion. Lorsque des désaccords scientifiques atteignent l’arène sociétale, ils peuvent nuire à la fois à la crédibilité scientifique et à la diffusion de la connaissance. Lewandowsky et al. (2021) a ainsi démontré que l’acceptation de la science comme moteur de la politique – et l’acceptation des politiques elles-mêmes – augmentent si les déclarations scientifiques sont consensuelles.

 

L’objet de cette publication est d’examiner les débats non consensuels en écologie, d’identifier pourquoi ils se produisent et de trouver des mécanismes pour en sortir.

La conservation plus efficace quand les peuples autochtones et les communautés locales sont inclus dans la gouvernance

Ces questions sont pourtant cruciales pour permettre une conservation efficace de la biodiversité. Cette étude présente une revue systématique de 169 publications examinant comment différentes formes de gouvernance influencent les résultats de la conservation, en accordant une attention particulière au rôle joué par les peuples autochtones et les communautés locales.

 

L’étude met en avant un contraste frappant entre les résultats d’une conservation contrôlée de l’extérieur et ceux produits par des efforts contrôlés localement. La plupart des cas présentant des résultats positifs à la fois pour le bien-être et la conservation proviennent de cas où les peuples indigènes et les communautés locales jouent un rôle central. C’est le cas, par exemple, lorsque ces communautés ont une influence substantielle sur la prise de décision. En revanche, lorsque les efforts de conservation sont contrôlés par des organisations externes et impliquent des stratégies visant à modifier les pratiques locales, elles tendent à aboutir à une conservation relativement inefficace, tout en produisant des résultats sociaux négatifs.

 

Une conservation équitable, qui renforce et soutient l’intendance (stewardship) environnementale des peuples autochtones et des communautés locales, représente la principale voie vers une conservation efficace à long terme de la biodiversité, en particulier lorsqu’elle est soutenue par des lois et des politiques plus larges. Cette étude explique en détail comment mettre en œuvre des transitions de gouvernance progressives par le biais de recommandations pour la politique de conservation, avec des implications immédiates pour la réalisation des objectifs de conservation dans le cadre de la Convention des Nations unies sur la diversité biologique.

Quels niveaux de référence pour la biomasse des grands herbivores dans le cadre de la restauration écologique ?

Proclamée par les Nations unies, la « décennie de restauration des écosystèmes » 2021-2030 appelle à des objectifs fondés sur des preuves pour restaurer la diversité naturelle et la biomasse des grands herbivores. C’est dans ce cadre que des chercheurs ont analysé les relations consommateur-producteur de biomasse naturelle sur un ensemble de données mondiales dans les zones naturelles.

 

Leurs analyses révèlent que les écosystèmes africains ont généralement une biomasse de grands herbivores beaucoup plus élevée que les écosystèmes du reste de la planète et que les relations consommateur-producteur y sont plus fortes.

 

Pour l’Europe, l’Asie et l’Amérique du Sud, il n’y a pas de relations significatives entre la productivité primaire nette et la biomasse des grands herbivores, signe de faunes appauvries et considérablement plus faibles que prévu au regard des résultats dans les écosystèmes africains.

 

La restauration écologique et le ré-ensauvagement impliquent la restauration des processus de pâturage naturel. Les résultats indiquent qu’à l’aune de leur productivité primaire, de nombreuses réserves naturelles sont appauvries en biomasse de grands herbivores.

 

Néanmoins, sans références scientifiquement établies, les niveaux naturels de biomasse des grands herbivores sont mal compris et rarement ciblés. Alors que la surexploitation par le pâturage saisonnier du bétail domestique s’intensifie, il est urgent, quoique difficile, de parvenir à un consensus scientifique sur ce niveau de référence.

 

En attendant, les chercheurs de l’étude recommandent de gérer, ou de ré-ensauvager, les pâturages presque naturels sans objectifs de densité prédéfinis en terme de grands herbivores, mais en suivant la disponibilité des ressources naturelles fluctuantes avec une intervention de gestion minimale. La mise en place de sites expérimentaux de ré-ensauvagement avec une gestion réactive des herbivores peut faire progresser notre compréhension des processus, des seuils et niveau de référence relatifs à la densité de pâturage naturel.

 

Pour compléter cette étude, des niveaux de référence sur la densité des carnivores et la productivité primaire nette pourraient utilement compléter cette analyse.

Une science de la conservation qui franchit la frontière entre la connaissance et l’action

Générer une science qui informe effectivement les décisions de gestion exige ainsi que la production de l’information (ce qui constitue la connaissance) remplisse les trois critères d’être à la fois :

1. Pertinente (notable, intéressante pour la décision et opportune, fournie au moment où elle est nécéssaire) ;
2. Crédible (faisant autorité, digne de confiance) ;
3. Légitime (élaborée par un processus tenant compte des valeurs et des perspectives des parties prenantes) – aussi bien pour les chercheurs que pour les décideurs.

 

 

Pour cela, trois difficultés sont à surmonter :

1. Premièrement, les communautés de recherche et de gestion peuvent avoir des perceptions contrastées de l’importance d’une recherche.
2. Deuxièmement, la volonté de crédibilité scientifique peut s’effectuer au détriment de la pertinence et de la légitimité aux yeux des décideurs.
3. Troisièmement, différents acteurs (politiques, scientifiques, etc.) peuvent avoir des points de vue contradictoires sur ce qui constitue une information légitime.

 

 

Au travers de cet article, les auteurs mettent en évidence quatre cadres institutionnels qui peuvent faciliter un processus scientifique informant la gestion :

  • les organisations environnementales d’interface, situées à la frontière entre la science et la gestion ;
  • les agences de moyens au profit de la conservation qui intègrent des chercheurs ;
  • les institutions de recherche qui établissent des liens formels entre décideurs et chercheurs ;
  • les programmes de formation pour les professionnels de la conservation.

 

 

Bien que ces cadres ne soient pas les seuls à permette à la science de dépasser la frontière entre connaissance et action, ni qu’ils soient exclusifs les uns des autres, ils constituent des moyens efficaces de communication, de traduction et de médiation.
En dépit des défis à relever, les sciences de la conservation doivent s’efforcer d’être des « sciences de l’interface » qui font progresser la compréhension scientifique et contribuent à la prise de décision.

Pour sauver les baleines, levez les yeux vers le ciel

Les populations de baleines sont menacées par de nombreux facteurs de pression comme le bruit anthropique, la pollution, la chasse dans certaines régions du monde, mais surtout les enchevêtrements accidentels dans les engins de pêche et les collisions avec les navires. On estime à plusieurs milliers par an le nombre d’individus morts par collision dans le monde (sur la seule côte ouest des États-Unis, les collisions tuent environ 80 baleines par an).

Alors que des mesures simples, comme des dispositifs de séparation du trafic maritime, sont connues depuis plusieurs années et pourraient réduire ces dommages, celles-ci ne sont pas encore systématisées. 

 

S’intéresser au ciel pour mieux comprendre ce qui se passe dans les océans, cela peut paraître étonnant, et pourtant. Dans les deux cas, les collisions se produisent dans un espace tridimensionnel. Les actions proactives sont donc cruciales pour prévenir les mortalités résultant de collisions. En effet, bien que oiseaux et baleines pourraient théoriquement éviter les avions ou les bateaux, des études ont montré que les animaux ne détectent pas nécessairement les véhicules venant en sens inverse. De même, les avions ou les bateaux ne détectent pas les animaux en raison de l’environnement tridimensionnel : l’angle de vue des pilotes est limité et la maniabilité des gros bateaux ou avions est faible. 

 

Malgré ces similitudes, les principales motivations pour éviter ces collisions sont différentes. Dans le cas des avions, les collisions peuvent être mortelles à la fois pour les oiseaux, l’équipage et les passagers de l’avion. La priorité est donc ici la sécurité des humains et a conduit l’industrie aéronautique à adopter des solutions standardisées et proactives au cours des dernières décennies. 

 

 

 

 

La conservation sur des espaces surdimensionnés et le déclin de la faune sauvage et du tourisme dans les savanes d’Afrique centrale

Lorsqu’en 2010, les gouvernements du monde se sont engagés à augmenter la couverture des aires protégées à 17% de la surface terrestre mondiale, plusieurs pays d’Afrique centrale avaient déjà instauré la protection de 25% de leurs savanes à des fins de conservation. Pour évaluer l’efficacité de ces outils, des chercheurs du projet Afrobiodrivers, financés par la FRB au sein de son centre de synthèse, ont analysé les résultats de 68 enquêtes menées dans les sept principaux parcs nationaux de savane d’Afrique centrale (1960-2017) ainsi que les informations sur les pressions potentielles impactant la population de grands herbivores (pluviométrie, nombre de gardes) et sur le nombre et les revenus des touristes. Dans six des sept parcs, les populations sauvages de grands herbivores ont considérablement diminué au fil du temps, parallèlement, le nombre de têtes de bétail a augmenté, et le tourisme, le pilier d’une industrie faunique locale autrefois florissante, s’est effondré. Le parc national Zakouma (Tchad) s’est démarqué parce que ses grandes populations d’herbivores ont augmenté, une augmentation qui est positivement corrélée avec les précipitations et le nombre de gardes, démontré ici comme un indicateur de conservation pertinent.

 

Avec la baisse des revenus et l’insécurité croissante, les gouvernements ont trop peu de ressources pour protéger les vastes zones que représentent les parcs et faire respecter les limites des zones protégées. “Les gouvernements de ces pays sont débordés et essaient de faire plus que ce qu’ils peuvent faire”, a déclaré Paul Scholte, auteur principal de l’étude et directeur du programme Gouvernance et gestion durable des ressources naturelles à Comoé et Taï, deux parcs nationaux de Côte d’Ivoire. “Et la réalité est que l’augmentation des zones sous conservation, en Afrique centrale, pousse les pays à assumer plus qu’ils ne peuvent assumer, alors que la communauté internationale ne leur a pas donné les ressources nécessaires pour s’aligner sur les réalités du terrain.

 

La prochaine convention sur la diversité biologique prévue en avril 2022 suggère d’augmenter les zones de conservation pour couvrir 30 % de la surface terrestre de la planète. « L’objectif est noble », a déclaré M. Scholte, « mais sans financement pour soutenir ces objectifs, la plupart des pays à faible revenu ne pourraient pas réussir ».  Pour faire face au dilemme que représente l’expansion des aires protégées et la baisse des moyens de gestion, les auteurs proposent d’augmenter les financements, d’améliorer la gestion et de concentrer les actions sur des zones plus petites pour sauver la faune dans les savanes d’Afrique centrale. « Il ne s’agit pas de doubler ou de tripler le financement pour qu’il soit efficace. Il faudrait 10, 15 ou même 20 fois plus de fonds par an pour les budgets de ces parcs. », d’après Paul Scholte. “C’est énorme, et nous savons tous que ce n’est pas réaliste. Donc, nous disons que nous devrions en prendre conscience, le reconnaître, et concentrer ces ressources limitées sur des zones qui sont viables et qui pourraient avoir un plus grand effet sur la conservation des populations de grands herbivores en Afrique centrale ».

 

 

Retrouver l’interview complet de Paul Scholte en anglais

Le paradoxe de la productivité : la productivité agricole favorise l’inefficacité du système alimentaire

Depuis la reconstruction économique qui a suivi la Seconde Guerre mondiale, l’objectif principal de la politique alimentaire a été d’augmenter la productivité agricole et de libéraliser des marchés permettant aujourd’hui un commerce mondialisé. Cette orientation a conduit à une croissance significative de l’offre de produits agricoles, à davantage de calories disponibles et à une baisse des prix.

 

Dans cet article, les auteurs émettent l’hypothèse que la recherche de la seule productivité agricole encourage l’externalisation des coûts sur la santé et l’environnement et, au lieu de fournir des biens publics, représente sans doute une défaillance du marché. Par exemple, la disponibilité de calories moins chères génère des régimes alimentaires créant de l’obésité, et la concurrence mondiale favorise les producteurs qui peuvent produire le plus à moindre coût, généralement avec des dommages environnementaux. Les auteurs proposent alors de recentrer la productivité et l’efficacité globales du système alimentaire sur le nombre de personnes qui peuvent être nourries sainement et durablement par unité d’intrant et non plus sur les seuls rendements.

Mettre l’accent sur l’efficacité globale du système alimentaire offre un moyen clair de réduire les défaillances du marché, d’améliorer santé et durabilité.

La régénération naturelle des paysages arborés : la meilleure stratégie pour lutter contre le changement climatique et restaurer les écosystèmes ?

Malgré les gros titres et les sommes importantes consacrées aux projets de plantation massive d’arbres qui promettent de lutter contre la désertification, la méthode la plus efficace consiste peut-être à créer un environnement facilitant arrivée, germination et essor des arbres indigènes.

En effet, les principaux succès en termes de plantation d’arbres sont observés dans les plantations commerciales pour la récolte du bois, et non pour la restauration des terres dégradées. Les grands et coûteux projets de plantation d’arbres en vue de la restauration des terres se poursuivent cependant, alors que l’idée de régénérer naturellement des arbres qui sont pris en charge par les communautés locales est peu développée car trop peu de gens connaissent son histoire et ses réussites.

 

Au travers de cette synthèse d’un article scientifique, découvrez l’histoire de cette méthode, les réussites permises et les évolutions en cours dans les pratiques et financements internationaux.

Les loups rendent les routes plus sûres, permettant d’importants bénéfices économiques

Alors que les effets écologiques en cascade résultant de la suppression ou de la réintroduction de prédateurs sont de mieux en mieux connus, on sait peu de choses de leurs impacts sur les vies humaines ou les biens matériels.

 

Une première étude quantifie les effets de la restauration des populations de loups en évaluant leur influence sur les collisions entre les cerfs et les véhicules dans le Wisconsin. Elle montre que, pour un comté moyen, l’arrivée des loups a réduit de 24 % les collisions entre cerfs et véhicules. Un bénéfice économique 63 fois supérieur aux coûts de la prédation sur le bétail par les loups. Ces résultats s’expliquent principalement par une modification du comportement des cerfs plutôt qu’à un déclin de leur population dû à la prédation par les loups. Ce constat corrobore les recherches écologiques qui soulignent le rôle des prédateurs dans la création d’un “paysage de la peur”.

 

Dans cette étude, l’équipe de recherche suggère que les loups atténuent plus les préjudices économiques causés par la surabondance de cerfs que les chasseurs. Les auteurs proposent deux mécanismes, les changements de comportement des proies et la diminution de l’abondance des proies. Ils concluent que la chasse est moins efficace que les loups pour réduire les collisions.

Quels choix en contexte de crise environnementale ?

Le fossé ne vient pas seulement d’un problème de conflits de valeurs ou de croyances contradictoires, il émane aussi d’un problème d’absence de solutions opérationnelles (ou d’absence de connaissance de ces solutions par les décideurs).

 

Appréhender la complexité des problèmes et la façon dont les décisions sont prises est essentiel pour avoir une chance de résoudre la crise environnementale. Pour ce faire, les auteurs de l’étude présentent une nouvelle approche qui permet de comprendre les positions irrationnelles dans le débat sur l’environnement, et d’analyser s’il s’agit d’un problème d’informations, de croyances, de valeurs ou de moyens pour ouvrir la porte à un dialogue plus constructif.

 

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Protéger l’océan pour la préservation de la biodiversité, l’approvisionnement en nourriture et l’atténuation du changement climatique

La 15ème réunion de la Conférence des parties (COP15) de la Convention des Nations unies sur la diversité biologique (CDB), qui doit se tenir en 2021, devrait déboucher sur un accord mondial en faveur de la nature, avec un consensus émergent visant à protéger au moins 30% de l’océan global d’ici 2030. 

 

Les résultats de l’étude coordonnée par Enric Sala publiée en mars 2021 dans le journal Nature, donnent du crédit à cet objectif et suggèrent qu’une augmentation de la surface des aires marines protégées et une répartition spatiale cohérente de ces dernières pourraient avoir un triple avantage : non seulement mieux protéger la biodiversité marine par rapport à l’existant, mais aussi stimuler la productivité des pêcheries, en exploitant une moins grande surface mais avec de meilleurs rendements, et amoindrir les émissions de carbone remis en suspension par le chalutage profond. 

 

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La simplification des paysages augmente le risque d’attaques de ravageurs des vignobles et donc l’utilisation d’insecticides

Dans cette étude, publiée dans la revue Ecology Letters en octobre 2020,  les chercheurs ont utilisé une base de données gouvernementale sur 13 années pour analyser les effets des paysages sur les épidémies de pyrale de la vigne (Lobesia botrana) et l’application d’insecticides dans environ 400 vignobles espagnols.

 

Au moment de la récolte, ils ont mis en évidence que les épidémies de ravageurs avaient quadruplé dans les paysages simplifiés dominés par la vigne par rapport aux paysages dans lesquels les vignobles étaient entourés d’habitats semi-naturels. De même, les applications d’insecticides avaient doublé dans les paysages dominés par la vigne et diminué dans les vignobles entourés d’arbustes. Les résultats de cette étude suggèrent que la complexité croissante du paysage pourrait atténuer les populations de ravageurs et diminuer le besoin d’application d’insecticides. La conservation des habitats semi-naturels représente une solution économiquement et écologiquement rationnelle pour parvenir à une production viticole durable.

 

 

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Analyse spatiale des collisions entre la faune sauvage et les trains sur le réseau ferroviaire tchèque

Afin d’identifier les lieux de ces collisions les plus dangereuses et leur répartition spatiale, cette étude a recueilli 1 909 incidents avec les animaux qui ont eu lieu en République tchèque entre 2011 et 2019. 208 points chauds ont été identifiés en utilisant la méthode d’estimation par noyau. Ils contenaient 782 collisions (41,2 %) recensées sur 0,7 % de la longueur du réseau ferroviaire tchèque. L’étude a également identifié et classé les points chauds les plus importants des collisions en utilisant un paramètre de risque collectif et a démontré qu’elles se sont produits plus fréquemment à proximité d’une forêt ou d’un cours d’eau et sont plus éloignés des terres arables ou des zones urbaines/industrielles par rapport à d’autres endroits sur l’ensemble du réseau ferroviaire tchèque. Les résultats peuvent aider à placer les mesures de sécurité en cas d’accident, car une grande partie des accidents ne se sont produits que sur moins de 1 % du réseau ferroviaire.

 

 

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La Fondation pour la recherche sur la biodiversité gère l’animation et la communication du réseau IENE, un think-tank européen spécialiste des questions « Infrastructures et biodiversité ». Dans ce cadre, la FRB communiquera régulièrement sur des travaux scientifiques liés à ces enjeux.

Les politiques de conservation de la biodiversité en quête de légitimité : cas des parcs nationaux français

Cette publication documente et analyse la manière dont les gestionnaires des parcs nationaux ont cherché à légitimer ces espaces en France et ont identifié deux types principaux de légitimité : la légitimité substantielle, avec la science et le droit comme piliers majeurs, et la légitimité procédurale. La première est profondément ancrée dans la tradition française et a façonné le fonctionnement des parcs nationaux au cours de leurs premières décennies d’existence ; la seconde est arrivée tardivement dans les parcs nationaux français et a été fortement influencée par la publication des lignes directrices européennes relative à l’essor des processus participatifs.

 

Cette publication ne démontre qu’aucune de ces deux légitimités n’est suffisante seule Les parcs nationaux n’ont donc pas d’autre choix que de les combiner sous des formes diverses et avec différents niveaux de succès. L’étude a aussi permis d’éclairer le rôle des scientifiques dans l’évolution de cette légitimité des parcs ainsi que dans la circulation, au niveau européen, de l’information, de l’expertise et de certaines innovations comme l’adoption de la notion de solidarité écologique proposée par des scientifiques français. Les auteurs montrent que, même si la légitimité reste fragile, les tentatives pour surmonter ces tensions et pour combiner les sources de légitimité ont varié d’un parc à l’autre ont généré des innovations intéressantes, comme les bioblitzs, des inventaires naturalistes participatifs.

 

Cette étude contribue également à expliquer la non-linéarité des politiques de conservation qui sont loin d’être simplement mises en œuvre dans les États membres en remplacement ou en complément des systèmes nationaux existants.

 

 

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Un meilleur réseau routier amazonien pour les habitants et l’environnement

Cette étude analyse les impacts environnementaux, sociaux et économiques de 75 projets routiers totalisant 12 000 kilomètres de routes. Le premier constat est que tous les projets, bien que dans des proportions différentes, auront un impact négatif sur l’environnement. 45 % d’entre eux entraîneront également des pertes économiques, sans même compter les externalités sociales et environnementales.

 

Annuler les projets économiquement injustifiés permettrait d’éviter 1,1 million d’hectares de déforestation et d’économiser 7,6 milliards de dollars US de fonds gaspillés pour le développement des projets. Pour le reste des projets qui dépassent le seuil de viabilité économique, les auteurs identifient ceux qui sont comparativement meilleurs non seulement en termes de rendement économique, mais également en termes d’impacts environnementaux. Ils mettent en évidence qu’un ensemble plus restreint de projets pourraient apporter 77 % des avantages économiques attendus pour seulement 10 % des dommages environnementaux et sociaux. Ils démontrent ainsi qu’il est possible de prendre des décisions d’arbitrage efficaces, éclairées par des priorités nationales légitimes.

 

 

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La Fondation pour la recherche sur la biodiversité gère l’animation et la communication du réseau IENE, un think-tank européen spécialiste des questions « Infrastructures et biodiversité ». Dans ce cadre, la FRB communiquera régulièrement sur des travaux scientifiques liés à ces enjeux.

Un « filet de sécurité mondial » pour inverser la perte de biodiversité et stabiliser le climat de la Terre

Le « filet de sécurité mondial » décrit comment une conservation étendue de la nature répond à ces deux menaces globales. Les auteurs identifient 50% du domaine terrestre qui, s’il était conservé, inverserait la tendance future à la perte de biodiversité, empêcherait les émissions de CO2 dues au changement d’usage des terres et renforcerait le stockage naturel du carbone. Ce cadre de réflexion montre que, au-delà des 15,1% de terres actuellement protégées, 35,3% des terres sont nécessaires pour assurer la conservation de sites supplémentaires d’une importance particulière pour la biodiversité et stabiliser le climat. Cinquante écorégions et 20 pays contribuent de manière majeure aux objectifs proposés. Les terres autochtones s’imbriquent largement dans le filet de sécurité mondial. La conservation du filet de sécurité mondial pourrait aider la santé publique en réduisant à l’avenir le risque d’émergence de maladies zoonotiques comme la Covid-19.

 

Alors que les crises simultanées de la perte de biodiversité et du changement climatique ont généralement été abordées séparément, il existe une même solution clé pour deux des défis les plus urgents de notre époque : conserver suffisamment de nature et aux bons endroits.

 

 

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#ScienceDurable – Du déclin au rétablissement de la biodiversité : l’urbanisation et l’avenir de la conservation de la biodiversité

Pour inverser les tendances dramatiques actuelles, l’Ipbes, dans son évaluation mondiale de la biodiversité et des services écosystémiques, pose la question du rôle de la démographie humaine et de la perpétuation de systèmes de production non durables et appelle à des changements systémiques majeurs.

Peu de personnes informées doutent encore aujourd’hui de la nécessité d’une réflexion de fond sur l’évolution de nos stratégies socio-économiques comme cadre conceptuel pouvant guider l’action en faveur de la biodiversité et parallèlement du climat. Les scénarios démographiques et socio-économiques prennent alors toute leur importance pour évaluer le futur de la biodiversité et la pertinence des orientations politiques qui permettront de la sauvegarder. Qui dit orientations politiques, dit choix de société et donc nécessité d’une libre expression et d’un libre choix des citoyens. Même si la science ne porte pas une vérité, mais des théories et des hypothèses fondées sur l’analyse des données, elle doit être un élément majeur pour éclairer tant l’opinion que les décideurs.

 

Dans ses efforts de « porté à connaissance », la FRB se doit d’apporter sa contribution aux riches et intenses débats en cours. la Fondation a proposé la transcription d’un article issu des réflexions de trois « conservationnistes » américains, Sanderson, Walston et Robinson.

Pour résumer de manière très simplifiée, les auteurs disent que l’évolution de la démographie humaine et des consommations va conduire à un déclin majeur de la biodiversité d’ici 2050, rejoignant ainsi beaucoup de scénarios actuels dont ceux figurés dans le rapport de l’Ipbes, mais que la tendance croissante à l’urbanisation de la planète va conduire, par des processus multiples, à une stabilisation et même une décroissance de la démographie humaine et que ce qu’ils considèrent comme l’efficacité environnementale plus grande des villes aura un impact positif sur l’environnement et permettra à termes le rétablissement de la biodiversité.

 

En effet, d’ici 100 ans, les tendances de développement montrent également que l’essentiel de l’humanité vivra dans les villes et les agglomérations dans une économie de marché interconnectée et fondée sur la technologie. Un des scénarios crédibles est que la population humaine stagne ou diminue aux environs de 6 à 8 milliards de personnes et que leur concentration dans les villes entrainera des changements socio-environnementaux important et notamment, la diminution de l’extrême pauvreté, une meilleure maîtrise de la fécondité et une évolution des modes de vie et de pensée. Le modèle quantitatif développé dans l’étude de Sanderson et al., montre tout d’abord des impacts négatifs sur la biodiversité, entrainés par ces changements, puis une inversion de la tendance avec des impacts positifs sur l’environnement. Ainsi, bien qu’il soit parfaitement clair que les impacts environnementaux augmentent au fur et à mesure que les sociétés traversent la transition démographique et s’urbanisentla transition en cours de la fécondité et la réduction de la pauvreté résultant de l’urbanisation suggèrent la perspective d’une stabilisation éventuelle et d’une réduction à long terme des impacts globaux sur l’environnement.

 

 

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La diversité des espèces hôtes de pathogènes susceptibles d’être transmis à l’Homme augmente dans les écosystèmes dominés par celui-ci

Toutefois, il n’avait pas encore été formellement démontré que ces perturbations locales entraînent des changements prévisibles dans la diversité spécifique locale (nombre d’espèces) et la composition taxonomique des hôtes réservoirs potentiels (diversité des hôtes de pathogènes). Ce phénomène pourrait trouver son explication dans les différences de résilience des espèces aux pressions exercées par l’homme, c’est-à-dire leur capacité d’adaptation aux pressions anthropiques.

 

Pour obtenir ces résultats, les auteurs ont analysé 6 801 assemblages d’espèces et 376 espèces hôtes dans le monde entier, en tenant compte des biais apportés par les efforts de recherche qui portent préférentiellement sur certaines espèces. Ils ont ainsi démontré que l’utilisation des terres a partout et systématiquement les mêmes effets sur les communautés des hôtes réservoirs potentiels. Globalement, il y a plus d’espèces sauvages connues pour être des hôtes d’agents pathogènes et de parasites partagés avec l’Homme dans les sites soumis à une utilisation humaine importante (écosystèmes modifiés, agricoles et urbains) par rapport aux habitats voisins non perturbés (18-72 % de plus) et elles y sont plus abondantes (21-144 % de plus). L’ampleur de cet effet est encore plus forte pour les rongeurs, les chauves-souris et les passereaux : ce qui peut expliquer pourquoi ces taxons sont très représentés en tant que réservoirs zoonotiques.

 

Par ailleurs, les auteurs démontrent que les espèces de mammifères qui abritent globalement le plus d’agents pathogènes (partagés ou non avec l’Homme) sont également les plus susceptibles de se trouver dans des écosystèmes gérés par l’Homme. Cela suggère que la présence de ces espèces dans ces milieux peut être influencée par leurs caractères écologiques ou leurs traits de vie qui ont une incidence à la fois sur leur statut d’hôte et sur leur tolérance aux perturbations humaines.

 

Enfin, les chercheurs alertent sur le fait que les changements globaux et l’intensité de l’utilisation des terres multiplient les interfaces dangereuses entre les populations humaines, le bétail et la faune sauvage et donc sur un risque accru de zoonoses.

 

La synthèse complète est disponible dans le ressources téléchargeables ci-dessous. 

 

Approche systémique des conséquences (avantages et inconvénients) de l’abattage de la faune sauvage comme méthode de gestion des maladies infectieuses

Fort de ce principe, la stratégie d’élimination de ces hôtes sensibles apparaît comme un moyen de gestion a priori pertinent, lorsqu’il s’agit de réservoirs animaux. Encore fortement utilisée, cette méthode est néanmoins de plus en plus remise en question, en termes d’éthique, de protection animale et de protection de l’environnement. La récente publication de Miguel et al. explore les avantages et inconvénients de l’abattage des animaux sauvages, y compris ses effets contre-productifs sur la dynamique de la maladie elle-même, et propose des solutions alternatives pour le contrôle des maladies.

Les conditions environnementales extrêmes réduisent la biodiversité et la productivité des poissons des récifs coralliens

Pourquoi trouve-t-on certaines espèces dans un milieu donné alors que d’autres, qui leur ressemblent, en sont absentes ? Comment l’assemblage des espèces présentes affecte les dynamiques des processus écologiques de ce milieu ?
Ce sont à ces questions cruciales pour la conservation de la biodiversité et des services écosystémiques qu’a souhaité répondre une équipe de chercheurs, dont les résultats ont été publiés dans Nature communications le 31 juillet 2020. Plus précisément, leur étude s’est intéressée aux organismes tropicaux ectothermes1 considérés comme vulnérables aux changements environnementaux. En effet, les effets de ces changements, notamment sur l’assemblage et le fonctionnement des communautés de poissons des récifs coralliens, sont aujourd’hui encore largement méconnus. L’équipe de recherche a donc étudié les différentes caractéristiques des poissons de récifs cryptobenthiques2 vivant dans les récifs coralliens les plus chauds et extrêmes du monde situés dans le sud du golfe Persique3 et ceux voisins, mais un peu plus cléments, du golfe d’Oman.

 

Malgré une composition benthique et une couverture corallienne comparables, cette étude révèle que le nombre d’espèces de poissons du golfe Persique est divisé par deux et le nombre d’individus de ce même golfe par quatre, par rapport à celui d’Oman. Cette importante différence semble être due à des carences énergétiques chez les poissons : la disponibilité des proies est différente dans les environnements extrêmes, les températures y sont plus élevées et affectent par exemple la disponibilité en oxygène dans l’eau, etc. Des conditions environnementales plus difficiles, telles qu’attendues pour la fin du 21e siècle, pourraient donc fortement perturber la structure et la productivité des poissons de récifs coralliens indépendamment du déclin des récifs coralliens.

 

[1] Les animaux ectothermes sont ceux qui ne produisent pas de chaleur interne (insectes, reptiles, poissons, etc.).

[2] Les poissons cryptobenthiques sont ceux vivant cachés sur les fonds marins (du latin crypto : « se cacher » et benthos : fond, profondeur).

[3] L’article réfère au golfe Arabique ou Arabo-Persique mais les auteurs de la synthèse ont choisis d’utiliser le terme choisi par l’ONU, à savoir golfe Persique

 

 

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Comment les associations mycorhiziennes orientent les populations végétales et la biologie des communautés ?

Les associations entre les plantes et les champignons symbiotiques, autrement appelés mycorhizes, sont omniprésentes dans les communautés végétales. Tedersoo et al. ont passé en revue les développements récents de la recherche mycorhizienne, révélant la nature complexe et universelle de ces interactions largement invisibles. Des réseaux complexes d’hyphes mycorhiziens relient les systèmes racinaires de chaque plante, régulant le flux de nutriments et les interactions compétitives entre et au sein des espèces végétales, contrôlant l’établissement des semis et, finalement, influençant tous les aspects de l’écologie et de la coexistence des communautés végétales. Les auteurs présentent une synthèse des connaissances les plus récentes sur associations mycorhiziennes, les interactions plante-plante et la spécialisation écologique. Ils concluent que les associations mycorhiziennes affectent directement ou indirectement la dispersion et la compétition des plantes qui façonnent les populations et les communautés végétales et régulent la coexistence et la diversité des plantes à l’échelle locale.

 

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Incidence du changement climatique sur la biodiversité dans les écosystèmes forestiers et littoraux d’Europe et d’Afrique

Si on prend comme référence le scénario 8.5 du Giec, en Europe, d’ici 2085, 31 à 42 % de la surface du continent devrait être couverte par un type de végétation différent. Le changement climatique entraîne aussi un déplacement des espèces avec une floraison et une maturité plus précoce chez de nombreuses plantes, des périodes de migration et de reproduction modifiées chez certains animaux, pouvant créer un décalage temporel entre le cycle de vie des espèces et le pic d’abondance de leurs ressources alimentaires.

 

Le pourtour méditerranéen est le territoire qui suscite les plus “graves préoccupations” pour la conservation de la biodiversité. Il est en effet considéré comme l’une des régions du monde les plus sensibles au changement global. Ses écosystèmes souffriront notamment de l’augmentation de la température, des changements de précipitations, de l’augmentation des sécheresses et des incendies.

 

Sur le continent Africain, les publications scientifiques récentes confirment la trajectoire en cours vers des “niveaux de réchauffement catastrophiques”. Les températures devraient y augmenter plus vite qu’à l’échelle mondiale. Or ce continent regroupe 25 % des points chauds de biodiversité mondiaux.

 

Aujourd’hui, ni en Europe, ni en Afrique, la localisation et la délimitation des aires protégées ne sont adaptées pour correspondre aux changements à venir d’aires de répartition des espèces. Les barrières géographiques empêchent la dispersion des espèces et limitent leur adaptation au changement climatique. La littérature scientifique indique qu’il est essentiel de conserver et développer les continuités écologiques qui jouent un rôle de corridors climatiques et d’éviter toute création de nouvelles infrastructures qui viendraient réduire encore davantage la capacité de dispersion des espèces.

 

Consulter la synthèse complète dans l’onglet “Ressource téléchargeable” ci-après.

Modélisation de niche écologique pour prédire le risque de leishmaniose cutanée dans les forêts néotropicales humides

Prédire l’apparition et la diffusion de ces maladies infectieuses constitue un défi majeur. Bien que les scientifiques disposent d’outils pour établir des cartes de risques, pouvant être utilisées par les autorités publiques, la conception de ces cartes peut être très difficile dans le cadre des systèmes infectieux à cycles complexes, tels que la leishmaniose cutanée. Cela est dû notamment à de nombreuses interactions entre les différentes espèces, hôtes et vecteurs, ainsi qu’a une hétérogénéité spatiale et temporelle importante de réponses en termes de morbidité et de mortalité.

 

Les travaux visaient à identifier les corrélations entre les foyers d’infection et les activités humaines afin de définir les zones présentant un risque d’infection humaine élevé. Les chercheurs ont ainsi produit des cartes de risques avec un soutien statistique élevé.

 

La présente étude a mis en évidence l’importance de l’impact de l’Homme sur l’environnement dans la détermination des zones à risque de leishmaniose cutanée humaine par rapport aux facteurs climatiques et écologiques habituellement décrits.

 

  • Dans la région amazonienne, les cinq variables expliquant le mieux la probabilité d’occurrence de cas de leishmaniose cutanée sont la densité de la population humaine (30,8 % de la contribution), l’empreinte humaine (30,2 %), la température saisonnière (18,9 %), la richesse en espèces de mammifères (13,8 %) et la biomasse aérienne (6,3 %).
  • En Guyane, les variables expliquant le plus grand nombre de cas de leishmaniose cutanée étaient donc l’empreinte humaine (70,1 % de la contribution), les températures diurnes moyennes (15,4 % des cas) et les précipitations du trimestre le plus humide (9,2 % de la contribution).

 

Cette étude souligne donc l’importance de la prise en compte des facteurs anthropiques pour l’évaluation du risque de maladie infectieuse et parasitaire chez l’homme. 

 

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La densification urbaine est-elle favorable au maintien de la biodiversité ?

A l’occasion de la rencontre « Acteurs-Chercheurs Biodiversité Aménagement urbain et morphologie » organisé par le Plan urbanisme construction architecture (Puca) dans le cadre du programme de recherche Biodiversité, aménagement urbain et morphologie (Baum), la FRB met en avant la question de la densification urbaine et du maintien de la biodiversité en proposant la synthèse d’une étude publiée dans la revue Urban Ecosystem en 2014 intitulée : « La densification urbaine peut-elle limiter l’érosion de la biodiversité ? Réponses des assemblages de coléoptères carabidés et d’araignées dans l’Ouest de la France. ».

 

Contrairement à une idée répandue, les résultats de cette étude montrent que la densification urbaine est un élément qui peut contribuer au maintien d’une certaine biodiversité en ville. L’objectif est d’évaluer l’impact de deux types de formes urbaines, les quartiers de conception conventionnelle (aux maisons individuelles avec jardins) et ceux de conception nouvelle (aux maisons mitoyennes plus denses avec une attention portée aux connectivités écologiques), sur deux groupes d’arthropodes dans un seul type d’habitat, les haies.

 

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Qu’est-ce que les « microbes » ont à voir avec l’équité sociale ?

La qualité de notre microbiote aurait-elle un lien avec l’équité sociale ? C’est ce qu’affirme une étude parue en novembre dernier dans la revue Plos One. L’accès aux soins périnatals, à la nourriture ou encore à nos lieux de vie sont autant de facteurs qui déterminent notre relation aux microbes. Il est ainsi prouvé que l’exposition microbienne environnementale provenant notamment du sol, de l’eau et des plantes façonne notre santé et réduit certaines de nos maladies comme l’asthme ou les allergies dont l’augmentation dans nos sociétés urbaines occidentales serait liée à notre déconnexion à la nature et au manque de stimulation du système immunitaire. Dans ce contexte, les liens entre “microbes et équité sociale” s’enracinent sur les nouvelles connaissances relatives aux services écosystémiques vitaux que nous retirons des microorganismes. Ainsi, l’inégalité sociale lorsqu’elle entrave l’accès à la biodiversité, entrave également l’accès à la microbiodiversité et à ses avantages pour la santé.

 

Les connaissances actuelles nous permettraient d’élaborer de meilleures politiques sociales ou de faire de meilleurs choix de santé.

 

La synthèse complète est téléchargeable dans les ressources ci-dessous.

Les scientifiques alertent l’humanité sur les liens entre microorganismes et changement climatique

À l’occasion des 60 ans du BRGM, service géologique national et membre fondateur de la FRB, la FRB revient sur l’importance cruciale des microorganismes en mettant en avant une synthèse parue au mois de juin dernier dans la revue Nature et intitulée : « Les scientifiques alertent l’humanité sur les liens entre microorganismes et changements climatiques ».

 

Cette synthèse de connaissances rappelle le rôle central des microorganismes dans les causes biologiques du changement climatique. Elle montre comment ceux-ci affectent le climat mais aussi comment, par rétroaction, ils sont affectés par les changements globaux.

 

Les auteurs appellent à ce que cette « majorité microscopique » ne soit plus « l’éléphant invisible dans la pièce ». Les enjeux sont trop importants : intégrer leur fonctionnement, c’est se permettre de comprendre comment les êtres vivants peuvent s’adapter aux changements climatiques. À défaut, la science n’aura qu’une compréhension limitée de la biosphère et de ses réponses à ces changements, ce qui compromettra les efforts déployés dans ce domaine pour créer un avenir écologiquement durable.

 

Retrouvez la synthèse complète dans les ressources téléchargeables ci-dessous. 

 

 

Pour en savoir plus, vous pouvez également consulter l’article publié dans la collection Regards de la SFE2 : “R89 : Les sols à l’heure du changement climatique, par N. Fromin, T. Chevallier et A. Robin

Du déclin au rétablissement de la biodiversité : l’urbanisation et l’avenir de la conservation de la biodiversité

Pour inverser les tendances dramatiques actuelles, l’Ipbes, dans son évaluation mondiale de la biodiversité et des services écosystémiques, pose la question du rôle de la démographie humaine et de la perpétuation de systèmes de production non durables et appelle à des changements systémiques majeurs.

Peu de personnes informées doutent encore aujourd’hui de la nécessité d’une réflexion de fond sur l’évolution de nos stratégies socio-économiques comme cadre conceptuel pouvant guider l’action en faveur de la biodiversité et parallèlement du climat. Les scénarios démographiques et socio-économiques prennent alors toute leur importance pour évaluer le futur de la biodiversité et la pertinence des orientations politiques qui permettront de la sauvegarder. Qui dit orientations politiques, dit choix de société et donc nécessité d’une libre expression et d’un libre choix des citoyens. Même si la science ne porte pas une vérité, mais des théories et des hypothèses fondées sur l’analyse des données, elle doit être un élément majeur pour éclairer tant l’opinion que les décideurs.

Dans ses efforts de « porté à connaissance », la FRB se doit d’apporter sa contribution aux riches et intenses débats en cours. L’an dernier, la transcription de l’article de Cazalis, Loreau et Henderson « Devons-nous choisir entre nourrir l’humanité et protéger la nature ? Modélisation des liens entre l’environnement et la démographie humaine » avait apporté un éclairage original. Ses conclusions montraient qu’un avenir souhaitable pour l’Humanité passait par la recherche d’un équilibre entre la production alimentaire et les services de régulation et, idéalement, le maintien de la population humaine à 10 milliards de personnes. Lors de la première « Nuit de la biodiversité », nous nous sommes en particulier interrogés sur la question de savoir si les solutions préconisées par les scientifiques pour enrayer le déclin de la biodiversité seront applicables tout en préservant nos systèmes et libertés politiques. Pour poursuivre la contribution à ces réflexions majeures dans une optique aussi ouverte que possible, la FRB propose la transcription d’un article issu des réflexions de trois « conservationnistes » américains, Sanderson, Walston et Robinson.

 

Pour résumer de manière très simplifiée, les auteurs disent que l’évolution de la démographie humaine et des consommations va conduire à un déclin majeur de la biodiversité d’ici 2050, rejoignant ainsi beaucoup de scénarios actuels dont ceux figurés dans le rapport de l’Ipbes, mais que la tendance croissante à l’urbanisation de la planète va conduire, par des processus multiples, à une stabilisation et même une décroissance de la démographie humaine et que ce qu’ils considèrent comme l’efficacité environnementale plus grande des villes aura un impact positif sur l’environnement et permettra à termes le rétablissement de la biodiversité.

En effet, d’ici 100 ans, les tendances de développement montrent également que l’essentiel de l’humanité vivra dans les villes et les agglomérations dans une économie de marché interconnectée et fondée sur la technologie. Un des scénarios crédibles est que la population humaine stagne ou diminue aux environs de 6 à 8 milliards de personnes et que leur concentration dans les villes entrainera des changements socio-environnementaux important et notamment, la diminution de l’extrême pauvreté, une meilleure maîtrise de la fécondité et une évolution des modes de vie et de pensée. Le modèle quantitatif développé dans l’étude de Sanderson et al., montre tout d’abord des impacts négatifs sur la biodiversité, entrainés par ces changements, puis une inversion de la tendance avec des impacts positifs sur l’environnement. Ainsi, bien qu’il soit parfaitement clair que les impacts environnementaux augmentent au fur et à mesure que les sociétés traversent la transition démographique et s’urbanisent, la transition en cours de la fécondité et la réduction de la pauvreté résultant de l’urbanisation suggèrent la perspective d’une stabilisation éventuelle et d’une réduction à long terme des impacts globaux sur l’environnement.

 

La synthèse complète est à découvrir dans les ressources téléchargeables ci-dessous. 

Énergie renouvelable et biodiversité : les implications pour parvenir à une économie verte

En raison de leur rôle crucial dans la lutte contre le changement climatique, les filières de production d’énergie à partir de sources dites « renouvelables » sont souvent implicitement considérées comme favorables à l’environnement alors qu’elles ont toute des impacts, plus ou moins importants sur la biodiversité et les écosystèmes, ainsi que le démontre cette revue de la littérature qui a analysé plus de 500 références scientifiques.

 

Les impacts sont variés, mais ils seront d’autant plus importants que ces solutions énergétiques seront déployées à grande échelle pour permettre une transition rapide vers une économie verte. Si ces pressions varient considérablement entre les différentes filières et les contextes environnementaux dans lesquels elles opèrent, l’impact majeur, commun à toutes les filières, est la perte ou la modification des habitats. Mais d’autres effets négatifs existent comme les traumatismes parfois mortels, la pollution, l’émission de gaz à effet de serre, la compétition pour les usages de l’eau ou encore l’induction de comportement d’évitement, les invasions biologiques ou la modification des micro-climats locaux qui perturbent les écosystèmes.

 

Consultez la synthèse complète dans les ressources ci-dessous.

 

Le résumé des effets négatifs et positifs par filière listés dans la revue est présenté ci-après :

 

Énergie solaire

 

Effets négatifs sur la biodiversité

  • Perte ou fragmentation des habitats : c’est l’effet sur la biodiversité le mieux documenté
  • Collision des oiseaux avec les installations
  • Brûlures occasionnées aux oiseaux exposés aux flux solaires intenses. Ceci pourrait occasionner la mort de milliers d’oiseaux
  • Pollution des masses d’eau à partir de produits chimiques toxiques utilisés pour le traitement des panneaux solaires et des sols (herbicides)
  • Utilisation croissante de l’eau (en particulier dans les déserts)
  • Attraction et désorientation des insectes et des oiseaux causés par une lumière intense ou polarisée
  • Piège écologique en raison de mécanismes attracteurs cumulatifs
  • Perturbation du micro-climat local

 

Effets positifs possibles pour la biodiversité

  • Fourniture de zones de couverture ou d’habitat et d’alimentation (par exemple, pâturages) pour certains animaux

 

Énergie éolienne terrestre

 

Effets négatifs sur la biodiversité

  • Collision d’oiseaux et de chauves-souris avec des éoliennes.Comme pour les oiseaux les risques ne concernent pas seulement les espèces locales, mais aussi les espèces migratrices
  • Traumatismes internes (barotrauma) chez les chauves-souris associés à des réductions soudaines de pression de l’air à proximité des pales
  • Perturbation des voies migratoires pour certaines espèces d’oiseaux et de chauves-souris : c’est une des incidences les mieux documentées et le plus étudiées

 

Effets positifs possibles pour la biodiversité

  • Constitution de territoires favorables pour certaines espèces terrestres en raison de la réduction du trafic, de la disponibilité en ressources alimentaires et de la réduction de prédateurs

 

Énergie hydraulique

 

Effets négatifs sur la biodiversité

  • Disparition d’écosystèmes (lors de la mise en eau des barrages) y compris les réserves naturelles, fragmentation des habitats
  • Perturbation des flux hydriques en amont et en aval des installations hydroélectrique
  • Perturbation des voies migratoires de certaines espèces de poissons
  • Détérioration de la qualité de l’eau en raison des changements dans la charge en sédiments, la turbidité et l’eutrophisation
  • Émissions de GES par les réservoirs qui contribuent au changement climatique anthropique

 

Effets positifs possibles pour la biodiversité

  • Création de nouveaux habitats ou de nouveaux écosystèmes

 

Bioénergie

 

Effets négatifs sur la biodiversité

  • Perte, fragmentation, simplification et homogénéisation des habitats en raison de la mise en place de monocultures intensives et pertes de biodiversité associées
  • Pollution du sol et de l’eau associée à l’utilisation d’engrais et pesticides qui provoque toxicité et eutrophisation,
  • Emissions de polluants dans l’air ambiant qui contribuent à l’acidification et à la formation d’ozone troposphérique, émission de GES pendant tout le cycle de vie de la production de bioénergie qui contribue au changement climatique anthropique
  • Modification des micro-climats locaux en raison des changements dans l’albédo et l’évapotranspiration
  • Concurrence avec la végétation indigène de certaines espèces utilisées comme matières premières (par exemple, Eucalyptus, Miscanthus)

 

Effets positifs possibles pour la biodiversité

  • Fourniture d’habitat, alimentation et autres services écosystémiques de soutien par certaines surfaces recouvertes de plantes énergétiques (par exemple : Miscanthus, Panicum virgatum –switchgrass-)

 

Énergie des mers

 

Effets négatifs sur la biodiversité

  • Perturbations des milieux liées à la construction des installations d’énergie océanique, (par exemple pollution sonore qui affecte certaines espèces aquatiques, en particulier les mammifères marins)
  • Perte ou changement d’habitats associés à la mise en place des fondations des installations ancrés dans le fond marin, la mise en eau permanente des portions des estuaires situés en amont des structures marémotrices, la modification des processus hydrodynamiques et de sédimentation
  • Augmentation de la turbidité dans la colonne d’eau due aux perturbations des fonds marins, changements dans la salinité, afflux d’eau plus oxygénée dans les structures marémotrices
  • Pollution électromagnétique associée aux câbles sous-marins et chimique provenant de lubrifiants et peintures toxiques
  • Changement de composition des communautés de poissons benthiques en raison de pertes d’habitats
    Perturbation des déplacements et de l’alimentation des espèces locales et migratrices
  • Mortalités d’espèces dans les structures marémotrices, collision des oiseaux avec les éoliennes marines et des espèces aquatiques avec des dispositifs utilisant l’énergie des vagues
  • Mortalité des poissons tropicaux en raison des chocs thermiques générés par certaines installations

 

Effets positifs possibles pour la biodiversité

  • Protection de la biodiversité par la création de zones interdites d’accès aux activités de pêche et de transport (par exemple les champs d’éoliennes marines)
  • Abris pour certaines espèces notamment autour des parcs éoliens marins et les infrastructures basées sur l’exploitation des vagues et des marées

 

Énergie géothermique

 

Effets négatifs sur la biodiversité

  • Perte d’habitat pendant la conversion des zones naturelles en installations géothermiques
  • Changement d’habitat au cours du déboisement du site, de la construction de routes, du forage des puits et des sondages sismiques qui affecte les processus de reproduction, de recherche de nourriture et de migration de certaines espèces
  • Émissions de polluants toxiques tels que le H2S, l’arsenic et l’acide borique qui peuvent défolier les plantes ou être incorporés par les organismes
  • Pollution par le bruit et la chaleur des installations géothermiques

 

La revue propose aussi pour chaque filière des mesures d’atténuation permettant d’éviter, minimiser, restaurer ou compenser les impacts, la plus emblématique d’entre elle étant la localisation des installations dans les zones à faible biodiversité, mais le choix de technologies moins impactantes, la planification en amont incluant des procédures de préservation de la biodiversité ou la mise en place systématique d’éléments favorables à la biodiversité au sein ou autour des infrastructures est aussi recommandé. Les auteurs préconisent également de profiter des emprises territoriales, parfois importantes, de ces infrastructures pour créer et maintenir des réserves naturelles dans lesquelles les activités humaines sont réduites.

Un important travail reste à conduire pour renforcer l’acquisition de connaissances sur les impacts réels de ces filières sur les différents compartiments de la biodiversité (des espèces aux écosystèmes) et développer des outils d’évaluation pertinents et efficients.

En effet, la transition énergétique ne pourra se passer de l’exploitation des ressources énergétiques renouvelables. Il est donc essentiel que son développement et les politiques publiques associées prenne en compte la biodiversité. Ceci est d’autant plus crucial que le développement à grande échelle de la transition vers une économie verte démultipliera, parfois de façon exponentielle les effets directs et indirects de ces filières sur l’environnement en général et la biodiversité en particulier.

Renard et risque de transmission de la maladie de Lyme : un effet en cascade

Dans le monde, l’incidence des maladies dites vectorielles (c’est-à-dire transmises par un vecteur vivant à l’Homme ou à l’animal) a augmenté ces dernières décennies. C’est le cas pour les maladies à tiques dans le nord-ouest de l’Europe (maladies transmises par Ixodes ricinus) et dans le nord-est des États-Unis (Ixodes scapularis).

Certaines de ces maladies sont très invalidantes, comme c’est le cas pour la maladie de Lyme.

 

C’est ainsi que les résultats de recherche de l’équipe de Tim R. Hofmeester de l’Université de Wageningen menés sur 20 parcelles forestières aux Pays-Bas, démontrent que l’activité des prédateurs, en régulant les populations de rongeurs porteurs peuvent abaisser le nombre de tiques dans un écosystème et que moins il y a de tiques, moins elles sont elles-mêmes infestées par des pathogènes comme la bactérie responsable de la maladie de Lyme.

 

La mise en évidence de ce phénomène n’est pas nouvelle. Dès 2012, Levy et al.1 avait démontré que si l’émergence de la maladie de Lyme en Amérique du Nord était due à l’augmentation de la population de cerfs, l’augmentation rapide de l’incidence de la maladie dans le nord-est et le mid-ouest des USA ces 30 dernières années, était due à la diminution du renard roux prédateur spécialiste des rongeurs, hôtes privilégié pour la majorité des tiques.

Cette étude montre le rôle important des prédateurs dans la régulation des populations animales et les possibles effets en cascade induits par un déséquilibre de l‘écosystème. Il manquait néanmoins la confirmation de ces résultats par des données en situation réelle, sur le terrain, ce que s’est attaché à faire la présente étude.

Néanmoins cette étude est la première à établir, par des analyses de terrain, une corrélation négative entre l’activité des prédateurs, la densité totale des nymphes et la densité des nymphes infectées pour trois agents pathogènes transmissibles par les tiques. Elle confirme donc que des changements dans l’abondance des prédateurs ont des effets en cascade sur la transmission des pathogènes entre différentes espèces hôtes et que la protection des espèces prédatrices telles que le renard roux, la fouine ou le putois est une solution fondée sur la nature pour diminuer la prévalence des maladies transmises par les tiques.

 

  • Consultez la synthèse dans les ressources ci-dessous. 

 

 

Zoom sur la maladie de Lyme

La maladie de Lyme a été décrite pour la première fois en Suède en 1909 sous forme d’un érythème chronique migrant (une tâche annulaire rougeâtre qui grandit lentement). La première vraie épidémie associant polyarthrite et érythème migrant a été diagnostiquée en 1972 dans la ville de Lyme dans le Connecticut, mais il a fallu attendre 1982 pour qu’un médecin américain, Willi Burgdorfer isole la bactérie qui sera nommée Borrelia burgdorferi.

Les tiques vivent dans les zones boisées et humides et sont endémiques en France.

 

Chez l’Homme, la maladie se développe pendant plusieurs années, tout d’abord sous forme de symptômes cutanés (l’érythème migrant), puis neurologiques (raideurs de la nuque, céphalées, vomissements), avec éventuellement des douleurs articulaires ou des problèmes cardiaques.
Le nombre de cas avoisine les 27 000 chaque année, ce qui a conduit le ministère de la santé à publier en 2016, le plan national de lutte contre la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques.

 

1. Levi T, Kilpatrick MA, Mangel M, Wilmers CC (2012). Deer, predators, and the emergence of Lyme disease. Proceedings National Academy of Sciences USA 109: 10942–10947.

Vertébrés continentaux : la sixième extinction est en marche

L’étude alarmante, publiée le 10 juillet dans les Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS) et qui conclue à l’accélération de la sixième extinction des vertébrés continentaux, a largement été relayée dans les médias.

 

Dans un résumé court et précis, Philippe Gros, directeur scientifique à l’Ifremer et membre du conseil scientifique de la FRB, revient sur les points scientifiques majeurs de l’article et le compare à celui de David Tilman et al. sur la Prédiction des menaces futures sur la biodiversité et pistes pour les réduire dont la synthèse a été réalisée par Jean-François Silvain, directeur de recherche à l’IRD et président de la FRB.

 

Consultez la synthèse dans les ressources ci-dessous. 

L’éclairage nocturne, une nouvelle menace pour la pollinisation

Les pollinisateurs sont en déclin dans le monde entier, ce qui génère des inquiétudes quant à la diminution, en parallèle, du service de pollinisation qu’ils fournissent à la fois aux cultures et aux plantes sauvages et qui est essentiel. Les facteurs anthropiques liés à ce déclin incluent les changements d’habitats, l’agriculture intensive, les pesticides, les espèces exotiques envahissantes, la propagation des agents pathogènes et le changement climatique.

 

Les conséquences de cette augmentation de l’éclairage nocturne sur le fonctionnement des écosystèmes sont généralement inconnues, or il a été suggéré récemment que l’augmentation mondiale et rapide des éclairages artificiels nocturnes pourrait constituer une nouvelle menace pour les écosystèmes terrestres.

 

L’article l’éclairage artificiel nocturne, une nouvelle menace pour la pollinisateurs d’Eva Knop et al montre que l’éclairage artificiel perturbe les réseaux nocturnes de pollinisation et a des conséquences négatives sur le succès reproducteur des plantes.

 

Si on éclaire artificiellement des communautés plantes-pollinisateurs, les visites nocturnes des pollinisateurs sur les plantes sont réduites de 62 % par rapport aux zones non éclairées. Il en résulte une réduction globale de 13 % du nombre de fruits d’une plante particulière, alors même que cette plante a également reçu de nombreuses visites de pollinisateurs diurnes.

 

Ces résultats démontrent également que l’éclairage artificiel de nuit affecte les pollinisateurs nocturnes au point d’entrainer une production de fruits plus faible des plantes qu’ils pollinisent, pouvant affecter en retour les pollinisateurs diurnes, étant donné que ces plantes représentent une source alimentaire importante pour eux.

 

L’article fournit des perspectives sur le fonctionnement des communautés de pollinisateurs et démontre que les pollinisateurs nocturnes ne sont pas redondants par rapport aux communautés diurnes.

 

Ces résultats contribuent à améliorer notre compréhension du déclin des pollinisateurs et de leurs services écosystémiques.

 

La pollinisation par les animaux est essentielle au fonctionnement des écosystèmes naturels, notamment aux communautés de plantes sauvages et apporte un service écosystémique crucial pour l’approvisionnement alimentaire mondial. 88 % de toutes les angiospermes en dépendent à des degrés divers et la valeur économique estimée de la pollinisation était de 361 milliards de dollars américains en 2009.

 

L’inquiétude porte sur le devenir de la pollinisation assurée par les insectes qui pourrait être menacée en raison d’une baisse mondiale des pollinisateurs sauvages et domestiques consécutivement aux activités humaines. Les principaux facteurs à l’origine de ce déclin sont la perte et la dégradation des habitats, l’agriculture conventionnelle intensive, incluant l’utilisation de pesticides, les espèces exotiques envahissantes, les organismes nuisibles et les agents pathogènes et les changements climatiques.

 

 

Le résumé de Philippe Gros et la synthèse de Jean-François Silvain sont téléchargeables dans les ressources ci-dessous. 

Spécificité nationale des effets des néonicotinoides sur les abeilles domestiques et sauvages

Les néonicotinoïdes sont des insecticides, c’est-à-dire des produits chimiques dont l’objectif est de tuer des insectes dit « cibles », ravageurs des monocultures commerciales modernes. Les molécules comme le thiamethoxam, l’imidaclopride ou le clothianidine sont des insecticides systémiques, c’est-à-dire qu’elles percolent dans les tissus des plantes traitées, soit directement par enrobage des semences, soit par épandage sur les sols.

 

Les connaissances sur la responsabilité des néonicotinoïdes au déclin des pollinisateurs sont de plus en plus nombreuses. Néanmoins, même si de nombreuses études ont démontré les effets toxiques des néonicotinoïdes sur les pollinisateurs et autres espèces animales, ou encore leurs effets négatifs sur la santé des abeilles y compris à des doses sub-létales, il est toujours délicat de discriminer leurs effets spécifiques de ceux d’autres pressions comme la perte des habitats, le changement climatique ou les pathogènes. Par ailleurs, si certaines études ont démontré que ces molécules augmentaient la mortalité des colonies d’abeilles domestiques en réduisant leur capacité à entretenir la ruche et le succès reproductif des bourdons sauvages et des abeilles solitaires, d’autres n’ont décelé aucun effet. Peu d’informations sont disponibles sur la survie des colonies sur le long terme dans un contexte d’exposition à ces pesticides. Il est en effet difficile de déterminer à quel point ces molécules affectent les abeilles et plus largement leurs colonies sur le long terme.

 

Les principales critiques portées aux études antérieurs sur les néonicotinoïdes étaient que les expérimentations n’avaient pas été conduites dans des conditions d’exposition réalistes, similaires à celles retrouvées au champ. De plus, les études toxicologiques n’utilisaient ni des doses d’insecticides ni des durées d’exposition réalistes, ces doses et durées n’ayant jamais été réellement quantifiées alors qu’elles constituent deux paramètres clés pour établir des liens de cause à effet. Ces différents éléments d’incertitude ont été repris dans l’évaluation relative à la pollinisation, les pollinisateurs et la sécurité alimentaire, publiée en 2016 par la plate-forme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques.

 

Dans ce contexte de présomption d’effets négatifs avérés des insecticides néonicotinoïdes sur les abeilles, qui a conduit à l’interdiction de ces produits en France (loi du16 aout 2016 pour la reconquête de la biodiversité), deux articles scientifiques ont été publiés le 30 juin dernier dans le journal Science.

 

Tsvetkov et al. ont ainsi démontré qu’au Canada, en zone de production de maïs, les abeilles domestiques étaient exposées aux néonicotinoïdes pendant quatre mois, correspondant à la majorité de leur période d’activité et ce, à des niveaux significatifs malgré l’obligation faite aux agriculteurs d’utiliser des lubrifiants pour réduire les émissions de poussières contaminées en pesticides. Ils ont mis également en évidence que ces molécules, aux doses de terrain, avaient de nombreux effets négatifs préoccupants pour les colonies d’abeilles domestiques expliquant leur affaiblissement, et à terme leur dépérissement : une mortalité précoce des butineuses de 23% supérieure à celle des colonies non contaminées, une propension à l’essaimage combinée à une difficulté à élever une nouvelle reine réduisant le temps efficace de ponte et une perte au fil du temps de la capacité hygiénique de la colonie. Enfin, les scientifiques ont établi qu’en présence du boscalide, (un fongicide commun utilisé notamment en association avec certains insecticides), la toxicité de deux néonicotinoïdes, la clorthianidine et le thiamothoxam étaient presque doublée.

 

En conduisant plusieurs études de terrain en Hongrie, Allemagne et Royaume Unis pour évaluer les effets des insecticides néonicotinoïdes sur trois espèces de pollinisateurs, Woodcock et al. ont, quant à eux, démontré que l’exposition aux néonicotinoïdes a des effets majoritairement négatifs sur le potentiel reproductif interannuel des insectes étudiés et que même si les taux d’exposition aux néonicotinoïdes sont faibles, ils provoquent des impacts sublétaux susceptibles de diminuer la survie à long terme des populations. Des effets négatifs associés au traitement par la clothianidine ont été observés chez les ouvrières d’Apis mellifera, en Hongrie, conduisant à des colonies plus petites au printemps suivant avec un taux de déclin de 24%. Quant aux espèces sauvages Bombus terrestris et Osmia bicornis les auteurs ont démontré que l’exposition aux résidus de néonicotinoïdes, principalement ceux stockés dans les nids et découlant de la contamination environnementale généralisée, diminuait pour les premiers la production de reines et pour les seconds la production d’œufs. Ces différents impacts altérant le succès reproducteur des populations de pollinisateurs domestiques ou sauvages réduisent la capacité de ces espèces à établir de nouvelles populations d’année en année et pourraient expliquer leurs déclins, actuellement largement documentés. Par ailleurs, les résultats obtenus dans trois pays différents démontrent l’importance des facteurs spécifiques et locaux qui expliquent probablement les résultats discordants des études antérieures conduites dans un seul pays ou sur un nombre de sites réduit.

Les réserves marines peuvent atténuer les effets du changement climatique et favoriser l’adaptation des écosystèmes et des populations

Un article de synthèse signé par les plus grandes autorités mondiales en matière d’océanographie biologique – comme les scientifiques C.M. Roberts (Université d’York), J. Lubchenco, ancienne sous-secrétaire au commerce de l’administration Obama, D. Pauly (Université de la Colombie-Britannique) ou encore P. Cury (IRD et alors membre du conseil scientifique de la Fondation pour la recherche sur la biodiversité) – démontrent comment les aires marines protégées contribuent à la fois à la préservation des espèces, à l’atténuation du changement climatique et à son adaptation. Pour que ces zones soient un outil efficace pour préserver les espèces et faire face au changement climatique, les scientifiques estiment qu’il faudrait protéger 30 % du domaine marin, or seuls 3,5 % sont actuellement couverts.

 

Les aires marines protégées ont un rôle majeur à jouer dans l’atténuation et l’adaptation aux changements globaux. En plus de préserver la biodiversité, une bonne gestion des réserves marines peut contribuer à l’adaptation des écosystèmes et des populations humaines aux cinq impacts majeurs du changement climatique sur les océans : l’acidification, la montée des eaux, l’intensification des tempêtes, les changements dans la distribution des espèces, la baisse de productivité et l’appauvrissement en oxygène. Les aires marines protégées peuvent même devenir des outils efficaces et peu coûteux pour réduire l’avancée du changement climatique. En effet, elles favorisent la séquestration et le stockage du carbone et constituent une « police d’assurance » pour les sociétés humaines en limitant les pressions directes sur l’environnement.

 

Parmi les effets positifs des aires marines protégées pour l’adaptation aux effets du changement climatique, on peut retenir que :

  • la protection des zones littorales humides (mangroves, marais, herbiers) maintient une forte activité photosynthétique qui, en utilisant le CO2, réduit l’acidification des eaux. Ces zones constituent des refuges pour les organismes calcifiants ;
  • la création d’aires marines protégées en haute mer favorise la préservation d’une grande abondance des poissons téléostéens méso-pélagiques qui jouent un rôle majeur dans le cycle du carbone ;
  • les aires marines protégées régulent les menaces telles que la surexploitation des milieux, l’urbanisation côtière ou le dragage non durable et sanctuarisent des zones tampons (zones humides côtières, les vasières et les récifs) qui protègent les infrastructures et les zones anthropisées contre l’élévation du niveau de la mer

 

Parmi les effets positifs des aires marines protégées pour l’atténuation du changement climatique, on peut retenir que :

  • les océans constituent un puits de carbone majeur. Les animaux jouent des rôles cruciaux dans les processus biogéochimiques. Les aires marines protégées contribuent ainsi à la préservation du rôle crucial des océans dans la régulation du climat ;
  • les aires marines empêchent le déstockage du carbone en limitant des méthodes de pêche hauturières intensives – comme le chalutage- qui participent à la remise en suspension du carbone sédimentaire ;
  • les écosystèmes complexes favorisent des processus comme la dispersion des pollutions, la protection côtière, ou encore la production alimentaire tout en évitant les changements de régime des écosystèmes aux conséquences graves et inattendues
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